Procès sur l’incident à Makala : Une prisonnière violée par 7 personnes raconte l’horreur qu’elle a vécue la nuit du drame (Témoignage)

Mercredi 11 septembre 2024 - 12:58
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Le procès sur l’évasion survenue à la prison centrale de Makala se poursuit. À l'audience de ce mardi 10 septembre 2024, une prisonnière, la trentaine révolue, a rapporté aux juges du Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Ngaliema , comment elle a été violée par 7 prisonniers cette nuit-là.

Avant de comparaître et de relater aux juges son calvaire, cette femme a commencé par se constituer partie civile. Elle a ensuite expliqué comment les prisonniers ont cassé la porte du pavillon 9 où sont logées les prisonnières pour venir les violer et extorquer leurs biens, argents, téléphones et autres effets.

« C'était le 2 septembre vers 2 heures du matin. En réalité, cela a commencé vers 22 heures lorsqu'il y a eu une coupure d'électricité bizarre qui a duré jusqu'au matin du jour suivant. Nous avons l'habitude de prier avant de dormir. On venait de finir la prière vers 1 heure. Une heure après, alors que je commençais à dormir, j'ai entendu des coups de balle. Après, quelqu'un est venu nous dire qu'il s'agit d'une tentative d'évasion. Quelque temps après, on a commencé à entendre des mouvements comme quoi on cassait la porte de notre pavillon. J'ai pris mon argent en dollars, 280 USD, j'ai emballé dans un papier mouchoir et j'ai mis dans mon sexe. J'ai pris l'argent en francs, 88.000 Fc, j'ai mis dans un sac, y compris mon téléphone. Après, on a entendu des prisonnières qui passent la nuit à la salle de visite crier qu'ils sont entrés. Au départ, on a cru que c'étaient des militaires ou des policiers. On s'est rendu compte après que c'étaient des détenus hommes qui sont venus voler et violer les femmes », a rapporté la victime.

Elle a ensuite expliqué aux juges comment ces prisonniers se sont amenés avec des armes blanches, machettes et autres objets, et comment ils leur ont proféré des menaces allant jusqu'à tenter d'ôter la vie à celles qui refusaient de leur donner ce dont ils avaient besoin.


« Quand on a senti qu'ils s'approchaient de notre porte, on a éteint la torche. Je me suis caché sous le lit. Et j'entendais comment ils extorquaient les biens à d'autres prisonnières. Le premier groupe a pris nos provisions, l'argent et les téléphones. Le deuxième groupe est celui qui est venu avec les machettes, couteaux, ciseaux et autres armes  blanches. Ces détenus ont commencé à violer les autres femmes sous mes yeux. Un moment donné, j'ai vu un détenu venir me demander de nous protéger, moi et une amie. Il nous a emmenés à un endroit. À un moment donné, on a commencé à menacer mon amie. Alors que je voulais intervenir, le même détenu m'a donné une gifle. Je suis tombée sur un banc. Il m'a tiré le pantalon par force. Il a commencé à me taper. Il m'a enlevé les habits et m'a écarté les jambes. Alors qu'il voulait me pénétrer, il a senti quelque chose à l'intérieur. Il a remarqué que c'était mon argent. Il a introduit ses doigts et a retiré l'argent. Quand il a fini de me violer, un autre est arrivé, ainsi de suite, jusqu'à être voilée par 7 personnes. Pendant l'acte avec le 7ᵉ, j'ai vu un garçon que je connais. C'est grâce à lui que le 8ᵉ homme n'est pas monté sur moi », a ajouté la victime.

Selon cette femme, sur 302 prisonnières hébergées au pavillon 9, moins de dix peuvent dire qu'elles n'avaient pas été violées pendant ces événements. La majorité a été violée, a-t-elle indiqué. Elle a aussi expliqué aux juges comment ces détenus sont allés piller le dépôt des nourritures avant de l'incendier et d'autres pièces parmi lesquelles le greffe où étaient placés les documents administratifs dont les actes de détention des prisonniers.

« Nous étions au nombre de 302 femmes dans notre pavillon. 3 prisonnières sont mortes pendant ces événements. Des femmes qui peuvent dire qu'elles n'avaient pas été violées n'ont pas atteint le nombre de 5. Nous avons toutes été violées et par plusieurs hommes à la fois. Il y a des prisonnières qui, par honte, ne veulent pas venir le dire », a conclu cette victime.

A la demande du président du Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Ngaliema, le capitaine Guy Kweshi, cette victime a pointé séance tenante deux détenus qu'elle a reconnu parmi ceux qui l'ont violé. Interrogés par les juges, ces derniers ont nié ces allégations.

Après cette dame, une autre prisonnière constituée partie civile a aussi rapporté comment elle a été violée par six hommes. Les autres femmes victimes ont avancé les mêmes allégations à l'audience précédente et pointé du doigt parmi les prévenus leurs bourreaux.

Ce qui fait encore plus mal dans cette affaire est le fait que ces femmes se sont plaintes de n'avoir pas bénéficié de la prise en charge médicale et psychologique adéquate. À les entendre, on leur a juste remis des pilules contre la grossesse et le VIH/SIDAA. À part ça, plus rien.

« Nous sommes abandonnées à notre triste sort. L'État congolais n'a pas fait grand-chose pour nous. À part ces pilules, on n'a reçu rien du tout. Pourtant, nous sommes dans un état psychologique très faible. Même sur le plan de la santé, nous nous sentons très mal. C'était de la responsabilité du gouvernement de bien sécuriser les prisonniers. Surtout que la plupart d'entre nous ont été arrêtées pour des faits bénins. C'est ainsi que nous nous sommes constituées parties civiles pour réclamer les dommages et intérêts aussi bien à nos bourreaux qu'à l'État congolais », a souligné une autre victime.

Rappelons qu'au total 63 prisonniers sont poursuivis en procédure de flagrance devant le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Ngaliema pour viol, terrorisme, destruction méchante et incendie volontaire.

Les faits relèvent de l’évasion qui a eu lieu à la prison centrale de Makala, la nuit du 1ᵉʳ au 2 septembre 2024. Selon les chiffres avancés par le gouvernement, en plus des prisonnières violées, 129 détenus ont trouvé la mort cette nuit-là, dont 24 par balles.

ODN