Revisitation des contrats miniers léonins : LA MINE DE LONSHI DEVIENT UN LAC

Mercredi 4 décembre 2019 - 13:18
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L’ancienne mine de cuivre de la  compagnie canadienne  First Quantum Minerals -FQM- est noyée depuis des années. Et pour cause, la  décision du  procureur  général de la  République  qui avait déchu la  société de ses titres  après la  revisitation  des contrats   en   2009.   Une   décision   prise   nuitamment   sous   le manteau dans une officine politique et dont l’arrêt n’a jamais été publié dans le Journal Officiel. La mine a été attribuée ensuite à
Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC) appartenant aux oligarques   kazakhs   Alexander   Mashkevitch,   Alidschan Ibragimow  et Patokh Chodiev.  On peut se  demander : dix ans après la revisitation, la RDC a-t-elle gagné ou perdu ?

Quel gâchis ?

Le projet Lonshi était développé par un partenariat entre la   Gécamines, la  Banque mondiale via la Société   financière   de   Développement, FQM   et l’institution   financière   sud-africaine   Industrial Development Corporation(IDC). Les galeries souterraines de la mine étaient déjà construites. Le projet faisait la fierté des habitants de Lonshi avec un hôpital moderne, des écoles et des activités économiques sous la  gestion de FQM. Mais depuis que cette mine a été cédée aux kazakhs par le gouvernement de la RDC, elle s’est progressivement dégradée avec un trou béant pour devenir un grand étang. Au fil du temps, la mine s’est complètement transformée  en un lac  sans ressources   halieutiques.   Un   miracle   à   la congolaise ! Aussi curieux que cela puisse paraître, la  mine ou le  lac  n’a jamais   produit même un gramme de minerai ni un kilo de poisson. Un grand étonnement!

Si les dirigeants congolais en tant qu’individus ont gagné à travers une transaction occulte, le pays a vraiment perdu. Même si les produits de la pêche issus   de   ce   lac   pouvaient   rivaliser   avec   les activités de  FQM, la  longue  attente  aurait été préjudiciable   pour   l’Etat   et   la   communauté riveraine   en   termes   d’emplois,   taxes,   impôts, réalisations   sociales   et   autres   retombées   de l’exploitation minière. Un énorme manque à gagner et un véritable gâchis.   Après, on incriminera  les impérialistes  de piller les  ressources de la  RDC.

L’attente de la   « manne »  sera donc longue   et populaire. Pendant   que   la   population   de   Lonshi   reste
impatiente en attendant une hypothétique issue du tunnel, de vénaux et véreux dirigeants majoritaires qui écument encore les institutions du pays après l’alternance   démocratique,  viennent de mettre le  feu   aux   poudres.   Les   «pseudo-vrais-faux» investisseurs  libanais   et autres asiatiques  sont arrivés   en   octobre   dernier   à   Lonshi.   Avec  la bénédiction   des   autorités   provinciales,   de l’administrateur   du   territoire   et   de   quelques officiers de la   soldatesque, « nos investisseurs » ont comme toujours, chassé du site, les creuseurs qui exploitaient les remblais laissés par FQM pour leur   survie.   Au   lieu   de   faire   l’exploitation industrielle, les Asiatiques font la même chose que les artisanaux. En quoi consiste la différence ?

Face à une telle situation, la population de Lonshi s’est soulevée récemment contre ce qu’elle qualifie d’occupation.  Bilan des  émeutes ? Trois  morts, plusieurs blessés et d’importants dégâts matériels. On nous dira peut-être que les  autochtones de Lonshi, sont des xénophobes. Mais que doivent-ils faire   face   à   une   invasion   soutenue   par   les responsables de l’Etat ? Personne ne leur apporte la solution concrète.  En  effet,  Lonshi  subit un double  préjudice :  -  le départ d’un géant minier en l’occurrence, FQM qui devrait contribuer au bien-être de la population, à la prospérité économique du pays ; - et la mort de ceux  ayant résisté à l’envahissement de leur terre. Une   question   simple :   Où   sont   passés   les éloquents tribuns, députés nationaux, provinciaux et autres défenseurs du territoire de Sakania dont Lonshi fait partie? Que font-ils lorsque les intérêts de la population sont menacés ?

Rien n’a marché à Lonshi depuis le départ de FQM

La revisitation des contrats miniers dits  léonins, avait comme objectif de rééquilibrer les avantages entre l’Etat et les multinationales. Une idée géniale mais, ironie  du  sort ! La RDC a-t-elle  réellement gagné ? Le même argument a été utilisé pour la révision  du Code  minier de 2002.  Encore  des doutes et moins de certitudes. ENRC   a   en   effet   prouvé   son   incapacité   à développer   un   projet   viable   en   RDC.   Après l’acquisition   de   Boss   Mining  auprès   de   Billy Rautenbach,  après la  récupération des droits sur les rejets de Kingamyambo Musonoy Tillings et le rachat de la mine de Frontier SPRL à Lonshi ainsi que d’autres mines estimées à une dizaine de gisements au Katanga, cette société n’a rien fait en dehors des annonces biscornues dans la presse.  

La   fraude   via   des   sociétés   écrans,   un   grand handicap  Démasqué  par  l’organisme   britannique,  Serious
Fraud   Office   (SFO)   pour   falsification   des documents   et   par   l’ex-premier   ministre,  David Cameroon pour utilisation des sociétés écrans aux îles Vierges, ENRC a connu un grand séisme : sa valeur boursière a fortement chuté à Stock Change à   Londres.   Cette   dégringolade   en   bourse   a anesthésié sa capacité d’action.
Pourquoi sommes-nous tombés si bas ? Déchu   de   son   titre   en   RDC,   FQM   s’est confortablement installé  en Zambie où  il  fait de bonnes affaires tout en donnant un coup de pouce à l’économie. FQM est le premier contributeur en termes  d’impôts  et taxes  en   Zambie.  Sur 7.4 milliards de kwacha versés  par les  miniers  par exemple, FQM caracole en tête avec 4.781, soit 65 %. Pendant qu’il réalise des exploits en Zambie, la RDC mord la poussière. Et pourtant, le Congo avec ses gisements riches en teneur et moins profonds, devrait   inspirer   la   Zambie.   Dommage,   c’est l’inverse. Avec ses deux filiales à savoir Kansanshi Mining   à   Solwezi   et   First   Quantum   Mining Opération  à   Ndola  sans   oublier son   usine   de production   d’acide   sulfurique,   les   Zambiens sentent l’impact des mines dans leur vie, alors que  la  RDC   crie   au   scandale   géologique   et   à   la malédiction des ressources naturelles. Le ridicule tue aussi. 

Et si FQM rentrait en RDC ?

Gaby KUBA BEKANGA