RDC : Le chef de l'État peut actionner la dissolution pour n’importe quel motif qu’il estime créant une crise entre le gouvernement et l’assemblée nationale (Tribune)

Jeudi 23 janvier 2020 - 09:37
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La polémique au sujet de la dissolution de l'Assemblée nationale continue de susciter des réactions au sein de la classe sociopolitique congolaise. Ce, après que la présidente de la Chambre basse du Parlement ait déclaré que c'est un débat indécent et accessoire. Jeanine Mabunda a, par la même occasion, indiqué qu'il ne faut pas jeter les articles de la Constitution en pâture.

Pour Maître Papis Tshimpangila, avocat conseil de feu Étienne Tshisekedi Wa Mulumba, le président de la République peut actionner la procédure de dissolution à tout moment pour n’importe quel motif qu’il estime mettant en péril le bon fonctionnement des institutions et créant une crise entre le gouvernement et l’assemblée nationale.

(Ci-dessous, la tribune de Me Papis Tshimpangila)

Dans la pratique constitutionnelle, le pouvoir discrétionnaire du président de la République de dissoudre l’assemblée nationale  supplante ou peut rendre inopérant et inapplicable   le pouvoir de déclencher la procédure de destitution du chef de l’Etat par le Parlement.

Il convient de rappeler que l’article 148 de la constitution circonscrit le pouvoir discrétionnaire du président de la République de dissoudre l’assemblée nationale à deux conditions, à savoir :

- En cas de crise persistante entre le gouvernement et l’Assemblée nationale ; 

- Par ailleurs, le président de la République doit consulter préalablement le premier ministre et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Premièrement, la notion de crise persistante entre ces deux institutions relève du pouvoir personnel d’appréciation du chef de l’Etat en sa qualité de garant du bon fonctionnement des institutions (Art 69 de la Constitution). C’est lui et exclusivement lui-même qui définit ce qu’il faut entendre par crise persistance entre ces institutions.

Son interprétation ne peut faire l’objet d’aucun contrôle parlementaire étant donné l’absence de contreseing du premier ministre dans la matière, ni contrôle juridictionnel étant donné qu’il s’agit d’acte éminemment politique non soumis à la censure du conseil d’Etat ou de la Cour constitutionnelle. (Pouvoir discrétionnaire de définir la crise persistante).

Deuxièmement, le droit de consultation des trois personnalités précitées est un droit d’information et non un droit leur permettant de donner un avis contraignant  (simple formalité non contraignante).

A titre d’exemple, étant donné que cette disposition est calquée au droit constitutionnel français (article 12) et l’absence de jurisprudence congolaise, on peut se référer au droit français. Le président de Gaulle a fait l’usage du droit de dissolution en 1968 pour mettre fin au fort mouvement social qui perturbait le fonctionnement des institutions.

Les propos tenus récemment par la présidente de l’Assemblée Nationale fustigeant indirectement le gouvernement qui inflige «  une douleur sociale à la population avec la hausse de Franc congolais de 1600FC à 1750FC en une année de gouvernance du président de la République, la hausse des frais académiques, les sinistrés des pluies diluviennes qui ne trouvent pas solution… » peuvent être de nature à être interprétés, si le président le souhaite,  comme une crise entre le gouvernement et l’assemblée nationale nonobstant l’absence de motion de défiance ou le vote du budget à large majorité .

Par conséquent, le président de la République peut actionner la procédure de dissolution à tout moment pour n’importe quel motif qu’il estime mettant en péril le bon fonctionnement des institutions et créant une crise entre  le gouvernement et l’assemblée nationale.

En outre, il échet de rappeler que la mise en accusation du chef de l’Etat qui peut conduire à sa destitution (art 165 et 166 de la constitution) est actionnée par le Parlement (chambre et sénat) composant le congrès.

En pratique, si le Parlement veut actionner la procédure de destitution, le Président a la possibilité d’y mettre fin immédiatement en faisant usage de son droit de dissolution de l’assemblée nationale avant le vote d’autant plus que la dissolution et les raisons de la dissolution (crise persistante) dépendent  uniquement de son pouvoir discrétionnaire.

Me papis Tshimpangila 
Avocat conseil de feu Etienne Tshisekedi