RDC : la saisie des comptes de l’hôpital de Panzi inquiète l’opposition

Vendredi 2 janvier 2015 - 07:39

En République démocratique du Congo (RDC), l’hôpital de Panzi est toujours dans le collimateur des services fiscaux. L’hôpital du Docteur Denis Mukwege, qui a reçu le prix Sakharov pour son aide aux victimes de viols et pour son courage politique, a vu ses comptes saisis. Selon les autorités congolaises, cet établissement public n'aurait pas payé l'impôt professionnel sur les rémunérations (IPR). Joint par RFI, le ministre de la Santé explique qu’il s’agit d’un cas de fraude fiscale. De son côté, l’opposant Vital Kamerhe craint que cette décision ait des motivations politiques.

Le gouvernement congolais accuse l'hôpital de Panzi de fraude fiscale. Cet établissement public aurait engagé du personnel sur la base de contrat de droit privé et de fonds privés et n'aurait pas payé l'impôt professionnel sur les rémunérations pour ses employés. L'opposant Vital Kamerhe, originaire du Sud-Kivu, craint que cette décision ait des motivations politiques liées aux récentes prises de position du Docteur Mukwege contre la réforme de la Constitution. L'opposant dénonce, par ailleurs, une décision qui risque de mettre en péril la vie des patients.

« Nous sommes inquiets, d’autant plus que c’est le seul hôpital de référence au Sud-Kivu – je dirais même pour le Grand-Kivu – qui soulage et qui soigne les femmes violées. C’est grâce à cet hôpital et au savoir-faire du Docteur Mukwege que ce dernier a obtenu le prix Sakarov. C’est donc, pour nous, une question incompréhensible que ce soit le gouvernement congolais – qui aurait dû soigner ces femmes ; elles sont soignées par la communauté internationale – qui vienne paralyser cet hôpital qui doit payer des impôts. Les comptes sont saisis et les agents ne sont pas payés, vous comprenez que ce sont les malades qui vont en pâtir », a-t-il déclaré.

« Nous sommes inquiets et nous demandons au président de la République et au gouvernement de libérer ces comptes de l’hôpital de Panzi. Je pense que quand on n’a pas la même opinion que la majorité au pouvoir, on doit chercher à vous mettre des bâtons dans les roues. Je vois que c’est la personne de Mukwege qui est visée parce qu’il a été trop élevé et félicité au niveau national et international. Autrement, je ne vois pas comment expliquer cela », a conclu l’opposant congolais, Vital Kamerhe.

« C’est un cas de fraude fiscale »

Selon Kinshasa, le montant de la fraude s’élève à près de 47 000 dollars en 2012 et 650 000 dollars en 2013, ce qui explique la saisie des comptes de l'hôpital. Pour le moment, Kinshasa n’a pas fourni d'explications sur la différence des montants d'une année sur l'autre. Pour le ministre de la Santé Félix Kabange Numbi, il s’agit d’un cas de fraude fiscale.

« Ce que j’ai eu comme information, c’est que cette saisie des comptes concerne le non-paiement des IPR de 2012 et 2013. Ainsi, vous comprenez que le délai a été largement dépassé. Il y a eu plusieurs efforts de conciliation par la DGI auprès de l’hôpital qui malheureusement n’ont pas abouti ou bien il y a eu carrément un rejet de l’hôpital et cela a obligé la DGI à prendre une décision d’autorité », a déclaré à RFI, ministre congolais de la Santé.

Félix Kabange Numbi dément, par ailleurs, le fait que cela pourrait être en lien avec les déclarations du Dr Mukwege ou encore ses prises de position politiques.

« C’est un cas de fraude fiscale. Même moi, en tant que ministre de la Santé, je ne vais pas cautionner le fait que l’hôpital qui a contractualisé, de manière privée, refuse de pays l’impôt pour ce personnel et qu’on puisse trouver une justification politique. Non. Ce n’est pas une justification valable. Il faudrait qu’on aille sur les faits et les faits sont là. Il faut éviter, lorsque l’on a fauté, d’essayer de trouver des explications sur le plan politique », a conclu le ministre congolais de la Santé Félix Kabange Numbi, qui assure que la continuité des soins sera garantie et que des discussions sont en cours pour permettre à l’hôpital de fonctionner sans argent.