L’ancienne mine de cuivre de la compagnie canadienne First Quantum Minerals -FQM- est noyée depuis des années. Et pour cause, la décision du procureur général de la République qui avait déchu la société de ses titres après la revisitation des contrats en 2009. Une décision prise nuitamment sous le manteau dans une officine politique et dont l’arrêt n’a jamais été publié dans le Journal Officiel. La mine a été attribuée ensuite à
Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC) appartenant aux oligarques kazakhs Alexander Mashkevitch, Alidschan Ibragimow et Patokh Chodiev. On peut se demander : dix ans après la revisitation, la RDC a-t-elle gagné ou perdu ?
Quel gâchis ?
Le projet Lonshi était développé par un partenariat entre la Gécamines, la Banque mondiale via la Société financière de Développement, FQM et l’institution financière sud-africaine Industrial Development Corporation(IDC). Les galeries souterraines de la mine étaient déjà construites. Le projet faisait la fierté des habitants de Lonshi avec un hôpital moderne, des écoles et des activités économiques sous la gestion de FQM. Mais depuis que cette mine a été cédée aux kazakhs par le gouvernement de la RDC, elle s’est progressivement dégradée avec un trou béant pour devenir un grand étang. Au fil du temps, la mine s’est complètement transformée en un lac sans ressources halieutiques. Un miracle à la congolaise ! Aussi curieux que cela puisse paraître, la mine ou le lac n’a jamais produit même un gramme de minerai ni un kilo de poisson. Un grand étonnement!
Si les dirigeants congolais en tant qu’individus ont gagné à travers une transaction occulte, le pays a vraiment perdu. Même si les produits de la pêche issus de ce lac pouvaient rivaliser avec les activités de FQM, la longue attente aurait été préjudiciable pour l’Etat et la communauté riveraine en termes d’emplois, taxes, impôts, réalisations sociales et autres retombées de l’exploitation minière. Un énorme manque à gagner et un véritable gâchis. Après, on incriminera les impérialistes de piller les ressources de la RDC.
L’attente de la « manne » sera donc longue et populaire. Pendant que la population de Lonshi reste
impatiente en attendant une hypothétique issue du tunnel, de vénaux et véreux dirigeants majoritaires qui écument encore les institutions du pays après l’alternance démocratique, viennent de mettre le feu aux poudres. Les «pseudo-vrais-faux» investisseurs libanais et autres asiatiques sont arrivés en octobre dernier à Lonshi. Avec la bénédiction des autorités provinciales, de l’administrateur du territoire et de quelques officiers de la soldatesque, « nos investisseurs » ont comme toujours, chassé du site, les creuseurs qui exploitaient les remblais laissés par FQM pour leur survie. Au lieu de faire l’exploitation industrielle, les Asiatiques font la même chose que les artisanaux. En quoi consiste la différence ?
Face à une telle situation, la population de Lonshi s’est soulevée récemment contre ce qu’elle qualifie d’occupation. Bilan des émeutes ? Trois morts, plusieurs blessés et d’importants dégâts matériels. On nous dira peut-être que les autochtones de Lonshi, sont des xénophobes. Mais que doivent-ils faire face à une invasion soutenue par les responsables de l’Etat ? Personne ne leur apporte la solution concrète. En effet, Lonshi subit un double préjudice : - le départ d’un géant minier en l’occurrence, FQM qui devrait contribuer au bien-être de la population, à la prospérité économique du pays ; - et la mort de ceux ayant résisté à l’envahissement de leur terre. Une question simple : Où sont passés les éloquents tribuns, députés nationaux, provinciaux et autres défenseurs du territoire de Sakania dont Lonshi fait partie? Que font-ils lorsque les intérêts de la population sont menacés ?
Rien n’a marché à Lonshi depuis le départ de FQM
La revisitation des contrats miniers dits léonins, avait comme objectif de rééquilibrer les avantages entre l’Etat et les multinationales. Une idée géniale mais, ironie du sort ! La RDC a-t-elle réellement gagné ? Le même argument a été utilisé pour la révision du Code minier de 2002. Encore des doutes et moins de certitudes. ENRC a en effet prouvé son incapacité à développer un projet viable en RDC. Après l’acquisition de Boss Mining auprès de Billy Rautenbach, après la récupération des droits sur les rejets de Kingamyambo Musonoy Tillings et le rachat de la mine de Frontier SPRL à Lonshi ainsi que d’autres mines estimées à une dizaine de gisements au Katanga, cette société n’a rien fait en dehors des annonces biscornues dans la presse.
La fraude via des sociétés écrans, un grand handicap Démasqué par l’organisme britannique, Serious
Fraud Office (SFO) pour falsification des documents et par l’ex-premier ministre, David Cameroon pour utilisation des sociétés écrans aux îles Vierges, ENRC a connu un grand séisme : sa valeur boursière a fortement chuté à Stock Change à Londres. Cette dégringolade en bourse a anesthésié sa capacité d’action.
Pourquoi sommes-nous tombés si bas ? Déchu de son titre en RDC, FQM s’est confortablement installé en Zambie où il fait de bonnes affaires tout en donnant un coup de pouce à l’économie. FQM est le premier contributeur en termes d’impôts et taxes en Zambie. Sur 7.4 milliards de kwacha versés par les miniers par exemple, FQM caracole en tête avec 4.781, soit 65 %. Pendant qu’il réalise des exploits en Zambie, la RDC mord la poussière. Et pourtant, le Congo avec ses gisements riches en teneur et moins profonds, devrait inspirer la Zambie. Dommage, c’est l’inverse. Avec ses deux filiales à savoir Kansanshi Mining à Solwezi et First Quantum Mining Opération à Ndola sans oublier son usine de production d’acide sulfurique, les Zambiens sentent l’impact des mines dans leur vie, alors que la RDC crie au scandale géologique et à la malédiction des ressources naturelles. Le ridicule tue aussi.
Et si FQM rentrait en RDC ?
Gaby KUBA BEKANGA