
En collaboration avec le consortium Congo n'est pas à vendre (CNPAV), l'Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence (Ebuteli) a révélé, ce mardi 22 avril 2025, à Kinshasa, que les dépenses électorales ont été « remarquables » aux dernières élections par rapport aux autres scrutins, passant d’environ 540 millions en 2006 à 1,096 milliards de dollars américains en 2023. Cette structure a livré ces chiffres lors d'un forum public organisé pour la présentation des résultats de ses recherches menées sur la corruption électorale en République démocratique du Congo.
Dans son rapport intitulé : « Corruption sans frontière en République démocratique du Congo : des leçons à tirer pour l'avenir », Ebuteli a indiqué que ces dépenses se sont accentuées avec l’avènement de Dispositifs électroniques de vote en 2018.
« En dollars américains, les dépenses publiques y afférentes ont atteint environ 540 millions en 2006, puis 700 millions en 2011. Le seuil d’un milliard est enregistré pour la première fois lors des élections de 2018. La montée en flèche des dépenses électorales a été encore remarquable au cours du dernier cycle électoral de 2023, avec un budget de 1,096 milliard de dollars américains, soit une augmentation de 25,1 % par rapport à 2018 », analyse le rapport d'Ebuteli.
Selon cette structure de recherche en politique, gouvernance et violence, près de 880 milliards FC ont été prévus dans le projet de loi de finances pour les élections de 2023.
« Près de 880 milliards FC ont été prévus dans le projet de loi de finances pour les élections de 2023, dont 800 milliards FC destinés aux opérations électorales de 2023 et près de 28,8 milliards de FC pour la Construction des entrepôts, acquisition de 20 camions pour le convoi des kits électoraux dans les zones d'accès difficile. Sur 26.000 nouveaux Dispositifs électroniques de vote (DEV) acquis par la CENI, pour compléter le stock des machines utilisées en 2018, qui étaient tout de même jugés opérationnels, chacun d’eux a été acheté sous le coût de 4.225 dollars par machine, alors qu’en 2018, le coût unitaire était à environ 1.500 dollars. Ce qui a fait tripler son coût global à 109.869.726 dollars américains par rapport à 2018. Ces marchés publics de machines à voter se sont déroulés de gré à gré, avec plein de risques de corruption », a expliqué Patrick Ntambwe, expert électoral de la Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (SYMOCEL).
Par ailleurs, Ebuteli a recommandé à la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) de recruter les membres de son bureau sur base de critères d'intégrité et de compétences techniques validées à l'issue d'un concours organisé par un cabinet indépendant, sélectionné par une commission mixte et paritaire de l'Assemblée nationale.
« Restructurer la CENI pour la soustraire aux interférences politiques, en recrutant les membres du bureau sur base d'intégrité et de compétences techniques validées à l'issue d'un concours organisé par un cabinet indépendant, sélectionné par une commission mixte et paritaire (majorité et opposition) de l'Assemblée nationale ; Renforcer l'autonomie de la plénière, en retirant les membres du bureau de sa composition. Cette plénière regroupera les délégués de la société civile, de la majorité et de l'opposition, sélectionnés sur concours par le même cabinet indépendant, à partir de la liste de cinq candidats proposée par chacune des trois composantes. Instaurer l'alternance de cabinets de sélection des membres du bureau et de la plénière au terme de chaque cycle électoral», recommande ce rapport.
Dans le même ordre d'idées, cet institut congolais de recherche a aussi invité la CENI à réviser la loi électorale, en y intégrant des dispositions « strictes » de lutte contre la corruption, notamment :
• Interdiction formelle des dons ou cadeaux en campagne ;
• Démission obligatoire de tout mandataire public candidat ;
• Interdiction d'implanter des bureaux de vote dans les écoles appartenant à des candidats.
En outre , cette plateforme de recherche a demandé à la CENI d'adopter une loi spécifique sur le financement des campagnes électorales, fixant :
• Des plafonds clairs et réalistes de dépenses autorisées par type d'élection ;
• L'obligation de déclarer l'origine des fonds ;
• Des sanctions effectives en cas de non-respect, notamment l'invalidation de la candidature ou des résultats.
Enfin, Ebuteli a également recommandé à la CENI d’organiser les élections des gouverneurs, vice-gouverneurs et sénateurs au suffrage direct, pour limiter les achats de voix.
Raphaël Kwazi