RDC/Mines - L’arbitrage CIRDI : le dernier espoir incertain d’AVZ (tribune)

Samedi 27 janvier 2024 - 09:52
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Le risque caché par AVZ

 

Il y a quelques jours, le tribunal arbitral du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a rendu une ordonnance de procédure portant les mesures provisoires, recommandant au gouvernement de la RDC de rétablir à DATHCOM le Permis de Recherches sur la mine de lithium de Manono. L'actionnaire majoritaire de DATHCOM, AVZ, s'est empressé d'annoncer cette "bonne nouvelle" aux investisseurs de la Bourse australienne ASX, tout en dissimulant les conditions dont le tribunal avait assorti les mesures provisoires.

Les mesures ainsi recommandées par le CIRDI ne sont que provisoires en attendant la décision de fond - AVZ elle-même estime que le résultat final de l'arbitrage prendra deux ans. Si le Tribunal décidait sur le fond que le permis de Dathcom lui a été valablement retiré par la RDC, AVZ s’engage à abandonner sans contrepartie aucune tous les investissements effectués, et à réparer tout préjudice financier supplémentaire dont la RDC pourrait faire état et que le Tribunal pourrait ordonner.

Cette condition du Tribunal a suffi à décourager les investisseurs, car les nombreuses violations de contrat et de loi par AVZ avaient entraîné la dissolution de l'accord de partenariat de Dathcom, ce qui l'exposait au risque de ne pas pouvoir obtenir légalement le Permis d'Exploitation.

Dans sa demande du Permis d'Exploitation, AVZ a présenté de fausses preuves de capacité financière. A respecter les dispositions de l’Article 71 alinéa b du Code Minier : « démontrer l’existence des ressources financières nécessaires pour mener à bien son projet selon un plan de financement des travaux de développement, de construction et d’exploitation de la mine ainsi que le plan de réhabilitation du site à sa fermeture. Ce plan précise chaque type de financement, les sources de financement visées et les justifications de leur disponibilité probable. Dans tous les cas, le capital social apporté par le requérant ne peut être inférieur à 40% desdites ressources. »

Selon le rapport de l'étude de faisabilité publié par AVZ, le montant total de l’investissement s’élève à 550 millions de dollars, dont quarente pour cent, soit 220 millions de dollars, n'est jamais crédité aux comptes de Dathcom. Plus ridicule encore, en décembre 2023, tous les comptes bancaires de Dathcom en RDC ont été saisis pour cause de frais de justice impayés, dont un peu plus de 300 mille dollars en liquide ont été retrouvés.

 

Il y avait également de très bonnes raisons pour lesquelles l'entreprise étatique COMINIERE a récupérer le Permis de Recherches sur le périmètre minier de Manono. D'ailleurs, ce n'était pas l'Etat qui a repris le Permis de Recherches mais l'entreprise d'Etat, beaucoup a mal compris la nature de cet acte, y compris les tribunaux et les avocats.

Par exemple, dans le rapport du 30 novembre 2022 de l’IGF, l'article II.2 indique qu’un actionnaire de DATHCOM avendu 60% des actions à AVZ, en violation de l'article 16(f) du contrat JV relatif à son engagement, selon lequel il ne pouvait pas céder ses actions avant la date de production commerciale. En outre, la transaction n'a pas été approuvée par le Ministère du Portefeuille, ni par l'assemblée des actionnaires ou le conseil d'administration à l'époque. Par conséquent, le gouvernement de la RDC et Cominière ont le droit d'annuler par voie judiciare ou arbitrale l'acquisition de 60 % des actions par AVZ.

Autre exemple, le financement AVZ/Dathcom a enfreint les dispositions de l'article 7.1.c de l'accord JV, qui prévoit queCOMINIERE SA doit être informé du financement et a le droit, le cas échéant, de donner son avis sur le financement". En conséquence, une " Mise en demeure" a été émis en avrilpar Cominière, et AVZ n'a pas satisfait aux conditions exigées dans le délai de 90 jours mais a répondu par une lettre en indiquant qu'aucun financement n'était fait.Cominière a officiellement donné un avis de résiliation en avril 2023, et a ensuite repris possession du droit minierconformément à la procédure statutaire et à la décision de la Cour.

 

L’entreprise d'État COMINIERE en pleine confusion 

 

L’entreprise d'État est une entité commerciale établie conformément à la loi, et n’est pas une émanation de l'Etat. Dans l’arbitrage CIRDI initié par AVZ, COMINIERE est un tiers, mais les mesures provisoires du tribunal arbitral exigent le rétablissement de la coopération de COMINIERE avec AVZ, est-ce que cela est en dehors de la compétence du CIRDI ?

Sur la base du jugement du tribunal de la RDC, COMINIERE s'est adressée à CAMI pour récupérer le droit minier sur le projet de lithium de Manono et est détenteur légal du titre. Maintenant, le tribunal arbitral recommande au gouvernement de la RDC de restituer le droit minier à DATHCOM, ce qui contredit la décision du tribunalcongolais. En République démocratique du Congo où les pouvoirs sont séparés, la recommandation du tribunal arbitral est-elle applicable ?

Conformément au Code Minier de la RDC et l'accord JV,quel que soit le résultat de l’arbitrage sur le droit minier PR13359 partie sud, la transformation de PR en PE doit être soumise aux conditions et au processus d'approbation correspondants, elle ne peut pas être décidée directement parle gouvernement de la RDC ou le tribunal d'arbitrage. Il s’agit plutôt de savoir si le requérant AVZ remplit ses obligations en vertu de la loi et de l'accord JV sur l'obtention des licences.

 

La détermination du chef de l'État

 

En effet, l'exploitation minière, qui est une industrie à forte intensité technologique, à forte intensité de capital et à forte intensité de main-d'œuvre, est différent de l'exploration minière, qui nécessite beaucoup moins de ressources et est une industrie dans laquelle de nombreuses sociétés minières juniors sont engagées, AVZ, par exemple, en est une typique - ne comptent souvent que quelques dizaines de personnes, parcourant les environs comme des chasseurs de primes à la recherche de cibles de valeur qu'elles revendent avec profit.

Le 20 janvier 2024, le président Félix Tshisekedi a entamé son deuxième mandat présidentiel. Dans son discours d'investiture, le Président a promis de faire en sorteque "les erreurs du passé ne se reproduisent plus", affirmantqu'"aujourd'hui, une nouvelle ère est née".

Christian Kakule