RDC : L’interminable succession d’erreurs du gouvernement dans le processus controversé d’installation de 21 nouvelles provinces

Lundi 17 août 2015 - 07:04

Quosque tandem abutere Catilina patientia nostra? A l'instar de Cicéron s'indignant contre Catilina dans un procès en Rome antique, les Congolais sont en droit de s'interroger aujourd’hui sur les véritables intentions inavouées de l'ex-Secrétaire général du PPRD: Quosque tandem abutere patientia nostra?

Jusqu'à quand, le vice-Premier, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité de la République démocratique du Congo (RDC), Evariste Boshab, abusera-t-il de la patience du peuple congolais? Et pour cause : l'interminable succession d'erreurs commises et endossées sciemment par le gouvernement dans le processus controversé d'installation des nouvelles provinces.

1. Au commencement était la Loi, et la loi était irréaliste, et la loi a été violée

Tout était parti de la Loi de programmation adoptée par le parlement et promulguée par le chef de l'Etat. Cette « loi-calendrier » n’avait, en son sein, pas prévu des délais impératifs au cours desquels devaient être pris certains actes.

Plus d'un observateur avait fustigé le caractère irréaliste de cette loi qui prévoyait que tout le processus, malgré sa complexité, puisse avoir lieu dans 120 jours. Mais le Gouvernement, par la bouche du vice-Premier ministre Evariste Boshab, avait alors rassuré l'opinion.

Mais, au grand étonnement de tous, ce fut dès la prise du premier acte juridique du processus que la Loi a été foulée aux pieds, fournissant par la même occasion, aux sceptiques un argument supplémentaire expliquant l'irréalisme du calendrier.

La flagrance de cette violation de la loi a trouvé sa plus belle illustration à travers les Décrets n°015/005 du 13 avril 2015 déterminant l’organisation et le fonctionnement des Commissions d’installation des nouvelles provinces en RD Congo et n°015/006 du 13 avril 2015 portant nomination des membres des dites commissions.

Ces deux décrets, pris en dehors des délais légaux étaient entachés des graves erreurs manifestes étant donnés qu'ils commettaient de créer les commissions d'installation des nouvelles provinces en même temps qu'ils acordaient des plus larges pouvoirs à ces ''commissions'' en marge de la loi elle-même.

La société civile n'est-t-elle pas montée au créneau pour tenter vainement de ramener le gouvernement à la raison avait jusqu'à qualifier la réaction de ce dernier de « belle esquive » la réponse du chef de l’Exécutif congolais, considérant que «tous les tenants du découpage +à la va vite+ se cachaient derrière la Loi Fondamentale pour justifier l’injustifiable ».

Sans coup férir, le gouvernement s'est obstiné à installer les « commissions »' juridiquement inexistantes car n'ayant pas été créées par les Décrets du Premier ministre qui ne se limitait qu'à organiser des ''commissions'' du reste non-créées.

Le politique avait alors marché sur le juridique. Le Gouvernement continuait à rassurer qui voulait le croire que le délai global de 120 jours allait être respecté. Mais, hélas, sans convaincre...

Plus qu'hier, aujourd’hui, les erreurs du gouvernement sont devenues plus perceptibles au point où, avec le recul, le peuple congolais finit par comprendre qu'il a été dupé une fois de plus par le vi-Premier ministre, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité.

2. L'inconstitutionnalité des mandats des Gouverneurs des nouvelles provinces

Comme s'il y avait péril en la demeure, la Loi de programmation a prévu l'élection des gouverneurs des nouvelles provinces juste après l'installation de celles-ci. Ce qui soulève un certain nombre d'inquiétudes. La première est celle relative à l'inconstitutionnalité de l'élection des Gouverneurs des nouvelles provinces en 2011. Cette inconstitutionnalité s'illustre par:

- le chevauchement des calendriers:

La loi de programmation avait prévu l'élection des Gouverneurs à l'issue de la première session des nouvelles assemblées Provinciales. La même année, le CENI a rendu public son calendrier global qui prévoit les élections des gouverneurs en janvier 2016.

Cette dualité soulève le problème de conciliation de ces deux calendriers. C'est ce problème de conciliation qui a d'ailleurs été à la base de la récente bourde du vice-Premier ministre qui, sans gène a sorti un calendrier des élections des gouverneurs alors que cette matière relevait de la compétence de la CENI.

Ce n'est qu'après la controverse qui s'en est suivi et qui a poussé l'opposition à fustiger l'inféodation de la CENI au gouvernement, que la CENI va se raviser et publier un nouveau calendrier. Ce qui ne résout toujours pas le problème de chevauchement des calendriers car le premier calendrier global de la CENI prévoyant notamment l'élection des gouverneurs des nouvelles provinces en janvier 2016 reste en vigueur.

-L'article 198 de la Constitution fixe le mandat des Gouverneur à 5 ans une fois renouvelable. Pour combien d'années seront élus les Gouverneurs version Boshab ?

Quand le président est respectueux de la loi fondamentale mais ses lieutenants la viole à travers Boshab ignorant que le processus actuel, ne tient pas compte que la Cour COnstitutionnelle pourrait par les Requêtes lui introduite, dire illégales les elections avant un terme de 5 ans pour être en conformité avec la constitution et aider le chef de l'état qui ne cesse de jurer par le respect strict de celle-ci.

- le dépassement des mandats des actuels députés provinciaux et la question de la légitimité de l'élection des gouverneurs des nouvelles provinces par des députés hors-mandat

Il n'est un secret pour personne que le mandat des députés provinciaux actuels a expiré depuis 2011 et que la légitimité de leurs pouvoirs pose problème au regard du principe de la limitation des mandats politiques dans le temps et dans l'espace.

