Tribune - "Entreprises, Établissements et Services publics.  Nomination des mandataires et Enjeux: Compétence versus militantisme"

Mercredi 26 février 2020 - 11:18
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En 1960, l’espoir suscité auprès des Congolais avec l’accession du Congo à l’indépendance s’est vite estompé pour laisser place à la désolation dans tous les secteurs de la vie nationale.  Les entreprises publiques qui du temps de la colonisation avaient grandement contribué au budget de la colonie et à la construction des infrastructures  dans l’espace Congo-belge, sont devenues après l’indépendance des pesanteurs socio-économiques incapables de répondre aux attentes des Congolais.  Gangrénées par la mauvaise gestion, elles sont aujourd’hui incapables de produire la richesse attendue et sont toutes littéralement en faillite. 
L’absence de volonté politique des gouvernements successifs, ayant favorisé le clientélisme, le militantisme et le copinage, est à la base de la mal gouvernance existante. 
Le Président Félix Tshisekedi est  aujourd’hui considéré, à bien des égards, comme le dépositaire de l’espoir de tout un peuple, longtemps meurtri, pour éradiquer ce système de mal gouvernance. Le Congo et les Congolais vivent dans l’attente du changement dans la façon de faire au sein de nos entreprises publiques qui devra se démarquer du passé.  

Le défi de Félix Tshisekedi : Faire les choses autrement-déboulonner le système existant

« Je vais déboulonner le système dictatorial en place », avait dit le Président de la République. Comme relevé plus haut, le système en place depuis 1965 est assis sur le clientélisme, le militantisme, le copinage et la prédation.  C’est ce système que le Chef de l’État nous a promis d’éradiquer.  
De tout temps, les mandataires publics ont toujours été nommés grâce à leur proximité avec le pouvoir sans égard à leur qualité managériale, c’est cela le socle même de la mauvaise gouvernance. Devant un choix entre un gestionnaire compétent et un gestionnaire militant, sans crier gare, le système privilégie le militant.  Comment alors s’attendre au changement attendu ?  Le défi auquel fait face notre Chef de l’État est de répondre aux désidératas des Congolais en privilégiant la compétence et rompre ainsi avec le passé. 

Clientélisme et militantisme : principales causes de l’échec de nos entreprises publiques aujourd’hui
Les pourparlers en cours entre le CACH et le FCC sur le partage des entreprises publiques laissent dubitatifs les Congolais quant au réel changement promis, car le cadre et la quintessence des discussions dessinent bien un remake ou la répétition des mêmes pratiques qui ont engendré la banqueroute généralisée de ces entités. La faiblesse d’une telle démarche est d’établir la liste de potentiels mandataires seulement en recourant aux gens qui sont proches de ces deux regroupements politiques, nonobstant leur niveau de compétence qui est souvent sujet à caution.  Sommes-nous en train de reproduire les mêmes erreurs du passé ? Voulons-nous à la fois une chose, le peuple d’abord, et son contraire, les proches d’abord.  Si tel est le cas, nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge.  Le clientélisme et le militantisme n’ont pas donné jusqu’à ce jour des résultats probants du fait de leur principale faiblesse: primauté de l’appartenance sur la compétence. 

Mon livre sur la Bonne gouvernance des entreprises publiques en RDC 
Dans mon livre intitulé « Entreprises publiques en RDC, nécessité de la mise en place d’un cadre de bonne gouvernance axée sur la responsabilisation et la performance », j’ai souligné le fait que le mal des entreprises congolaises est connu de tous, c’est LA MAUVAISE GOUVERNANCE.  Il se dégage malheureusement l’impression que personne ne veut appliquer la thérapeutique adéquate pour nous sortir de ce bourbier.  Le Gouvernement se complait à répéter les mêmes recettes surannées qui ont conduit à la faillite généralisée de ces entreprises, à savoir le favoritisme dans le choix des dirigeants d’entreprise, l’absence des directives claires sur les attentes de l’État vis-à-vis des mandataires, l’incompétence des dirigeants et surtout l’incompétence institutionnelle de mettre en place un cadre de bonne gouvernance approprié. 

La compétence couplée d’intégrité: seuls critères valables pour sortir les entreprises de la mauvaise gouvernance 
Au-delà de la compétence institutionnelle que détient le Gouvernement du fait de son imperium, les mandataires de nos entreprises publiques ou encore gestionnaires ou managers devront posséder des compétences opérationnelles éprouvées et solides, couplées d’une intégrité hors de tout soupçon.  Sans l’intégrité, la compétence seule peut tuer la gestion et l’entreprise.  Le titre universitaire est bien différent de la compétence.  Si le diplôme  traduit l’ensemble des savoirs généraux acquis, la compétence reflète le degré de maîtrise dans l’exercice d’une fonction. La compétence s’acquiert essentiellement par la pratique.  La pratique renforçant la connaissance théorique procure  au manager la capacité de jugement relativement supérieure.  
Pour sortir nos entreprises de la mauvaise gouvernance,  le Gouvernement devra conditionner le choix des mandataires par la détention d’un diplôme universitaire de niveau de Licence ou Baccalauréat américain plus une maîtrise, de préférence en management ou en administration des affaires ou dans le domaine d’exploitation concerné et surtout la possession d’une solide expérience pratique de haut niveau de plus de dix ans en gestion des affaires et prouver son degré d’intégrité éthique et professionnelle.  
Le Congo possède des talents éparpillés à travers le monde capables de relever le défi de la mal gouvernance. 
Recommandation au Chef de l’État et au Gouvernement 
Ayant analysé les enjeux et défis des entreprises publiques dans notre pays, je voudrais souligner que seul le sérieux dans le choix des mandataires sortira nos entreprises de leur sous-gouvernance. Ma recommandation est de voir le critère de compétence primé dans le choix de futurs mandataires publics sur toute autre considération politique.

Jacques Kabeya Ilunga Tenda, MBA
Expert en management stratégique des organisations
Membre de l’Institut des Banquiers canadiens
Doctorant en Business Administration