Yotsi, un jeune groupe musical qui monte

Mardi 12 mars 2024 - 20:24
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Créé à Kinshasa par quatre jeunes congolais passionnés de musique, deux garçons et deux filles, Yotsi, étoile en langue kimongo, est un groupe musical qui marie des rythmes des quatre coins de la République démocratique du Congo (RDC) avec des tempos venus d’ailleurs. 

 

C’est à Kinarmonik, un centre de formation musicale fondé, en 2018, au quartier Vitamine 1, dans la commune de Matete,par Éric Malu-Malu Muginda, qui est également guitariste de Jupiter & Okwess, que Linda Tombo, Leah Mbuyamba, 

Tychick Sulutemo et Jephte Lubungu se sont rencontrés et ont fait leurs classes. Et c’est sous le label Kinarmonik Production qu’est sorti leur premier album dénommé Maisha.

 

Si ses titres sont généralement classés dans la rubrique « musiques du monde » sur les plateformes numériques (Spotify, Deezer, Apple Music, Amazon Music ou YouTube Music), l’originalité du groupe Yotsi est d’être un melting-pot de styles. « Nous avons choisi des rythmes traditionnels congolais, que l’on peut mixer avec d’autres rythmes du monde. La RDC est riche en musiques et en rythmes, encore peu connus et dont certains sont même inexploités », expliqueLinda, la chanteuse du groupe, guitariste et percussionniste à ses heures, pour qui le rythme Agwaya du Kivu n’a pas de secret. Ce mélange se retrouve également au niveau des instruments utilisés et des talents des quatre jeunes musiciens. S’ils sont tous choristes et polyvalents, chacun maitrise un instrument particulier. Et s’ils chantent dans les quatre langues nationales de la RDC- le lingala, le kikongo, le tshiluba et le swahili -, ils s’expriment aussi dans d’autres langues congolaises.

 

La fibre musicale, les quatre jeunes musiciens l’ont acquise dans leur famille ou auprès de proches. « Un de mes oncles était musicien, c’est à ses côtés que j’ai gratté ma première guitare », informe Tychick, guitariste. Puis le relais a été pris par les églises. Tous ont, en effet, fait leurs premiers pas dans une chorale religieuse dans laquelle ils chantaient ou jouaient d’un instrument. C’est là que leur passion pour le 4ème art s’est confirmée.

Mais chanter dans une église ne leur a pas suffi. « Nous voulions nous perfectionner, apprendre les bases, devenir professionnels et fonder un groupe », insiste Leah, bassiste et pianiste, qui apporte, entre autres, la touche musicale luba au groupe.

 

Transmise de bouche à oreille, l’information sur l’existence d’un centre de formation 

musicale à Matete, à Kinshasa, leur est parvenue. Chacun d’entre eux s’est rendu au quartier Vitamine 1, pour s’inscrireaux ateliers de formation et aux master classes du centre.Assidus, volontaires et passionnés, les quatre larrons n’ont raté aucun cours. « À Kinarmonik, nous avons appris à jouer d’un instrument, à composer et à travailler en groupe », souligneLeah. « Dans les groupes religieux, on a appris la musique. Au centre, on est devenus professionnels. On a appris le solfège, à jouer ensemble et à innover » renchérit Linda. 

 

Comment la mayonnaise a-t-elle pris entre ces quatre passionnés de musique, sachant que l’école rassemble plus d’une quarantaine d’élèves ? « Nous étions nombreux, mais c’est la manière de jouer qui nous a rapprochés. La connexion s’est faite naturellement. Une complicité s’est forgée peu à peu entre nous », précise Leah. 

L’idée d’écrire et de composer des chansons s’est imposée à eux avant même de fonder leur groupe. Pour ce faire, ils ont eu l’appui de Kinarmonik dont l’objectif est d’inciter ses élèves à être créatifs et de les professionnaliser en leur offrant divers services, dont l’organisation de concerts et de séances musicales improvisées. En 2020, il s’est doté d'un studio d'enregistrement, qui, depuis 2023, a vocation à produire des albums sous le Label Kinarmonik Production.

En 2020, les quatre amis ont décidé de former un groupe. Pas facile de s’accorder sur un nom. « Chacun a proposé une idéeou des noms, en français. Puis on les a traduits dans différentes langues du pays. Au final, c’est le nom de Yotsi, terme kimongo, qui nous est apparu le plus approprié.», se souvient Linda. C’est ainsi qu’est née l’Étoile. À Yotsi, il n’y a pas de leader. C’est ensemble qu’ils écrivent les textes et composent les musiques. Leurs chansons parlent « de la vie et de ses défis, de la souffrance, de la mort et de la séparation, du vivre-ensemble, de l’espoir et de bien d’autres sujets de société et de l’existence humaine », signale Jephte, le batteur.Mais le groupe évoque aussi des sujets graves de l’actualité du pays et du monde. 

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Produit sous le label Kinarmonik Production, Tuimbe(« Chantons » en langue Tshiluba), le premier single de Yotsi, est sorti en septembre 2023. Trois mois plus tard, toujours sous le même label, sortait l’album Maïsha (vie en swahili), avec douze titres, tous écrits et composés par ses membres. Si le titre Maïsha « parle des choix cruciaux et des décisions que nous prenons dans la vie qui déterminent notre avenir », explique Linda, Songa Bele (avance en swahili) , lui, rend hommage à tous les Congolais confrontés à la guerre menée par des groupes armés dans l’est de la RDC, et plus généralement, à tous ceux qui vivent dans des pays en guerre. « On les encourage à ne pas se laisser abattre et à avancer », ajoute Linda. 

 

Enregistrés dans le studio de Kinarmonik, à Kinshasa, sous la direction artistique d’Éric, les douze titres ont été envoyés à Paris (France), en Macédoine et à Los Angeles (États-Unis) où plusieurs pointures de l’industrie musicale mondiale ont misleur touche personnelle. 

Côté musique, on peut citer le compositeur et pianiste Ray Lema, l’ancien guitariste de Pepe Kalle, Elvis Kunku, le pianiste de jazz Tyson Meya ou la chanteuse Nelly Liyenge. Ou encore la violoniste française Anne Gouverneur, la saxophoniste Christine Roch, le guitariste de jazz macédonien Toni Kitanovski, ou l’Américain Mike O’Hehir, leader du groupe Coyote Island. Et de quelques autres. Le mixage de titres a été également réalisé par des professionnels réputésdont Yarol Poupaud, ex-directeur artistique de Johnny Hallyday, le compositeur et arrangeur Toni Kitanovski ou le producteur et ingénieur du son brésilien Mario Caldato. Cerise sur le gâteau, c’est dans le studio MCJ de Mario Caldato, à Los Angeles, que Jonathan Maia de Oliveira a masterisé l’album. Fait rare en RDC, cette combinaison de professionnels de haut niveau a donné à ce jeune orchestre, qui se cherche encore, une dimension internationale.

 

Après plusieurs concerts à Kinshasa, notamment à Kinarmonik, à l’Espace Jazz Connexion, à The Groove studio, à la Maison culturelle des Mwindeurs, à l’espace HuguemboStudio au Centre culturel Aw’Art et au restaurant Inzia, le groupe devrait se produire, en 2024, au festival Kongo River et à l’hôtel Pullman, ainsi qu’en France, au Maroc et en Grande-Bretagne.

Dans ce grand pays de musique qu’est la RDC, le courant musical que représente Yotsi a toute sa place sur la scène musicale nationale et mondiale. Muriel Devey Malu-Malu