Du haut de la tribune de la 78ème session ordinaire de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, le Président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a prononcé, hier mercredi 20 septembre, son speech de 28 minutes, axé sur la vision du monde et les préoccupations majeures de son pays. A cette occasion, il a, entre autres, appelé à l'accélération, à partir de décembre 2023, du retrait de la Mission de l'ONU pour la stabilisation en RDC (Monusco). Il a, à ce propos, demandé au Conseil de sécurité, chargé principalement du maintien de la paix et de la sécurité internationales, d'accorder une attention particulière à sa requête.
En dépit de sa pressante demande, fondamentalement légitime, la RDC court le risque d'être déboutée. Helas ! Car, selon l'agenda de travail du Conseil de sécurité, que la Représentation de l'Etat congolais près les Nations unies est censée maîtriser, l'examen de la situation en RDC, en ce compris le mandat de la Monusco, interviendra le 20 décembre, jour de l'échéance de la Résolution prorogeant d'un an le mandat de la Monusco. Ceci pourrait intervenir la veille si le Conseil en décide ainsi. D'autant plus que le 20 décembre sera le jour de la tenue des élections générales en RDC. Hier, le Président Félix Tshisekedi l'a bel et bien confirmé.
Techniquement, le retrait accéléré de la Monusco à partir de décembre 2023
implique l'adhésion du Conseil de sécurité à la demande de la RDC ainsi que l'élaboration d'un plan urgent y afférent par le Secrétaire général des Nations unies à soumettre à l'approbation dudit Conseil avant son opérationnalisation. Le rythme de travail onusien tend à rendre quasiment impossible la réalisation de ce préalable avant janvier 2024, mois vers la fin duquel devra prêter serment le Président de la République.
Entre-temps, le Conseil de securité, qui avait avalisé une Feuille de route du retrait échelonné de la Monusco à partir de 2024 signée conjointement par la RDC et la Mission onusienne, restera attentif au développement de la situation post-électorale à l'effet d'évaluer la portée des menaces à la paix et la sécurité internationales en RDC ainsi que la capacité de Kinshasa d'y répondre efficacement. Déjà retirés de l'espace Kasaï et du Tanganyika, les casques bleus restent concentrés, outre Kinshasa, sur les provinces de l'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où sont actifs 252 groupes armés locaux et 14 groupes armés étrangers, selon un Rapport 2023 de la coordination du P-DDRCS (Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation) relevant de la Présidence de la République.
Au fond, le reproche de la RDC au Conseil de sécurité découle des frustrations inhérentes à l'inefficacité de la Force de la Brigade d'intervention de la Monusco dont la création, le 28 mars 2013, et le déploiement en l'espace de quelques mois dans l'Est du pays, avaient concouru à la mise en défaite du Mouvement du 23 mars (M23). Résurgi en fin 2021, ce "groupe terroriste" occupe des pans entiers dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo dans le Nord-Kivu sans une perspective de réédition de l'exploit onusien de 2013.
Quoique reconfigurée dans sa composition, jadis limitée aux pays de la SADC, la Force de la Brigade d'intervention de la Monusco ne dispose plus de la logistique nécessaire pour combattre le M23 et d'autres groupes armés actifs dans le flanc oriental de l'Etat congolais. Ceci dépendant moins de l'institution onusienne que des Etats membres permanents du Conseil de sécurité (USA, Royaume uni, France, Chine et Russie).
Logiquement, le caractère poussif de la Monusco devrait justifier son départ quand bien même sa logistique civile aurait permis à la CENI, en 2006, 2011 et 2018, de déployer les matériels électoraux à travers ce pays-continent dont les avions de la compagnie aérienne seraient, en ce temps qui court, cloués au sol à trois mois des élections. Au fond, la création de la Force de la Brigade d'intervention ainsi que le soutien diplomatique apporté jadis par le Conseil de sécurité à la RDC contre le Rwanda et le M23 relevaient des termes d'un "deal stratégique" dont Kinshasa n'aurait pas encore assez honoré les engagements.
Un examen minutieux de cet inédit problème utilement abordable sous l'angle de la diplomatie essentiellement secrète suggérerait au pouvoir congolais une meilleure compréhension de cette préjudiciable situation héritée en 2019 et qu'il faille voir au-dela des apparences pour construire une réponse susceptible de lui permettre d'obtenir gain de cause. A défaut, la RDC, au coeur de plusieurs enjeux dépassant probablement ses entendements, aura du mal à faire plier le Conseil de sécurité sur ce qui relève de sa souveraineté internationale dont l'un des indicateurs de la portée stratégique, au-délà des considérations jurdiques, est l'affirmation concrète de la capacité de l'Etat congolais de préserver et de défendre l'intégrité du territoire national.
De tout ce qui précède, il y a lieu d'interroger la pertinence de l'annonce, à l'Assemblée générale des Nations unies, de la requête de la RDC au Conseil de sécurité pour un retrait accéléré de la Monusco à partir de décembre 2023. D'autant plus que cette question, aussi capitale serait-elle pour Kinshasa, ne sera pas examinée de si tôt. En outre, le Conseil de sécurité n'est point soumis à l'Assemblée générale qui, à bien noter, n'a aucune préséance organique.
Lembisa Tini (PhD)