Procès Chebeya : « Nous plaçons Joseph Kabila à la tête de l'organisation criminelle. Il est l'auteur intellectuel », (Parties civiles)

Mercredi 16 février 2022 - 21:11
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Le procès en appel sur le double assassinat des activistes des droits de l'Homme Floribert Chebeya et Fidèle Bazana devant la Haute Cour militaire, est entré dans sa dernière ligne droite. Dans cette affaire, les prévenus sont les policiers Christian Ngoy Kenga Kenga, Jacques Migabo et Paul Mwilambwe. 

Les avocats des parties civiles ont entamé, ce mercredi 16 février 2022, leurs plaidoiries. 

Me Peter Ngomo a articulé son argumentaire sur la responsabilité de personnalités citées dans cette affaire. En premier lieu, il a relevé l'implication de l'ex-président Joseph Kabila considéré par les parties civiles comme l'auteur intellectuel de ce forfait. 

Il a motivé sa position par la tenue d'une réunion sous la houlette de l'ancien chef de l'État au cours de laquelle l'idée d'éliminer Chebeya a été étudiée au préalable. 

«... Lors d'une rencontre présidée par l'ex-président Joseph Kabila, ce dernier a eu à faire part au général John Numbi des insomnies que Floribert Chebeya lui faisait subir. Ensemble, nous pensons qu'ils ont aussi décidé les moyens d'y mettre fin. D'où, les propos tenus par l'homme de Malemba Nkulu, le général John Numbi, lors d'une réunion qui avait suivi cette rencontre ayant connu la participation de Christian Ngoy Kenga Kenga et Daniel Mukalay, mais aussi la somme de 40.000 dollars américains donnée à Jean-Claude Yav. C'est pourquoi, nous plaçons Joseph Kabila Kabange au sommet de cette organisation comme auteur intellectuel du double assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana. Il en est de même pour John Numbi, Daniel Mukalay, Christian Ngoy Kenga Kenga, etc. Les autres agissant tantôt comme co-auteurs ou complices », a-t-il affirmé. 

Un autre fait mis en exergue par Me Ngomo est le fait que Chebeya avait entrepris des démarches pour les poursuites judiciaires au niveau international contre les personnalités impliquées dans les massacres en 2008 des adeptes du mouvement Bundu Dia Kongo, dont le général John Numbi. 

« C'est ainsi que Chebeya enverra un e-mail à Me Claude Ndjakani, un avocat congolais évoluant en Belgique, pour entrevoir les conditions de constitution des parties civiles devant une instance internationale comme la justice belge ou la CPI et les modalités de leur participation au procès. Malheureusement pour Chebeya, il ne savait pas que cet avocat travaillait aussi avec le régime en place. Aussitôt le message lui parvenu, il l'enverra à Marcellin Cishambo alors conseiller diplomatique de l'ancien chef de l'État Joseph Kabila. D'origine Shi comme Chebeya, il tentera mais en vain de le dissuader d'abandonner ce combat. Hélas, il se heurtera contre un mur en béton. Marcellin Cishambo a dû informer son chef, Joseph Kabila, qui déjà devait également faire face à la campagne menée à l'époque par la société civile pour le boycott de la cérémonie du cinquantenaire de la RDC, de multiples violations des droits de l'Homme et le budget élevé qui était prévu à cet effet là. C'était une goutte de plus qui devait faire déborder le vase. Tous les dossiers défendus par Chebeya ne plaisaient pas au pouvoir en place », a-t-il souligné. 

Et de poursuivre : « C'est alors vint l'idée de finir avec Chebeya. L'option a même été levée et la décision arrêtée. Plusieurs scénarios étaient sur la table. Il fallait trouver l'homme de la situation. Il y a eu lieu de souligner que pour de raisons d'efficacité, de discrétion et de promptitude, le Rais Joseph Kabila avait souvent recours à deux officiers généraux, à savoir : John Numbi et Jean-Claude Yav. Ces deux officiers qui ont sans difficulté gravi les différents grades de l'armée malgré leurs jeunes âges. Dans un premier temps, on proposera la somme de 40.000 dollars au lieutenant-général Jean-Claude Yav pour tuer Chebeya. Nous tirons cette révélation du procès-verbal de Daniel Mukalay ». 

Lors d'une autre réunion présidée par le général John Numbi, Me Ngomo a indiqué que le dévolu sera alors jeté sur le commandant du bataillon « Simba », Christian Ngoy Kenga Kenga pour cette mission. 

« Jean-Claude Yav finira par décliner l'offre en estimant que la somme offerte était insignifiante à ses yeux. Mais, il n'a jamais rendu cette somme. D'où, le recours à son collègue, l'homme des situations difficiles et compliquées, le Terminator John Numbi, l'homme de Malemba Nkulu, pour en finir avec Floribert Chebeya. Il faut rappeler qu'à l'époque de Mobutu, Chebeya a eu à le sauver. Lors d'une réunion présidée par le général John Numbi, ce dernier a dit comment se fait-il que le chef de l'État qui m'a nommé au grade de lieutenant-général et aux fonctions de l'inspecteur général de la police congolaise, puisse être mal à l'aise à cause de ce monsieur [Floribert Chebeya] ? À ces mots, le major Christian Ngoy Kenga Kenga de dire qu'il a compris le message. C'est alors que John Numbi décidera que seuls Christian Ngoy et ses éléments pourront remplir la mission », a-t-il fait savoir. 

Poursuivi pour désertion, le policier Paul Mwilambwe avait accusé lors sa déposition le 8 décembre dernier, J. Kabila d'être le commanditaire principal de l'assassinat de Chebeya et Bazana. 

Merveil Molo