Après diffusion d’une vidéo, devenue virale, par le député Auguy Kalonji sur du matériel électrique entreposé depuis plusieurs mois dans une concession à Kinshasa mais qui devrait servir depuis 2020 à l’électrification du Camp Luka, une bourgade de 100 mille habitants située dans l’Ouest de la capitale, des langues incriminent la Direction de la Société Nationale d’Électrification (SNEL). D’autres pointent du doigt la responsabilité de l’Inspection Générale des Finances (IGF).
Qui de ces deux institutions est responsable de l’échec de ce projet social de Camp Luka ?
C’est la question à laquelle on va tenter de répondre à partir d’un document interne de la SNEL.
Tout part de la décision du gouvernement d’électrifier d’urgence Camp Luka dans un délai bref de 6 mois : de juin à décembre 2020. Près de deux ans plus tard, Camp Luka est toujours dans le noir. Que s’est-il passé ?
Du côté de la SNEL, principale accusée, on se défend en pointant du doigt la responsabilité de l’IGF qui a bloqué tous les marchés passés dans le cadre de l’exécution de ce projet d’électrification et n’a levé ses objections que le 18 mai 2022.
Voici la raison principale pour laquelle IGF empêchait le déroulement des travaux : Que la SNEL puisse procéder à des appels d’offres internationaux. Or, la SNEL avait opté pour une procédure de passation de marché en urgence comme il s’agissait d’un financement sur fonds propres et compte tenu aussi du délai d’exécution très court imparti par le gouvernement (6 mois). Mais l’IGF ne l’entendait pas de cette oreille et a bloqué le projet.
L’autre argument qui plaide en faveur de la stratégie de SNEL, c’est la pandémie mondiale de Covid-19 et ses conséquences : fermetures des frontières et des usines de fabrication du matériel électrique. Ceci ne pouvait pas permettre le lancement des appels d’offres internationaux.
C’est ainsi que la SNEL a procédé à des appels d’offres restreints pour respecter le délai contraignant du gouvernement. La SNEL a donc sélectionné des entreprises locales capables de réaliser les travaux de ce projet social.
Elles devraient avoir :
1. Le matériel nécessaire en stock ;
2. La capacité financière ;
3. L’expérience des travaux similaires et ;
4. Les ressources humaines.
C’est sur cette base que des entreprises comme SOGEAC, RAY GROUP SARL, NSM SARL, AMKA SARL ont été sélectionnées par la SNEL.
Toutes ces entreprises ont reçu un cahier de charges pour la bonne exécution des travaux. Et certains travaux sont très avancés. Il s’agit notamment de :
1. La fourniture de 20.000 compteurs à prépaiement et câbles de raccordement. Un marché de 3.2 millions dont le taux d’exécution est de 70%, alors que le fournisseur n’a pas encore été payé même en partie ;
2. La réhabilitation de la ligne 20 KV, d’un coût de 297000$, exécutée à 100% et ;
3. La réhabilitation de 5 cabines MT/BT, d’un coût de 97000$, exécutée à 100%.
Le dossier Camp Luka démontre que parfois le mieux est l’ennemi du bien. La responsabilité du retard dans ce dossier incombe clairement à l’IGF et non à la SNEL. L’IGF n’a pas tenu compte des spécificités de ce projet pro-pauvre et est restée rigide au lieu d’insuffler un peu de souplesse dans ses règles.
Elle ne les a finalement assouplies qu’il y a 5 jours. Les travaux vont reprendre au grand bonheur de 100.000 âmes qui habitent Camp Luka.
Tribune/Adolphe Mudimbe