Troïka stratégique, une structure informelle a pris le dessus sur le gouvernement : Qui arrêtera Matata ?

Mercredi 21 octobre 2015 - 11:17

Alors que tous les députés et sénateurs semblent avoir perdu leur capacité de s’indigner face à la violation de la Constitution par le Premier ministre, l’UDPS Samy Badibanga sort du lot et interpelle la Majorité présidentielle.

 

Le Conseil des ministres  est créé par la Constitution. Mais le Premier ministre Matata Ponyo a mis en place une structure informelle qui fait endosser au pays entier les décisions que seul le gouvernement aurait pu prendre, renforçant la thèse selon laquelle il n’y a pas transparence. Il s’en trouve un député national, Samy Badibanga, pour s’en indigner et rappeler le Premier ministre à l’ordre.

 

Assemblée nationale. Lundi 19 octobre. Le ministre des Finances Henry Yav est face aux députés nationaux pour le grand oral consacré à la très attendue reddition des comptes 2014. Non recours de la loi de finances rectificative, mauvaises imputations, dépassements budgétaires... Les élus ont sérieusement chargé le gouvernement et certains ont appelé à des sanctions appropriées. Et pourtant, depuis trois ans, ce sont les mêmes envolées contre un Exécutif récidiviste. Et depuis trois ans, l’immobilisme condamne collectivement les députés nationaux, affaiblit l’Assemblée nationale et la majorité au pouvoir. Dans la salle, un député presqu’indigné s’exclame : «Nous sommes face à un mauvais, gestionnaire et un mauvais contrôleur». Alors qu’il a été nommé ministre des Finances en décembre 2014, Yav Mulang ne peut ni ne doit faire les frais de la mauvaise gestion décriée. Cependant, les députés déclarent unanimement le gouvernement coupable de « graves infractions aux règles comptables et budgétaires». Peine perdue, s’exclame le député UNC Sam Bokolombe dans un commentaire posté sur Facebook. L’ancien directeur général des impôts constate que la sanction ne suit toujours pas. A l’hémicycle, on semble à peine se souvenir de l’article 91 alinéa 4 de la Constitution où il est stipulé : «Le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues aux articles 90, 100, 146 et 147». Ou de l’article 146 dispose, où il est disposé : «l’Assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement ou d’un membre du gouvernement par le vote d’une motion de censure ou de défiance». Alors que les députés semblent avoir perdu -Contrainte? Complicité?- leur capacité de s’indigner de la gouvernance du Premier ministre, un leader de l’Opposition, blasé, se demande désormais qui pourrait braver les ardeurs de Matata Ponyo.

 

Constitution violée, Badibanga scandalisé

 

Président du groupe parlementaire UDPS et Alliés, Samy Badibanga, lui, relève la tête. «Quand la majorité place ses intérêts au-dessus de ceux de la nation et ferme les yeux face à la violation répétée de la Constitution par le Premier ministre, j’ai honte d ‘être appelé député national de la République Démocratique du Congo», assène l’élu kinois de Mont-Amba.

Badibanga pense qu’on en est arrivé là parce que «la Majorité laisse son Premier ministre violer impunément la Constitution». Concrètement, l’Opposant s’insurge contre la Troïka stratégique, «une structure informelle créée par le Premier ministre Matata, qui fait endosser au pays les décisions que le gouvernement aurait pu prendre». L’ancien conseiller spécial de Tshisekedi a raison de se plaindre : Troïka stratégique ne figure nulle part dans la Constitution. Cependant, la loi fondamentale dispose à son article 79 : «Le Président de la République convoque et préside le Conseil des ministres. En cas d‘empêchement, il délègue ce pouvoir au Premier ministre». Dieu seul sait le nombre des Conseils des ministres que Matata a déjà présidés depuis son avènement à la Primature. Il sait également combien des réunions de la Troïka stratégique dont la dernière s’est tenue lundi 19 octobre -lire communiqué de presse ci contre- ont déjà eu lieu et agi en lieu et place du Conseil des ministres. Même l’ancien Secrétaire général du MLC Thomas Luhaka Losendjola n’a plus le courage de dénoncer la Troïka stratégique comme il le faisait avant son entrée au gouvernement. Evoquer cette question dans le but d’interpeller le Premier ministre ne relève nullement de la malveillance, sauf si l’on est hostile à la critique objective. Badibanga qui est de cet avis interpelle la Majorité présidentielle et son Premier ministre en ces termes: «Il faut revenir à l’ordre constitutionnel, respecter la structure telle qu’elle y est prévue. Une structure informelle et personnelle ne peut pas prendre le dessus sur tout le gouvernement. La Majorité doit laisser le Parlement, notamment l’Assemblée nationale jouer son rôle face au gouvernement, conformément aux dispositions pertinentes de Constitution, parce que dans tout pays où ces équilibres sont rompus, l’impunité et la mauvaise gestion sont consacrées ».

 

Par AKM

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