Bukavu, ville plongée dans le déluge des catastrophes naturelles (Reportage)

Vendredi 2 août 2024 - 10:11
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La ville de Bukavu déborde et craque. Le chef-lieu de la province Sud-Kivu dans l'Est de la République Démocratique du Congo est construit sous une urbanisation anarchique et précaire ne résistant pas aux incendies et autres catastrophes naturelles.

Plongées dans le déluge, des familles se brisent. Leurs maisons, leurs biens de valeurs se réduisent en cendres et des vies humaines sont arrachées par des flammes qui se répandent à des centaines de mètres carrés.

Chaque année et particulièrement entre mars et août, des milliers de maisons sont calcinées et d'autres endommagées par le feu souvent d'origine inconnue.

15 morts en 2024

Dans les trois communes que compte le ville, des maisons en planches s'enchevêtrent sur des collines et restent vulnérables aux effets du changement climatique.

Les quartiers Nyalukemba, Nyamugo, Nyakaliba et Nkafu sont victimes des cas répétitifs et des incendies devenus un phénomène hebdomadaire.

À la date de ce 1er août 2024, près de 1.000 maisons ont été calcinées et d'autres  endommagées. Des incendies qui ont aussi coûté la vie à 15 personnes notamment des enfants, et des parents qui cherchaient à sauver leurs enfants.

Des catastrophes qui laissent des traumatisés, car au moins une personne de troisième âge est morte par le "stress" d'avoir perdu tout son toit et tous ses biens.

Les maisons d'habitation ne sont pas les seules victimes, on compte également une station-service, des églises, des boutiques et dépôts au marché et le centre artisanal CMA sur avenue industriel dans la commune d'Ibanda.

Les victimes désespérées, restent sans abris

Des milliers des familles se retrouvent actuellement sans abris dans la ville de Bukavu. Après chaque incendie, plusieurs personnes passent des nuits à la belle étoile, sans aucun espoir ni secours.

D'autres familles ayant des proches trouvent refuge, d'autres encore cherchent secours dans des écoles et/ou églises.

Un ou deux jours après, certaines familles reconstruisent des abris de fortune pour tenter de survivre. Tout un calvaire et une tristesse indescriptible se lisent sur les visages des sinistrés.

Les familles victimes demeurent sans assistance, sauf quelques gestes en vivre et non vivre posés par deux ou trois acteurs politiques.

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Le gouvernement, observateur impuissant

Depuis l'avènement de ces incendies cette année, les gouvernements national et provincial demeurent inactifs malgré les appels des familles sinistrées. Les incendies et autres catastrophes naturelles sont infinis et aucune mesure préventive n'a été prise par le gouvernement.

La quasi inexistence de son assistance aux familles victimes et les enquêtes annoncées pour établir les responsabilités n'ont jamais abouti.

"À presqu'un mois de l'investiture du gouvernement Jean-Jacques Purusi, aucune initiative n'a été prise, même temporairement, pour mettre fin à ce phénomène d'incendie dans la ville. Que le gouverneur se réveille un peu, trop c'est trop. Il faut arrêter ce qui se passe à Bukavu", a fustigé le député provincial Ananie Lunanga, dans un message d'indignation.

Le service de protection civile semble également être sans moyens nécessaires pour apporter secours aux nécessiteux en cas de catastrophe.

Des sapeurs-pompiers absents

La ville de Bukavu disposent des quelques véhicules anti-incendie dont 5 dotés par le sénateur Modeste Bahati Lukwebo.

Des acteurs de la société civile à Bukavu regrettent de constater qu'à chaque incendie les sapeurs-pompiers n'interviennent pas, des camions anti-incendies sont cloués au sol et d'autres abandonnés. Des rares interventions sont faites pour limiter les dégâts, mais elles arrivent avec retard et/ou avec une quantité insuffisante d'eau.

Dans d'autres coins de la ville, aucune accessibilité n'est possible, des maisons superposées les unes sur les autres suite à une urbanisation anarchique causée notamment par l'exode rural qui s'accentue.

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Des conflits de limite des parcelles

Après chaque incendie, les familles victimes dégagent les debris et tentent de retrouver les limites de leurs parcelles et sauver ce qui peut encore l'être.

Ici, il s'observe souvent des  ménages qui dépassent les limites de leurs parcelles et d'autres qui ne reconnaissent pas du tout leurs limites. Selon des observateurs et certaines autorités locales, certaines familles mal intentionnées empiètent les parcelles des autres et des conflits de limite deviennent de plus en plus récurrents après chaque incendie.

D'autres ménages replacent et recréent eux même des bornes , situation qui devient de plus en plus compliquée à gérer pour les autorités locales. Des enfants majoritairement, en profitent pour tenter de retrouver les murailles "Mabendé", en langage local.

Des jeunes, sauveurs-voleurs

Lors des différents incendies, l'effort remarquable surtout des jeunes n'est pas à démontrer pour éteindre le feu ou limiter sa propagation.

Malheureusement, certains s'adonnent au pillage des biens des sinistrés ou des personnes dont les maisons sont encore non touchées sous prétexte de les sauver.

Selon Nicolas Lubala, président provincial de la nouvelle dynamique de la société civile, ce comportement est devenu récurrent et les victimes ne savent plus à qui faire confiance.

Il sied de rappeler que l'année 2021, 2022 et 2023 étaient également marquées par des incendies. Pas moins de 500 maisons étaient encore calcinées dans des incendies chaque année.

Déogratias Cubaka, à Bukavu