Alors que l'Ouganda ne détient que 27% de la superficie du Lac Albert, jadis appelé Lac Mobutu, son gouvernement a réussi, le mardi 1er février 2022, à arracher au groupe français TotalEnergies un contrat pour l'exploitation du pétrole dans le lac Albert. Le coût de ce projet est fixé à 10 milliards de dollars américains.
Ce projet prévoit le forage de plusieurs puits de pétrole dans le Lac Albert et sur ses rives et aussi la construction d'un oléoduc qui va relier l'Ouganda au port tanzanien de Tanga, sur l’océan indien.
"Aujourd’hui, nous nous engageons à investir 10 milliards de dollars dans les projets Tilenga et Kingfisher et de l’oléoduc long de 1.443 kilomètres (...). A partir d’aujourd’hui avec le FID, le projet va entrer pleinement dans la phase de construction", a déclaré Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, lors d’une cérémonie officielle à Kampala, rapporté par l'agenceecofin.
D'après TotalEnergies et son partenaire chinois CNOOC dans ledit projet, les réserves de l’Ouganda issues de ce Lac peuvent durer entre 25 et 30 ans avec un pic de production estimé à 230.000 barils par jour.
Malgré qu'elle détient 73% de la superficie de ce Lac, la RDC continue de se fourvoyer
Ça fait plus de deux décennies que la RDC ne cesse de se fourvoyer dans le dossier du pétrole du Lac Albert. A la 27ème édition de Africa Oil Week en novembre 2021 à Dubai, le ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, avait annoncé avec faste le lancement d'appels d'offres pour 16 blocs pétroliers au mois de janvier 2022.
Curieusement, le Lac Albert n'est pas concerné par ces appels alors qu'en juin 2018 au cours d'un conseil des ministres, le gouvernement avait adopté la décision de "déclassement par décret d'une zone à intérêt pétrolier" dans le Parc des Virunga dont ce lac partie intégrante côté congolais. Cette zone devrait toucher 172 075 hectares du plus vieux parc d'Afrique, soit 21,5 % de sa surface totale.
Mais en 2010 déjà, le gouvernement avait octroyé à l'entreprise britannique SOCO un contrat de partage de production pétrolière portant sur une concession dans le parc des Virunga. Suite à la pression de l'UNESCO et des organisations de défense de l'environnement, le permis d'exploration accordé à SOCO sera suspendu en 2011.
La société sera quand même associée à une étude environnementale stratégique qui était censée déterminer si cette suspension devrait être maintenue ou non. En juin 2014, SOCO annonça qu’elle mettait un terme à toutes ses activités dans le Parc national des Virunga, suite à la pression des ONG de défense de l'environnement, notamment Global Witness.
Notons que ceux qui s'opposent à l'exploitation de ce pétrole du Lac Albert dans sa partie congolaise s'appuient sur l'article 33 de la loi n°11/009 du 09 juillet 2011 portant protection de l'environnement et l'article 25 de la loi n°14/003 du 11 février 2014 relative à la conservation de la nature. Ces textes interdisent toute activité incompatible avec les objectifs de la conservation dans les aires protégées en RDC.
Quant aux soutiens de l'exploitation, ils s'appuient à leur tour sur l'article 155 de la loi n°15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures qui stipule que "L’exercice des activités d’hydrocarbures en amont est interdit dans les aires protégées et les zones interdites. Pour cause d’utilité publique, un décret délibéré en conseil des ministres peut, après audit environnemental, enquête publique et avis de l’établissement public chargé de l’évaluation et de l’approbation de l’étude d’impact environnemental ainsi que du suivi de sa mise en œuvre, autoriser des activités d’exploration dans les aires protégées et zones interdites. En cas de découverte d’hydrocarbures, il pourra être procédé à l’exploitation, après déclassement de tout ou partie des aires protégées et zones interdites. Ce déclassement aux fins d’activités d’hydrocarbures se fait conformément à la loi".
Bienfait Luganywa