Le procès du député national et homme d’affaires Édouard Mwangachuchu est l'un des sujets au cœur de l'actualité en RDC. L'élu du territoire de Masisi, dans le Nord-Kivu, est jugé en procédure flagrance par la Haute cour militaire. Plusieurs griefs sont mis à sa charge notamment « trahison », « atteinte à la sûreté de l’État », « participation à un mouvement insurrectionnel », « association de malfaiteurs » et « incitation à commettre des actes contraires à la discipline ».
Interviewé le dimanche 09 avril 2023 par 7SUR7.CD, l'un de ses avocats, Me Thomas Gamakolo, a affirmé que ces accusations sont infondées d'autant plus que le ministère public n'a brandi aucune preuve pour les étayer. Sans détour, il a argué que ce dossier est vide tout en dénonçant un lynchage médiatique orchestré par les détracteurs de son client qui veulent sa peau et sa mine. Il ne s'explique pas le silence des élus nationaux.
7SUR7.CD : Dans quel état d'esprit votre client fait face à cette situation ?
Me Gamakolo : Mentalement, il peut être fort. Il se sent piéger, c'est sûr. Il peut être fort mentalement parce qu’il est fils d'un pasteur adventiste. Il a grandi dans une certaine discipline et honnêteté proverbiales qui font de lui un homme mentalement fort de par sa nature. Mais physiquement, il peut en être affecté parce que les conditions dans lesquelles il est détenu laissent à désirer compte tenu de son âge (au minimum 70 ans) et il vient de subir une intervention chirurgicale lourde. Ce qui fait que le régime alimentaire ainsi que le traitement qu'il suit le mettent dans les conditions qui peuvent rendre difficile sa détention dans un quartier militaire. La prison de Ndolo est une prison de haute sécurité destinée premièrement aux militaires, mais mon client est un civil. Les faits pour lesquels on le poursuit consiste à mettre à sa charge l'entretien d'une insurrection. Quand on vous met avec des militaires qui pensent que vous êtes une des personnes qui contribuent à ce qu'on tue leurs pairs, vous comprenez que mentalement, c'est quand même un environnement intimidant. Ça peut le déranger mais de par son éducation, il peut toujours se ressourcer en puisant la force dans la parole de Dieu. Dans les moments pareils quand on se sent pris dans un piège ou dans un complot de plusieurs de personnes, c'est tout à fait normal qu'on se remette à l'Éternel. C'est ce qui l'aide un peu à tenir.
7SUR7.CD : Parlez-nous un peu du déclic de cette affaire qui est la découverte d'une cache d'armes dans la concession minière de votre client au Nord-Kivu.
C'est une question de fond qui sera débattue lors de prochaines audiences. On ne devait même pas dire qu'on a découvert des armes. La vraie question est qu'il était à 2.000 km de cette concession qui se trouve dans une zone fortement militarisée où les armes circulent dans tous les sens. La mine de la société SMB est entourée par des groupes armés et principalement, le Nyatura. C'est un groupe armé constitué des Hutus extrémistes qui ont toujours attaqué des Tutsi. Vous n'êtes pas sans ignorer que mon client fait partie du peuple Tutsi congolais qui sont au Congo avant même l'indépendance. Dans le Rutshuru, Masisi et partout là-bas, il y a des Tutsi. On ne peut pas dire aujourd'hui avec certitude au cas où on aurait trouvé des armes, que celles-ci appartiendraient à mon client. Le plus grand problème dans le cas échéant en Droit, c'est d'établir la corrélation entre les armes trouvées et la personne du député national Mwangachuchu. Depuis 2006, il est député national élu de Masisi. Son honnêteté est connue de tous. Il ne s'est jamais mêlé de loin ou de près dans un mouvement insurrectionnel ou dans un groupe armé. Je vous signale que cette concession était déjà occupée par les Nyatura depuis au moins deux semaines, ils ont même brûlé des bungalows qui étaient installés là-bas pour les travailleurs, les policiers qui gardaient la ferme étaient déjà partis au moment où les armes ont été soi-disant trouvées. Les Maï-Maï Nyatura occupaient eux-mêmes la ferme. Après avoir tout détruit, ils disent avoir trouvé une cache d'armes alors qu'ils sont eux-mêmes armés. Pourquoi veulent-ils mettre ça sur le dos du député Mwangachuchu ? C'est la question fondamentale. C'est là où il y aura la bataille juridique pour le ministère public qui soutient ça. Ce n'est pas une vérité d'évangile. Le ministère public va devoir le démontrer. Ce n'est pas à nous de démontrer notre innocence. C'est au ministère public qui accuse sur base des éléments des groupes armés de démontrer que ces armes ne leur appartiennent pas, mais appartiennent au député Mwangachuchu. Il n'y a aucun lien entre ces armes et lui en dehors du fait qu'ils disent qu'ils les ont trouvées dans une concession minière qui est établie sur des hectares pendant que mon client vit à 2.000 km de ce lieu.
