RDC : le juriste Ikala Enguda pour une gestion des Communes axée sur la transparence et la redevabilité (tribune)

Jeudi 3 octobre 2019 - 17:46
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GESTION DES COMMUNES DE KINSHASA / POUR PLUS DE REDEVABILITÉ ET DE TRANSPARENCE 

1. CONTEXTE 
Le Gouverneur de la Ville de Kinshasa a nommé des nouveaux bourgmestres pour chacune des communes de Kinshasa. En total désaccord avec la procédure de nomination comme je l’avais exprimé, lesdits bourgmestres sont, de fait, en pleine exercice, il me faut donc l’accepter et vivre avec. Cependant, je pense qu’il nous faut, malgré tout, marquer la rupture et le changement au pratique du passé. En effet, certaines personnes en tendance à croire que l’absence d’élection locale est synonyme d’une gestion locale effectuée par la seule discrétion du bourgmestre. En effet au sein de nos communes, il n’existe pas de collège exécutif communal encore moins de Conseil communal. Dans les faits, le bourgmestre gère effectivement seul la commune sans réel contre-pouvoir. Cependant, après analyse, cette approche quant à la gestion de nos communes est contraire à la loi et à la bonne gouvernance. Je m’explique ! 

2. RÉGIME JURIDIQUE 
Les élections locales prévues en décembre prochain n’auront apparemment pas lieu et c'est ainsi depuis 2006. Face à cette omission récurrente, le législateur avait voté la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées et leurs rapports avec l'Etat et les Provinces qui stipule en son article 126 qu’ « en attendant l'organisation des élections urbaines, communales et locales par la Commission électorale nationale indépendante instituée par la Constitution, les autorités des différentes entités territoriales décentralisées actuellement en poste sont gérées conformément aux dispositions du Décret-loi n°0082 du 02 juillet 1998 portant statut des autorités chargées de l'administration des circonscriptions territoriales. » Les bourgmestres et les bourgmestres adjoints étant repris respectivement au point 5 et 6 de l’article 1 dudit décret-loi comme autorités soumises décret-loi, ils sont donc gérés conformément à ce décret-loi. 

3. PLAN D’ACTION, BUDGET, RECETTES ET DEPENSES DE LA COMMUNE
Avant toute chose, il sied de signaler ici que le décret-loi ci-haut mentionné a été modifié le 28 septembre 2001 par le Décret-Loi n°018/2001. Ce dernier stipule en son article 110 (b) et (c) que les attributions du Bourgmestre sont notamment :
 b) préparer et présenter au Gouverneur de la Ville le projet de budget de la Commune, le projet de crédit supplémentaire et virement de crédit ainsi que le programme d’action après avis du Conseil Consultatif Communal ; 
c) présenter au Gouverneur de la ville les comptes annuels des recettes et des dépenses après avis du Conseil Consultatif Communal ; 
A la lumière de cette disposition, force est de conclure que le Bourgmestre est redevable au Gouverneur de la ville à qui il doit présenter son plan d’action, son budget, ses recettes et ses dépenses ainsi qu’au Conseil Consultatif Communal à qui il doit obtenir un avis avant de présenter tous ces éléments au Gouverneur de la Ville. Quelle est le plan d’action de votre bourgmestre ? Quel est le budget, les recettes et les dépenses de votre commune ? Le Bourgmestre transmet-il toutes ces informations au Gouverneur de la Ville ? Nul ne le sait puisqu’il n’y a pas d’obligation de publication de tous ses éléments. Toutefois, vous l’aurez remarqué, l’avis du Conseil Consultatif Communal est un préalable à la présentation de ces éléments (Plan d’action, budget, recette, dépense de la commune) au Gouverneur de la ville. A mon sens, c’est à ce niveau, au Conseil Consultatif Communal, que, malgré l’absence d’élection locale, l’administré peut jouer indirectement un rôle dans la gestion de sa commune. 

4. CONSEIL CONSULTATIF COMMUNAL 
4.1. La mission 
Selon l’article 118 du Décret-Loi n°0082 tel que modifié « le Conseil Consultatif Communal est l’organe consultatif de la Commune. Il est placé auprès du Bourgmestre et émet des avis, avant décisions, sur toutes les questions d’intérêt local ». Ainsi, cette structure, même si son influence n’est pas contraignante, permet à l’administré d’avoir indirectement l’information et d’émettre des avis pour éventuellement influencer la décision du bourgmestre. Comment cela est-il possible ? 
4.2. Composition
Selon les articles 19 et 119 du Décret-Loi n°0082 tel que modifié le Conseil Consultatif Communal est composé de :  • les chefs de quartiers ; • un délégué de la Fédération des Entreprises du Congo ; • un délégué de la Commune • trois délégués des associations des femmes ; • (nombre non fixé) Association National des Parents d’Elèves et d’étudiant du Congo • (nombre non fixé) confession religieuse. 
Les délégués ainsi désignés portent le titre « membre du Conseil Consultatif Communal ». Leur nombre ne peut être inférieur à douze. Le Ministre des affaires intérieurs en prend acte. 
 Comme vous pouvez le constater, ces membres, dont une grande partie proviennent de la société civile constitue le contre-pouvoir citoyen permettant de rendre effective une forme de redevabilité du bourgmestre et de transparence quant à la gestion de la commune. 

5. RECOMMANDATIONS 
Compte tenu qu’il n’y aura pas d’élection locale et que par conséquent les bourgmestres sont gérés conformément aux dispositions du Décret-loi n°0082 du 02 juillet 1998 portant statut des autorités chargées de l'administration des circonscriptions territoriales tel que modifié, je recommande au :
• Ministre de l’Intérieur de créer les Conseil Consultatif Communal de chaque commune de la Ville-province de Kinshasa et d’y nommer les membres qui seront désignés par leur corporation respective ;
• Bourgmestre de présenter, d’ici le début de l’exercice budgétaire 2020, au Conseil Consultatif Communal un plan d’action et un budget annuel de la Commune pour avis.

6. CONCLUSIONS 
Cette approche permettra de faire évoluer la gestion de nos communes ont y intégrant à la fois de la transparence et une forme de redevabilité envers le public. L’absence d’élection locale ne peut plus être synonyme de gestion discrétionnaire et opaque des communes de Kinshasa. 

ENGUNDA IKALA