RDC – Freddy Matungulu : « Le report de la présidentielle au-delà de 2016 serait une erreur »

Jeudi 24 septembre 2015 - 13:03

Après avoir pris sa retraite anticipée du FMI, Freddy Matungulu Mbayamu Ilankir, 60 ans, voudrait se lancer dans la course à la présidentielle congolaise de 2016. L'ancien ministre de l'Économie s’est confié à « Jeune Afrique ».

Il y pense depuis quelques temps, mais c’est vers la fin de l’année 2014 que Freddy Matungulu Mbayamu Ilankir a décidé de quitter son poste au Fonds monétaire international (FMI) pour se consacrer « entièrement » à la politique. Avec une principale motivation derrière la tête : devenir le prochain président de la RDC.
« Alors que le débat sur la modification de la Constitution [pour permettre au président Joseph Kabila de briguer un troisième mandat, NDRL] faisait rage au pays entre 2013 et 2014, je me suis senti sous pression. Je ne pouvais plus continuer à rester au FMI alors que tout le monde essayait de donner de la voix », explique Freddy Matungulu Mbayamu, d’un ton calme et déterminé. « Il fallait passer à l’action », ajoute-t-il.
Première étape : une « réflexion » publiée début décembre 2014 sur Jeune Afrique dans laquelle le technocrate de 60 ans s’en prend avec véhémence aux politiciens et à l’élite de son pays. « Cette ‘élite’ intellectuelle et politique qui affectionne les titres d’Honorable et d’Excellence, mais qui chaque jour se déshonore en excellant dans toutes les vilenies, absolument toutes, pour parvenir au sommet d’une hiérarchie sociale devenue nauséabonde ou s’y maintenir à tout prix, en entretenant la détresse et la déshumanisation de notre société désemparée », dénonçait-il.

Congo na biso

Quelques jours plus tard, il quitte son poste de chef de division adjoint au département Afrique au FMI. Pour se libérer du devoir de réserve et retrouver sa liberté de parole. Il se lance alors dans une campagne médiatique tout azimuts, multipliant tribunes et prises de position dans la presse internationale et nationale. Avec l’œil toujours fixé sur la présidentielle prévue le 27 novembre 2016, il a ressuscité un « petit parti politique » et l’a rebaptisé Congo na biso [Notre Congo, en lingala, l’une des langues nationales de la RDC, NDLR].
Mais « par respect pour les Congolais », Freddy Matungulu attend son retour en RDC pour annoncer officiellement sa candidature à la présidence de la République. Lui qui a été le tout premier ministre de l’Économie, du Budget et des Finances du régime de Joseph Kabila, pendant deux ans (2001-2003), avant de rendre son tablier.

Pourquoi Matungulu a quitté Kabila

Le divorce d’avec le président Kabila fut « dramatique », selon l’ancien ministre. Plus de dix ans plus tard, il s’en souvient : « Après deux ans de fonctionnement normal des institutions de la République, il apparaissait de plus en plus clairement qu’il y avait un essoufflement. Au niveau la gestion des dépenses, il était devenu difficile de s’assurer que certaines sommes importantes allaient bien là où elles étaient réellement affectées ».
Au début, Matungulu tente de faire de la résistance, refusant à autoriser « certains décaissements importants qui [lui] paraissaient de nature à perturber le programme budgétaire du gouvernement ». Mais il est rappelé à Kinshasa alors qu’il séjournait à Lubumbashi pour défendre le projet de budget 2013 devant l’Assemblée nationale, dont le siège était alors dans la capitale du Katanga.

« Même mon discours de présentation du budget devant les députés était interrompu à plusieurs reprises par des coups de fil de Kinshasa, raconte l’ancien ministre. On m’a fait revenir dans la capitale aux petites heures de la matinée par un vol spécial. Une fois arrivé, j’ai été conduit à 1 heure du matin au Conseil national de sécurité. Là-bas, j’ai subi un interrogatoire pendant deux heures au cours duquel il m’a été ordonné de signer ses ordres de paiement dont on attendait le décaissement depuis plusieurs jours. » Ce qu’il ne fera pas, préférant quitter le gouvernement.

Matungulu, un « produit singulier »

Je suis un produit singulier qui a fait ses preuves en matière de gestion des affaires de l’État.
Plus de dix ans après les faits, Matungulu compte bien jouer sur cette « intégrité » qu’il a pu démontrer lorsqu’il était aux affaires pour rassembler les autres opposants autour de sa candidature à la présidentielle de 2016. Originaire du Bandundu, dans l’ouest de la RDC, il se présente comme un « produit singulier qui a fait ses preuves en matière de gestion des affaires de l’État ». Mais il se dit aussi « disposé » aux discussions en vue de trouver un candidat commun face à celui que le président Kabila – qui ne peut pas, en l’état actuel de la Constitution congolaise, se représenter – pourrait adouber en 2016.

Abstraction faite de Moïse Katumbi qu’il considère comme faisant « toujours partie du camp Kabila », de Vital Kamerhe qui a, selon lui, « fait Kabila » ou encore d’Étienne Tshisekedi affaibli par l’âge et la maladie, Matungulu ne voit pas d’opposant de la même envergure que lui pour la prochaine échéance électorale. « Qui reste-t-il ? » interroge le leader du parti Congo na biso. Et de conclure, serein : « Je suis la personne que tout le monde aurait intérêt à soutenir. » Pas sûr que les états-majors des partis d’opposition à Kinshasa l’entendent de cette oreille…

Jeune Afrique.com/LE POTENTIEL