7SUR7.CD : Quelles sont les preuves du ministère public à l'appui de ses accusations ?
Le dossier est vide. Le tombeau de Jésus-Christ était vide le jour où les disciples sont descendus pour voir si leur maître y était toujours. Je peux autant dire comme nous sommes dans la période pascale que le tombeau est vide dans ce sens que le dossier du député Mwangachuchu est vide. Il n'y a rien dans les pièces qu'ils ont déposées qui établit un lien entre le député Mwangachuchu et ces armes. J'aimerais que l'opinion le sache parce que quand nous suivons les émissions qui passent dans les médias, les gens sont convaincus comme si mon client est déjà jugé et est reconnu coupable à l'issue d'un procès équitable, et que c'est lui qui a acheté et placé ces armes si elles ont réellement existé. Donc, c'est un procès d'intention qu'on lui colle parce qu'il y a un climat de tension communautaire généralisé. Quand on est Tutsi, dans l'imaginaire de certains, on est Rwandais. Il y a cette confusion- là. Ce stéréotype : Tutsi égal Rwandais, Tutsi égal pro-Kagame, Tutsi égal pro-M23, joue en sa défaveur au sein de l'opinion. Quant à nous les avocats, nous sommes sereins. Nous regardons ce qu'il y a dans le dossier. Nous espérons que même la Cour va se départir de cette opinion répandue dans le public comme quoi il aurait placé des armes. Rien ne l'établit. Nous n'avons même pas à prouver que c'est n'est pas à nous. Nous attendons du ministère public qu'il nous prouve que ces armes ont été placées par notre client. La charge de la preuve incombe au ministère public. Il ne faut pas renverser la charge de la preuve. On ne prouve pas l'innocence. On prouve la culpabilité. Cette charge appartient à celui qui accuse.
7SUR7.CD : Qu'a-t-on découvert dans le coffre-fort du député Mwangachuchu ?
