Affaires CAMI et suspension du SG des Mines : La ministre A. Nsamba préoccupée par la légalité (Moïse Musangana)

Mercredi 7 juillet 2021 - 17:15
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Première femme à occuper le ministère des Mines en RD Congo depuis l’indépendance, la ministre Antoinette Nsamba Kalambayi défraie la chronique. Un torrent d’articles et de vidéos sur fond de diabolisation s’observe dans les médias aussi bien traditionnels que dans les réseaux sociaux sur la situation qui prévaudrait au ministère des Mines. Elle est ainsi prise à partie au sujet, principalement, de ce que l’on appelle désormais «Affaire Cadastre Minier (CAMI)» avec plusieurs reports de la remise et reprise entre Jean-Félix Mupande Kapwa, DG sortant, et Mme Chantal Lembo Bashizi, DG entrant, et de la suspension de Joseph Ikoli, Secrétaire général des Mines, que certains milieux qui lui sont proches qualifient d’injuste. Des commentaires vont dans tous les sens. Pis encore, des mouvements citoyens et des ONG des Droits de l’homme s’en mêlent. Un véritable imbroglio ! Après recoupement de plusieurs sources, dont les membres du Cabinet de la ministre qui ont requis l’anonymat par déférence au Premier ministre qui pilote le dossier CAMI, il s’avère que la ministre des Mines n’a inventé ni l’ordonnance nommant Mme Chantal Lembo Bashizi en remplacement de Jean-Félix Mupande Kapwa, ni inventé des griefs à charge du SG Joseph Ikoli, présentement suspendu. C’est dire toute l’importance que revêt ce ministère des Mines dans l’économie nationale où des intérêts se télescopent.

Lésée : Mme Chantal Lembo Bashizi saisit la ministre A. Nsamba

La notification de Mme Chantal Lembo Bashizi par la ministre Antoinette Nsamba Kalambayi en vue d’être installée au poste de DG conformément à l’ordonnance de sa nomination en remplacement de Jean-Félix Mupande Kapwa, n’est pas l’initiative de la ministre. C’est une conséquence du recours exercé par Mme Chantal Lembo Bashizi auprès de l’actuelle patronne des Mines en vertu de l’ordonnance n°18/138 du 27 décembre 2018 portant nomination des membres du Conseil d’administration du CAMI, ordonnance qui élève cet ancien Directeur administratif du CAMI au rang de DG. Ceci, sans doute, pour réparer une injustice subie par la requérante en ce que sur quatre ordonnances signées en son temps, et ce le même jour, par le président de la République, seule celle relative au CAMI n’a pas été exécutée par Martin Kabuelulu, alors ministre des Mines. Les trois autres ordonnances concernant le CEEC (Centre d’Expertise, d’Évaluation et de Certification des Substances minérales précieuses), le SAEMAPE (Service d’Assistance et d’Encadrement de l’Exploitation Minière Artisanale et à Petite Echelle) et le SGNC (Service Géologique National du Congo) ont été exécutées sans atermoiement et leurs bénéficiaires notifiés. Pourquoi Chantal Lembo Bashizi n’a pas été notifiée par le ministre Martin Kabuelulu ? Question difficile à répondre. La situation a perduré avec le ministre Willy Kitobo, sous le Gouvernement Sylvestre Ilunga Ilunkamba, pour des raisons inavouées. En effet, il s’observe que sous le président Joseph Kabila ou sous son influence, des ministres ont refusé d’exécuter des ordonnances ou d’autres mesures prises par le chef de l’Etat. L’exemple le plus patent est celui des ordonnances nommant, notamment, l’actuel Premier ministre comme DG de la Gécamines. Il eut fallu une année, sur fond des négociations politiques, pour qu’elles entrent en vigueur !

