10 ans de la Constitution : Les recommandations du colloque de l’IDGPA transmises à Joseph Kabila

Lundi 7 mars 2016 - 12:23
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Le prof André Mbata met le chef de l’Etat face à ses responsabilités devant Dieu et la Nation

L’Institut pour la démocratie, la gouvernance, la paix et le développement en Afrique (IDGPA) que dirige le professeur André Mbata, a organisé, du 18 au 20 février 2016, à Kinshasa, un Colloque scientifique international sur le thème  » La Constitution du 18 février 2006 : Bilan, défis et perspectives de consolidation démocratique en République Démocratique du Congo « , en marge du 10ème anniversaire de cette Constitution.

Des recommandations issues de ce forum auquel plusieurs participants venus du monde entier ont répondu présent, ont été transmises, le 23 février dernier, au président de la République Joseph Kabila.
Le constat fait est que la Constitution du 18 février 2006 a réussi à survivre en dépit de nombreuses tentatives de violations et de fraudes à la Constitution. Il existe un fossé entre le droit établi par cette loi fondamentale et son application.

Tout en s’inspirant d’autres constitutions dans le monde dans le cadre de l’internationalisation du droit constitutionnel, la Constitution du 18 février 2006 présente une identité particulière. Cette identité découle de l’exposé des motifs, des objectifs poursuivis, de l’organisation et de l’exercice du pouvoir qui criminalisent, par exemple, le coup d’Etat et l’établissement d’un parti unique sur tout ou une partie du territoire, de la reconnaissance des droits et devoirs fondamentaux comme celui consacré par l’ article 64, et du verrouillage explicite ou implicite de certaines matières comme la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme républicaine du gouvernement, le nombre (2) et la durée (5 ans) des mandats du Président de la République, le pluralisme politique ou syndical, et l’indépendance du pouvoir judiciaire qui ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle.

Il en est de même de toute révision qui aurait pour objet ou pour effet de réduire les libertés de la personne et l’autonomie des provinces et des entités territoriales décentralisées et qui est formellement interdite.

Les participants au Colloque international ont adressé plusieurs recommandations au Président de la République, au gouvernement, au parlement, aux cours et tribunaux, spécialement à la Cour constitutionnelle, aux institutions d’appui à la démocratie comme la CENI et le CSAC, aux animateurs de l’Administration publique, aux forces de l’ordre et de sécurité, et aux acteurs politiques considérés comme les premiers artisans des fraudes et fossoyeurs de la Constitution.

Des recommandations ont également été formulées à l’endroit du peuple congolais qui avait adopté cette Constitution, aux intellectuels dont plusieurs milliers ont trahi la Nation, et à la Communauté internationale appelée à s’investir dans le respect de la Constitution.

Kabila appelé à protéger et défendre la Constitution

Les participants au Colloque ont rappelé au Président de la République son devoir d’observer et de défendre la Constitution conformément aux articles 69 et 74 de cette loi fondamentale qu’il avait lui-même promulguée, jurant ainsi solennellement de la respecter et de la défendre pour mettre définitivement un terme à la crise de légitimité, préserver certains acquis de sa présidence et épargner au pays une nouvelle crise politique aux conséquences incalculables dont le chef de l’Etat risque d’être tenu pour premier responsable  » devant Dieu et la Nation  » suivant les termes de son serment constitutionnel.

Cesser d’être des caisses de résonnance

A l’Assemblée nationale et au Sénat qui constituent les deux chambres du Parlement, le Colloque a recommandé de veiller au respect de la Constitution, notamment en adoptant toutes les lois nécessaires à son application, de cesser d’être des chambres d’enregistrement de la volonté de la MP, de renforcer le contrôle parlementaire en sanctionnant le gouvernement et des établissements et services publics qui tendent à opérer, en violation de la Constitution et des lois de la République, et de se préoccuper davantage des intérêts du peuple, et non de leurs propres intérêts.

Quant au Gouvernement, il devrait aussi respecter scrupuleusement la Constitution qui est la source de tout pouvoir dans l’Etat.

Le gouvernement, qui excelle dans son fonctionnement en marge des lois comme dans le cadre de l’exécution du budget avec des engagements budgétaires non prévus ou le non-engagement des dépenses contraignantes à l’instar de celles liées au financement des élections, devrait veiller à ce que la Constitution soit respectée par tous ses membres, les fonctionnaires et agents de l’Etat à tous les niveaux de l’administration publique sous les ordres du gouvernement, y compris les membres des forces de l’ordre et de sécurité.

Ces derniers tendent à se considérer à tort comme étant au service d’un individu, d’un groupe d’individus ou du régime au pouvoir alors qu’ils ne devraient être qu’au service du peuple.

En ce qui concerne la justice, les participants au Colloque ont recommandé aux cours et tribunaux de garantir en tout temps et en tout lieu les droits et libertés fondamentaux reconnus aux citoyens car la justice est rendue au nom du peuple et non pas au nom du gouvernement ou de la MP. Ils devraient être indépendants et de faire en sorte qu’il soit mis fin aux arrestations et détentions arbitraires ainsi qu’aux condamnations fantaisistes sans aucune base légale, mais qui sont devenues monnaie courante dans le pays.

S’adressant particulièrement à la Cour constitutionnelle qui a récemment surpris le monde scientifique et judiciaire avec un arrêt fondé sur une pitoyable interprétation constitutionnelle évoquant une prétendue  » force majeure  » pour servir de base à la nomination inconstitutionnelle des  » Commissaires spéciaux « , les participants au Colloque ont demandé aux juges de cesser d’être le bras judiciaire du pouvoir en place.

Ils devraient améliorer une jurisprudence qui frise jusque-là l’incompétence et la soumission au gouvernement, et comprendre que même si leurs jugements sont sans appel, ils ne sont pas au-dessus de la Constitution.