Là encore, je peux dire que le tombeau est vide. En réalité, L'ouverture de ce coffre-fort fait couler beaucoup d'encre et de salive. J'ai même suivi certains de vos confrères qui prétendent qu'on a trouvé le plan de balkanisation où on montre des livres avec des surlignements, des drapeaux, des millions de dollars, des lingots d'or. Dans le coffre-fort, il n'y avait que des documents personnels (comme le passeport), 20.000 dollars USD $ qui correspond plus ou moins au salaire d'un mois d'un député, des titres parcellaires. Il y avait quelques documents privés comme des correspondances. Mais, ce que le ministère public a crû devoir retenir comme élément dans ce coffre-fort, c'est l'acte de cession d'un immeuble de l'honorable à Kigali à un tiers, le projet des statuts d'IZI banque, société anonyme. On considère que le fait de dire anonyme fait de cette société, une société suspecte. Et pourtant, ce n'est même pas une société qui est créée, mais un projet de statuts. Puis, il y a la copie d'un mémo adressé à son temps au directeur de cabinet du chef de l'État avec copie en annexe, un extrait d'une lettre en anglais puis une lettre de démission au sein du CNDP, parti politique, avec une lettre d'acceptation de cette démission. Pour le public, je dois rappeler que le CNDP a d'abord été un mouvement armé et s'est mué en parti politique après le dialogue de 2009. C'est dans ce contexte là qu'il a été approché puis a intégré le CNDP jusqu'à ce que quelques temps après, il trouve qu'il était dans son inconfort, il a démissionné. Je signale que l'honorable Mwangachuchu est député national depuis 2006. Il a toujours vécu avec les autres dans l'hémicycle. Tout le monde a travaillé avec lui du sommet jusqu’à la base. Il n'y a rien à redire sur son honnêteté. Chaque fois que les députés du Nord-Kivu ont fait des déclarations pour condamner les groupes armés notamment le M23, il a toujours été parmi les déclarants parce qu'il a toujours été signataire. Son passé de pacifiste qu'il tient de son papa qui était pasteur, n'est pas à contester. C'est un père de famille responsable, un homme honnête. La société SMB paie toujours des taxes. Ce n'est pas des concessions minières qu'il a prises et qu'il exploite illégalement. Non, c'est un carré minier reconnu. Les papiers existent et les taxes sont payées. Il n'est pas interdit quand même à un Congolais d'exercer une activité légale. On n'a pas trouvé des armes. Les images qui circulent sur les armes trouvées dans le coffre-fort sont fausses. C'est faux ce que les gens disent qu'on a trouvé des preuves dans son coffre-fort d'un complot de balkanisation. Je pense que l'article 360 de la nouvelle loi sur le numérique fonde le député Mwangachuchu à poursuivre tous les médias sociaux qui sont en train de le lyncher ainsi. Il y a comme un lynchage médiatique ou un lever de bouclier contre lui et c'est la presse qui s'acharne pour maintenir dans l'esprit de la population de fausses idées. Curieusement, certains médias musèlent la vérité et on laisse passer le mensonge. C'est quelque chose qui altère un peu le climat et l'ambiance de ce procès. Le climat de ce procès est pollué par des fake news. Nous sommes même étonnés de voir que ses pairs députés ne réagissent pas à ce lynchage médiatique dont il fait l'objet. Il est aujourd'hui victime des réseaux sociaux. C'est un complot ourdi dans certains milieux des Hutus extrémistes qui sont non seulement au Kivu, mais qui sont dans nos institutions (Parlement, Gouvernement). Quelques individus qui veulent absolument sa peau et sa mine.
7SUR7.CD : Qu'attendez-vous de la justice ?
En tant qu'avocat, nous voulons que la justice fasse son travail en toute indépendance et sans interférence des lobbyings politiques qui sont derrière ce dossier. Il y a beaucoup de gens, je peux même citer leurs noms notamment un certain Justin Ndayishimiye qui est comme l'égérie de ce complot. On l'a même trouvé quelques jours après avoir découvert soit disant des armes dans la mine de Mwangachuchu. Il passe partout pour dire que le verdict a déjà été rendu. Il finance de fausses marches pour faire croire que la population est dans la joie. Il est très actif dans la diabolisation de notre client. Je signale que Justin Ndayishimiye a des intérêts en tant qu'ancien creuseur dans ce dossier et il se bat becs et ongles pour répandre de fausses informations. Nous avons confiance à notre justice qu'elle ne se laissera pas emporter par cette vague de mensonges qui sont diffusés à longueur des journées par des médias. Il y a beaucoup des médias qui font vraiment une campagne anti-Tutsi et anti-rwandophone. Ils ont fait de monsieur Mwangachuchu leur victime expiatoire. Nous espérons que la justice va le rétablir dans ses droits. Comme nous sommes au moment de la Pâques et qu'actuellement, Jésus-Christ étant mort pour notre justification, nous croyons que cette Pâques va marquer le début de sa justification au sein non seulement de la justice, mais de l'opinion publique.
Interview réalisée par Merveil Molo