Pouvoir du Président de la République et ses deux prérogatives distinctes.
Pour connaitre les pouvoirs du Président de la République sur la nomination d’un informateur, il faut ouvrir la Constitution de la République Démocratique du Congo.
A l’Article 69 de la constitution, alinéa 3, on peut lire « Le Président de la République assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions ainsi que la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire, de la souveraineté nationale et du respect des traités et accords internationaux ».
Poursuivons notre lecture ..., Quelques pages plus loin, on arrive à l’article Article 78 de la constitution : « Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Si une telle majorité n’existe pas, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une coalition »
l’article 78 concerne la nomination d’un informateur pour identifier une majorité pour nommer un Premier Ministre (Compétence liée, Le Président doit nommer un informateur).
Lorsqu’il vient d’avoir élection (Pas encore de majorité identifiable).
Démission d’un premier Ministre impliquant une déconfiture de la majorité parlementaire (Par exemple, s’il démissionne parce qu’il constate que son gouvernement devient minoritaire à l’assemblée).
L’assemblée nationale adopte une motion de censure à l’égard du gouvernement .Ceci implique que le gouvernement n’a plus la confiance de l’Assemblée donc n’est plus l’émanation de la majorité. (Art.147 de la constitution).
L’assemblée nationale adopte une motion de défiance à l’égard du Premier Ministre, chef du Gouvernement, ceci implique également son gouvernement n’a plus la confiance de l’Assemblée et n’est plus l’émanation de la majorité au sein de l’Assemblée. (Art. 148 de la constitution).
Lorsqu’il y une crise persistance entre le gouvernement et l’assemblée nationale impliquant la dissolution du Parlement (Art. 148 de la constitution). Dans le cas d’espèce, le principe de l’unicité et de la solidarité gouvernementale est brisé lorsque le Premier Ministre et un groupe des Ministres (FCC) sont en phase avec l’assemblée nationale et un autre groupe des Ministres (Cach) sont en déphasage et en crise persistante avec l’assemblée nationale (cas de la prestation de serment des magistrats).
Le Président de la République a un devoir de concourir à la formation du gouvernement majoritaire à l’assemblée nationale. "A ce titre, il dispose de deux prérogatives: c'est lui qui désigne la personne chargée d'une mission et le cadre de cette mission et c'est lui aussi qui a la maitrise du calendrier".
C'est la raison pour laquelle le Président a le pouvoir d'accepter une démission qui lui est présentée par le Premier Ministre, comme il peut aussi la suspendre, le temps, par exemple, de consulter.
Dans ses prérogatives, le Président doit être attentif à ne pas sortir de son rôle. Il ne peut pas, par exemple, préconiser une coalition plutôt qu'une autre. "Le Président ne peut pas prendre position". "Le Président doit se montrer aussi disposé à avoir un gouvernement avec le FCC que sans le FCC, avec le CACH que sans elle".
Le président s'inscrivant dans une durée 5 ans, il est important qu'il reste au-dessus de la mêlée car pendant tout son règne, des gouvernements aux couleurs différentes et aux coalitions différentes peuvent se succéder. l’article 69 concerne le constat d’effritement de la majorité suite à un dysfonctionnement des institutions (Compétence discrétionnaire, le Président peut nommer un informateur).
Dans le cadre du pouvoir constitutionnel dévolu au Président de la République d’assurer par son arbitrage le fonctionnement régulier des institutions, il intervient à chaque fois qu’il y a un dysfonctionnement d’une institution de République ou conflits entres institutions de la République.
Dans le cadre de cette disposition, le Chef de l’Etat peut nommer un informateur si deux conditions sont réunies :
un dysfonctionnement des institutions qui appelle à son arbitrage
constat d’un effritement de la majorité parlementaire, cause du dysfonctionnement
Il s’agit d’un pouvoir large et discrétionnaire du Chef de l’Etat qui choisit à sa guise le mode d’arbitrage qu’il opère et dans ce cadre, il peut faire le choix de nommer un informateur pour constater l’absence de majorité et constituer une nouvelle majorité avec les conséquences qui en découlent. Il peut préconiser une coalition pour arbitrer les dysfonctionnement des institutions (Union nationale)
En l’espèce, il y a une crise persistante entre les institutions de la République, à savoir :
Le Parlement et l’institution Président de la République.
Crise persistante au sein de l’Assemblée Nationale ( plénière contre bureau, pétition de destitution de Kabund , destitution de Mabunda).
Crise persistante au sein de la majorité parlementaire (FCC-CACH), pour rappel la majorité parlementaire est indivisible et constitue un bloc uni dénommée coalition (FCC-CACH), deux plateformes n’ayant aucun caractère légal mais l’ensemble des partis et regroupements politiques réunis indépendamment du bloc dont ils appartiennent (bloc FCC ou bloc CACH) forment la majorité parlementaire.
Tous ces éléments réunies laissent apparaître un effritement de la majorité (pétitions, crises FCC-CACH récurrentes, absence de solidarité gouvernementale…), ces présomptions nécessitent une vérification ou requalification de la majorité dont le Chef de l’Etat peut confier cette mission à un informateur.
Me Papis TSHIMPANGILA
Avocat au Barreau de Bruxelles pratiquant