Tribune: Liberté provisoire pour soins médicaux : Edouard Mwangachuchu use des manœuvres dilatoires (P. Kasereka)

Jeudi 1 juin 2023 - 21:44
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Ce vendredi 02 juin, Edouard Mwangachuchu va défiler pour la quatrième fois devant la Haute cour militaire depuis le rejet du mémoire unique de ses avocats contestant la compétence de cette instance à connaître de cette affaire ; leur client étant, de par sa qualité de député national, justiciable devant la Cour de cassation. Comme dans les audiences antérieures, l’instance va poursuivre ce jour l’examen des documents découverts dans son coffre-fort. Mais d’ores et déjà, le magnat du coltan veut jouer, comme dans ses habitudes, aux manœuvres dilatoires. Balbutiant dans ses réponses pour mettre en exergue son état de santé jugé préoccupant par ses avocats qui ne s’empêchent pas de produire ses bulletins de santé, il sollicite une mise en liberté provisoire pour suivre des soins appropriés à l’étranger. Requête pour laquelle le ministère public a donné son opinion, estimant ne pas avoir l’autorité pour contrôler le prévenu à l’étranger et le faire revenir au pays pour la poursuite du procès.

Il ne croyait pas si bien dire en date du 31 mai dernier dans une chronique judiciaire sur la radio Okapi que le procès Mwangachuchu est un procès à rebondissements. Il, c’est l’avocat Ruffin Lukoyo reçu pour la circonstance par le journaliste Jeff Ngoy.  Effectivement, c’est un procès à rebondissements au vu de ce qui se révèle au fur et à mesure que la Cour passe en revue les documents découverts dans le coffre-fort du célèbre prévenu de la prison militaire de Ndolo poursuivi en flagrance pour, notamment, atteinte à la sécurité de l’Etat.
A la dernière audience, soit le 30 mai, la haute cour militaire s’est intéressée à l’arme détenue par le député Mwangachuchu. Il est ainsi mis à l’épreuve de produire le document valant permis ou autorisation du port d’arme à feu. En lieu et place, il a, par ses avocats interposés, exhibé l’attestation d’enregistrement du port d’arme à feu établi par l’ancien ministre de l’Intérieur Richard Muyej. Et ses conseils de produire en plus le reçu de renouvellement du port d’arme de l’ordre de 35 USD, preuve que leur client détenait bel et bien une autorisation de port d’arme. Assertion rejetée par le ministère public, demandant au greffier d’acter que le rôle du ministère de l’Intérieur est d’enregistrer l’autorisation établie en bonne et due forme par le chef de l’Etat qui est le seul à l’accorder par ordonnance.
Acculé, le prévenu Mwangachuchu s’est mis à balbutier devant la barre. N’étant plus en mesure de répondre aux questions tant de la Cour que du ministère public à cet effet, il va solliciter un repos. L’affaire a été renvoyée au débat contradictoire ce 02 juin. Toutefois, par ses avocats interposés, le député a sollicité une mise en liberté provisoire pour aller se faire soigner dans des centres spécialisés à l’étranger. Une requête pour laquelle le procureur a donné d’avance son appréhension, estimant qu’il n’a pas l’autorité nécessaire pour le contrôler à l’extérieur et le faire revenir au pays pour la poursuite de l’instruction. Toutefois, l’instance devait recourir au ministère de l’Intérieur en vue de trouver une copie d’autorisation du port d’arme.
Dans des audiences antérieures, l’instance s’était penchée sur l’identité du prévenu, ainsi que sur l’effectif des policiers affectés à la garde de sa concession minière, le PE 4731, à Rubaya, dans le Masisi. En effet, des documents découverts dans le coffre-fort de Mwangachuchu le rapprochent plus du Rwanda que du Congo. Par exemple, dans un test de Covid-19 effectué au Rwanda, l’on note qu’il est de nationalité rwandaise alors que lui clame celle congolaise. Dans certains documents, il est mis au parfum des activités de la compagnie aérienne rwandaise «Rwandair», ce qui est curieux parce qu’il déclare n’avoir aucun lien avec celle-ci. D’autres documents font état du patrimoine qu’il possède au Rwanda, ce qu’il rejette, soulignant qu’il a aidé son fils Christian Mwagachuchu, de nationalité américaine, à acquérir une maison au pays de mille collines. D’où le juge en est arrivé à la conclusion que le député Mwangachuchu se prévaut Congolais, mais son esprit et son âme sont au Rwanda. Même lorsqu’il exploite les minerais, il fait appel à l’expertise étrangère et non à celle locale.
Par ailleurs, la complicité est avérée entre le député Mwangachuchu et son coaccusé, le commissaire principal Robert Mushamalirwa en charge de la garde de sa concession minière. Quatre-vingts policiers affectés à la garde du PE 4731 n’ont pas de numéros matricules, ni des unités d’origine. Tous Tutsi, ils sont des anciens du CNDP ou du M23, alors que le député a fait croire dans le passé qu’il avait pris ses distances de ce dernier mouvement rebelle qui sème présentement la mort et la désolation dans le Nord-Kivu avec le soutien de l’armée rwandaise.
Ainsi qu’il se dégage, il s’avère difficile pour le député Edouard Mwagachuchu de prouver qu’il a rompu les amarres avec Kigali. Il veut user des manœuvres dilatoires et abuser de la bonne foi de l’instance pour se soustraire de la procédure en sollicitant une mise en liberté provisoire pour des soins médicaux à l’étranger.
                                                                                                                                     Paul Kasereka Paluku