Saisie à son tour, la ministre Antoinette Nsamba Kalambayi, juriste et agent du ministère des Mines pendant plus de 10 ans, donc fille-maison, a pris le temps de vérifier l’authenticité et la véracité des documents lui soumis par l’impétrante. A cet effet, elle a écrit au Journal Officiel qui a répondu en annexant l’acte de nomination de la précitée. Aucune disposition contraire n’ayant abrogé cette ordonnance, tout comme il n’existe pas d’instruction allant dans ce sens de la part de la hiérarchie, l’actuelle patronne des Mines a cru bon faire droit à une personne lésée pour des raisons pas évidentes en la notifiant de sa nomination et en envisageant sa prise des fonctions à travers la remise et reprise. Laquelle remise et reprise va de report sur instruction du Premier ministre qui, sans doute, gère à la fois plusieurs paramètres qui échapperaient à la ministre.

C’est ici que les mouvements citoyens et les ONG des droits de l’homme rivalisent en soutiens et recommandations. Les uns saluent la mesure conservatoire du Premier ministre repoussant l’installation du DG nommé par l’ordonnance du 27 décembre 2018 qu’ils qualifient d’«irrégulière» et mettent, à la limite, en doute les valeurs et qualifications de ce dernier, tandis que les autres, en l’occurrence l’ACAJ (Association Congolaise pour l’Accès à la Justice), expriment plutôt leur indignation face aux multiples reports et demandent au chef du Gouvernement de bien vouloir intervenir afin de faire respecter les droits de Mme Chantal Lembo Bashizi. Ils ne s’expliquent pas pourquoi l’ordonnance de sa nomination n’a jamais été exécutée par l’ancien ministre qui a donné suite à trois sur les quatre signées par la même autorité le même jour au sein du ministère des Mines. Ce dont à quoi l’actuelle ministre a fait droit au nom de la continuité de l’Etat.

Au Cabinet de la ministre des Mines, l’on est optimiste quant à l’épilogue de l’affaire dite CAMI. L’on soutient que celle-ci a exécuté une décision, du reste, non abrogée. Contrairement à ce que pensent d’aucuns, l’on ne trouve pas que Jean-Félix Mupande Kapwa soit en rébellion envers la ministre, d’autant qu’il expédie les affaires courantes comme indiqué dans une des lettres de cette dernière. Le DG sortant est conscient de la limite de ses pouvoirs pendant cette période transitoire. La preuve : il en réfère au Cabinet pour obtenir l’autorisation d’effectuer, entre autres, certaines dépenses. Cependant, l’on émet le souhait de voir cette situation transitoire connaître rapidement son terme afin que le CAMI, dont l’importance n’est pas à démontrer, retrouve son cours normal pour le traitement des différents dossiers qui s’accumulent.

Pour mémoire, Mme Chantal Lembo Bashizi est détentrice de plusieurs diplômes universitaires, dont la licence en droit. Engagée en 2005 au CAMI sur concours organisé par la Banque mondiale à travers le COPIREP (Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques), elle a gravi des échelons jusqu’à être Directeur administratif. Elle fut en 2013 vice-présidente de la Commission de la révision du code minier, instance qui avait proposé de porter de 5 à 15 % les parts gratuites de l’Etat dans les nouveaux projets miniers et de réduire de 10 à 5 ans la durée de la garantie de la stabilité. Ce qui avait provoqué une levée de boucliers de la part des opérateurs miniers qui redoutaient ainsi la baisse de leurs bénéfices.

L’agitation du SG J. Ikoli ne s’explique pas

En date du 29 juin 2021, la ministre Antoinette Nsamba Kalambayi a suspendu le Secrétaire général des Mines, M. Joseph Ikoli, pour une durée de 3 mois. Contenus dans un procès-verbal (PV) annexé à la lettre portant à la fois suspension et ouverture d’action disciplinaire, les griefs à sa charge lui ont été notifiés. A sa demande, la remise et reprise devait avoir lieu le 1er juillet à 14h00 avec le Directeur-chef de Service de planification, Théo Mboma Zuabisala, désigné SG.ai. Mais contre toute attente, il va sécher cette séance, faisant ainsi un lapin au Directeur des Ressources humaines, aux membres du Cabinet et inspecteurs judiciaires du Parquet venus pour la circonstance. Il va plutôt se distinguer dans les réseaux sociaux à travers une lettre datée du même 29 juin dans laquelle il se répand en indélicatesses donnant tantôt des leçons d’administration à la ministre et la priant tantôt de respecter scrupuleusement la procédure en rapport avec l’Etat de droit prôné par le président de la République et son parti, l’UDPS. N'ayant pas la bonne information, d'aucuns ont fait fi de la déontologie et de l’éthique pour désinformer l’opinion à ce sujet. Aussi, une partie du personnel, singulièrement les nouvelles unités (NU) concernées par la question de la prime qui constitue un des griefs à charge du SG Ikoli, n’est pas restée non plus en marge.