Ils ont plutôt le devoir, et non pas la liberté, de la faire respecter par toutes les institutions de la République. Ils doivent, avant tout, se sentir redevables au peuple congolais qui leur a accordé un mandat plus long (9 ans) que celui de Joseph Kabila qui arrive impérativement à sa fin le 20 décembre 2016 sans aucune possibilité de rallonge par un quelconque dialogue ou une quelconque révision constitutionnelle.

Aux forces armées, à la police et aux services de sécurité qui se sont fait une mauvais réputation dans ce domaine, il leur est recommandé de se mettre au service du peuple, de veiller à la protection des droits des citoyens quelle que soit leur obédience politique, de refuser d’obéir aux ordres hiérarchiques inconstitutionnels surtout lors des opérations de maintien de l’ordre public et des manifestations publiques pacifiques qui ne sont plus soumises à aucune autorisation, conformément à la Constitution.

Des recommandations ont été également adressées aux institutions d’appui à la démocratie de la République comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) et la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Le CSAC doit veiller au respect de la liberté de la presse et à ce que les médias publics qui sont financés et entretenus avec l’argent du contribuable, soient au service de tous les partis politiques en cessant d’opérer comme une machine de propagande du pouvoir en place.

La CENI est appelée, quant à elle, à cesser d’être un bureau du gouvernement pour organiser les élections comme et quand le gouvernement le veut.

Elle devrait organiser les élections dans les délais constitutionnels. Attendre un quelconque dialogue des politiciens pour publier un calendrier électoral, lancer des appels d’offre en vue de l’organisation des élections dans le non-respect des délais constitutionnelles et annuler des candidatures à l’élection des gouverneurs des provinces sur demande, ou mieux, injonction de la MP, sont autant de preuves de l’existence d’une CENI qui n’est indépendante que de nom.

Aux acteurs politiques, il a été recommandé de s’imprégner davantage des vertus républicaines pour respecter la Constitution dans l’organisation et le fonctionnement de leurs partis politiques car il leur serait difficile de défendre la loi fondamentale et promouvoir la démocratie dans le pays s’ils ne peuvent pas le faire au sein de leurs partis politiques.

A la Communauté internationale, spécialement l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne, et les partenaires étrangers de la RDC, les participants ont recommandé de continuer d’accompagner les institutions de la République et le peuple congolais dans leurs efforts en vue de l’application intégrale et du respect de la Constitution dont dépendent la paix et le développement du pays, et d’aller au-delà des déclarations pour encourager le gouvernement et aider effectivement la CENI en lui apportant des moyens logistiques et financiers qui lui permettent de s’acquitter de son devoir d’organiser l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels.

En ce qui concerne le peuple congolais qui est le constituant originaire, il devrait s’imprégner davantage de cette Constitution qui n’est pas une Constitution des belligérants, mais la sienne propre adoptée par voie de référendum en décembre 2005 avec une participation populaire de 85%. Face aux violations de la Constitution, le peuple n’a pas de choix.

Il a le devoir de s’opposer comme le veut l’article 64. L’un des cas flagrants de violation de la Constitution qui exigerait une farouche opposition du peuple congolais serait, par exemple, la non-organisation par la CENI de l’élection présidentielle dans les 90 jours précédant la fin du second et dernier mandat de Joseph Kabila.

Chérir la Constitution

Les participants au Colloque ont également rappelé à tous les Congolais leur devoir de chérir, de respecter et de protéger la constitution. Car,  » qui aime le pays, qui aime la République Démocratique du Congo et qui aime le peuple congolais doit d’abord aimer sa Constitution « .

L’attachement à la Constitution est le symbole du patriotisme et une condition pour bâtir un pays plus beau qu’avant au cœur de l’Afrique, les ennemis de la République et de son peuple pouvant se recruter massivement parmi ceux qui n’aiment pas la Constitution, montent des laboratoires de fraudes constitutionnelles, et complotent en permanence contre la Constitution dans l’unique but de se maintenir au pouvoir et sauvegarder leurs propres intérêts matériels égoïstes.

Il faut rappeler que, malgré les invitations leur adressées en bonne et due forme, tous les principaux animateurs des institutions de la République (Président de la République, Assemblée nationale, Sénat, Cours et Tribunaux, CENI, CSAC), les chefs des partis politiques de la MP, le recteur de l’UNIKIN et le bureau de sa Faculté de Droit ont préféré ne pas participer au Colloque sur les 10 ans de la Constitution de leur pays. Cependant, pour ne pas leur laisser le moindre prétexte de les ignorer, le Prof André Mbata

Mangu vient de leur transmettre officiellement les constats et recommandations.
Gare donc à ceux dont la règle principale consiste à violer la Constitution pour s’accrocher au pouvoir ou continuer à jouir des dividendes de leur appartenance au pouvoir.

Même les vrais-faux pasteurs qui viennent d’organiser leur messe noire au State des Martyrs pour prier contre la Constitution devraient le savoir. La Constitution étant sacrée, Dieu, la Nation, la République et le peuple ne pardonneront jamais ceux qui se seront évertués à vilipender et à tripatouiller la Constitution.

Les dirigeants congolais sont donc avertis et placés devant leurs responsabilités, suite aux recommandations leur transmises par le plus valeureux des constitutionnalistes congolais et l’un des plus dignes intellectuels de ce continent qui restent fermement engagés dans la lutte pour la dignité et le mieux-être du peuple africain, pendant que plusieurs milliers d’autres acquis au statu quo préfèrent quant à eux se  » désengager  » pour préserver quelques avantages personnels reçus à titre de reconnaissance pour bons et loyaux services rendus aux régimes en place.

Par Lefils Matady