En ce qui concerne la limitation dans le temps, le mandat des deputés provinciaux est de 5 ans. Il est juridiquement inacceptable et politiquement malpropre pour des députés provinciaux élus de 2006 d'élire de poser des actes de si haute portée politique telle que l'élection des gouverneurs quatre ans après le terme de leurs mandats!

En plus, le calendrier global de la CENI prévoit l'élection des députés provinciaux en octobre 2015 pendant que l'élection des gouverneurs des nouvelles provinces est prévue au cours de la même période. Du même mois.

Comment comprendre qu'un député en pleine campagne (avec moins de chance de réélection) élise un gouverneur en même temps?

L'irrationalité juridique a atteint son apogée dans ce pays!

Techniquement, l'on aura des gouverneurs élus par des assemblées composées des députés de 2006 et qui iraient présenter leurs gouvernements devant des députés de 2011 dont ils ne sont pas l'émanation! Si le ridicule pouvait tuer!

En ce qui concerne la limitation des mandats dans l'espace, il faut considérer que les actuels député provinciaux sont des députés élus des onze provinces de l'ancienne configuration.

Ainsi, un député de l'ex-province de l'Equateur n'a pas mandat pour sièger dans une assemblée de la province de la Mongala ou de la Tshuapa étant donné que ces provinces n'ont pas encore élu des députés depuis leur existence effective. Le défaut de qualité est donc patent à ce niveau.

3. La désuétude de la Loi de programmation et l'absence de base juridique de la suite du processus

La loi de programmation prévoyait le déroulement du processus d'installation des nouvelles provinces dans les 120 jours qui suivaient son entrée en vigueur.

Etaient comprises dans les 120 jours les phases suivantes: la création et l'installation des commissions d'installation, la repartition du patrimoine des nouvelles provinces, la prise d'acte des rapports des commissions par les assemblées, l'éclatement des assemblées provinciales, l'installation des bureaux des nouvelles assemblées et l'élection des gouverneurs. Pourtant, les 120 jours sont aujourd’hui largement dépassés.

Sur base de quel texte l'élection des gouverneurs des nouvelles provinces s'assoit-elle lorsque l'on sait que la loi de programmation est déjà violée et entrée en désuétude du fait de son inapplication?

Et si le glissement était le seul dessein caché du gouvernement derrière ce processus?

La témérité du gouvernement n'a d'égal que son obstination! Il est difficile d'expliquer en ce jour la démission intellectuelle de l'élite au pouvoir face aux abus successifs endossés de main de maître par le vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur sans chercher ailleurs, c'est-à-dire dans les non-dits de la démarche.

Tout le monde se rappelle les incidents suscités par le projet de loi assassin qu’il avait initié par Evariste Boshab en janvier 2015 en vue de conditionner la tenue des élections par le recensement préalable des électeurs et ainsi favoriser le glissement tant désiré par certains caciques de la majorité au pouvoir.

La rue s'était alors exprimée et seul son langage avait fait reculer le sénat. Ce n'est que peu après cet incident que le gouvernement a réactivé la machine suicidaire du découpage. Depuis lors, il s'obstine et ne veut pas entendre raison.

Des voix, et pas les moindres, se sont élevées au sein-même de la Majorité pour dénoncer l'irréalisme du processus mais sans faire chanceler l'acharnement et l'obstination incompréhensibles du gouvernement à découper tout de suite et à tout prix.

Christophe Lutundula et Adolphe Muzito ont semblé crier dans le désert malgré la pertinence de leurs points de vue. En procédant au découpage accéléré et en organisant les élections dans les nouvelles provinces simultanément avec les élections municipales et locales, le régime kabiliste aura court-circuité tout le processus au regard de la complexité d'une telle entreprise et des contraintes techniques, matérielles, financières et humaines auxquelles elle se heurtera.

Par conséquent, soit, l'organisation de ces élections sera rendue impossible, soit, elle sera rendue trop longue et trop fastidieuse au point d'enliser la CENI et ainsi retarder l'élection présidentielle.

Complicité du parlement : le peuple observe mais n’est pas dupe

De même, on n’a pas vu les députés nationaux et sénateurs, auteurs de la Loi de Programmation, oser au sein de l’Hémicycle parlementaire, faire une analyse qui aurait pu conduire à une révision de leur texte.

Quoi de plus normal que d’amender cette Loi de Programmation ? Au contraire, comme des amateurs politiques, on les a entendu avancer des interprétations xénophobes, rebelles, et anarchiques dans leurs provinces d’origines.

Aujourd’hui, ils sont tous rattrapés et ressemblent aux jeunes et inexpérimentés politiciens de 1960, qui n’avaient rêvé que de l’indépendance, sans se rendre compte du travail titanesque que cela représentait.

Le découpage est assis sur des contradictions entre membres du Gouvernement central et sans consultation interinstitutionnelle, encore moins sans tenir compte des Gouverneurs en place et assumant la gestion des affaires courantes.

Comment peut-on se lancer dans la création des nouvelles structures administratives, les villes, communes, provinces, sans au préalablement avoir une loi organique adaptée, ni avoir installé ces cadres de l’Administration publique ?
Faut-il qu’aux conflits de pouvoirs Coutumiers s’ajoutent aussi les conflits de pouvoirs administratifs ?

Que deviendra donc la RDC ?

Tous les efforts consentis pendant ces années par la population et ses dirrigeants seront anéantis ?

Soixante (60) ans plus tard, on continue de se rendre compte que la vitesse n’était pas la meilleure solution, tout comme on se rendra encore compte que le démembrement ou découpage précipité et sans préparation aura été un frein au développement des provinces, faute de ressources humaines, de moyens financiers.

Bref, faute d’esprit patriotique et managériale, mais d’un volontarisme politico-tribal aveugle.

Ouvrons l’œil et le bon.