Au Cabinet de la ministre, l’on ne s’explique pas l’agitation dont fait montre le SG suspendu Joseph Ikoli. Connaissant par cœur les procédures, ce haut fonctionnaire sait pertinemment bien qu’il dispose de 20 jours à dater de la réception de sa lettre de suspension pour répondre aux griefs retenus à sa charge, griefs qu’il passe sous silence à travers ses malveillants relayeurs. Pourtant, ces griefs lui ont été notifiés en bonne et due forme. Pour des raisons de confidentialité, le Cabinet de la ministre se refuse de les publier. Ce serait une entorse à la procédure et une entrave au droit de la défense reconnu à tout Congolais dans pareille circonstance. Aussi, les collaborateurs de la ministre ne s’expliquent pas l’opportunité de la lettre du 29 juin 2021 signée par le SG suspendu ; la seule lettre attendue de sa part étant celle ayant trait aux réponses relativement aux griefs retenus contre sa personne.

Au sujet du grief portant sur la prime des agents, on se montre très avare des déclarations au 4ème étage de l’Immeuble du Gouvernement. L’on fait remarquer cependant que la prime n’est pas un salaire, mais plutôt un encouragement de l’Etat envers des agents salariés pour une raison ou pour une autre. Il est dès lors inconvenant qu’il se trouve des agents, recrutés contrairement aux procédures de la Fonction publique, qui ne touchent que la prime et non le salaire, amenuisant de ce fait ce qui reviendrait de droit aux agents réguliers qui n’arrêtent pas de récriminer. C’est ce qui explique les deux camps observés parmi les agents du ministère des Mines dans la foulée de la suspension du SG J. Ikoli : les «ayant-droit» soutiennent la décision de la ministre, estimant que l’on doit voir clair dans ce dossier piloté par le patron suspendu de l’administration minière qui aurait dû, en son temps, reverser à la Fonction publique ceux qui passent pour «des irréguliers», alors que ces derniers, se voyant in fine sans emploi, n’ont pas d’autre choix que de le soutenir.

L’attitude de Joseph Ikoli est jugée suspecte. Elle dénote de l’indiscipline, de l’insubordination, voire de la rébellion qui prend de plus en plus corps dans les institutions de l’Etat où, dans un passé récent, des ministres ont trouvé normal de se mettre en porte-à-faux par rapport aux décisions et ordres du président de la République. Pourquoi, par ailleurs, faire allusion au président de la République et à l’UDPS dans une question individuelle dans laquelle ceux-ci n’interfèrent nullement ? Ce ne sont pas des pratiques à encourager en ce moment où l’autorité de l’Etat doit être réhabilitée. Le SG suspendu Ikoli ferait œuvre utile en mettant à profit le timing fixé par la procédure pour préparer sa défense et confondre, au besoin, le N°1 des Mines en RDCongo. Agir autrement, ce serait une fuite en avant.

Il y a eu plus de peur que de mal dans la situation qui prévaudrait au ministère des Mines. Il s’avère que les Affaires CAMI et suspension du SG Ikoli entrent dans l’ordre normal des choses. Le souhait est que leur épilogue intervienne le plus rapidement possible afin que la ministre Antoinette Nsamba Kalambayi, du reste préoccupée par la légalité au sein de son ministère, s’attaque aux dossiers sérieux, à savoir, notamment, la lutte contre la fraude et la contrebande minière et la modernisation du secteur minier à baliser les états généraux des mines.  

Tribune / Moise Musangana

 

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