
Les limites du projet de Loi portant création du Tribunal pénal économique et financier et de son parquet rattaché, actuellement en examen au niveau de l'Assemblée nationale, a été au cœur d'une conférence-débat organisée ce vendredi 20 juin 2025, au Centre de Criminologie et de pathologie sociale de l'Université de Kinshasa.
Principal intervenant de ce séminaire, Me Carlos Ngwapitshi a, d'entrée de jeu, rappelé que ce texte adopté à la 39e réunion du Conseil des ministres vise à doter le pays d'un dispositif judiciaire spécialisé de lutte contre la criminalité économique, en permettant notamment que les fonds détournés soient restitués dans le Trésor public.
Fort malheureusement, note le chercheur, ce texte n'apporte aucune innovation dans le Droit positif congolais. Il a notamment fustigé le fait qu'il ne résout pas le sempiternel problème de restitution des fonds détournés, ce à quoi beaucoup de Congolais s'attendent.
Imprescriptibilité des crimes économiques et financiers
C'est dans ce cadre que Me Carlos Ngwapitshi propose l'instauration, au sein du parquet National économique et financier attaché à ce Tribunal, des chambres de médiation devant permettre aux personnes poursuivies de négocier en vue de restituer les fonds détournés. Chose qui permettrait à l'État d'être véritablement rétabli dans ses droits.
" Que gagne-t-on à enfermer quelqu'un durant 20 ans si l'argent détourné ne revient jamais dans la caisse de l'État ? Cela signifie que lorsque vous êtes poursuivi pour l'une des infractions relevant de la compétence de ce Tribunal, le parquet qui vous poursuit conclut à une instruction à charge, vous présente les évidences, transmet le dossier dans la chambre de médiation. Il y a un médiateur qui intervient et propose des solutions. La personne poursuivie peut dire, au lieu de faire 20 ans de prison, pourquoi ne pas négocier et restituer les fonds de l'État. Et du moment où elle restitue l'argent, le dossier est classé pour inopportunité des poursuites", a recommandé le chercheur.
Me Carlos Ngwapitshi a par ailleurs suggéré de renforcer le dispositif répressif congolais en rendant les immunités inopérantes pour les criminels à col blanc, en rendant la criminalité économique et financière imprescriptible, en instaurant la peine à perpétuité et la confiscation générale des biens des détourneurs, mais aussi en excluant les condamnés à des mesures de grâce et de liberté conditionnelle ou provisoire.
Aucune innovation
Critiquant le projet de loi, actuellement en examen au niveau du Parlement, Me Carlos Ngwapitshi a notamment relevé l'article 7 qui exclut les détenteurs des immunités des poursuites du champ de compétences de cette juridiction. Chose qui, souligne-t-il, fait croire que cette juridiction n'est instituée que pour les communs de mortels alors qu'il n'est secret pour personne que ceux qui commettent le plus des crimes économiques sont ceux qui participent à la gestion du pays à toutes les échelles.
Un autre problème relevé est l'ambiguïté des relations avec la Cour de Cassation et la Cellule nationale des renseignements financiers. Le chercheur note, à titre d'exemple, qu'il est dit dans ce texte que la CENAREF qui est dirigée par le premier avocat général près la Cour de Cassation doit adresser un rapport au procureur général près le parquet économique et financier qui a rang du PG près la Cour d'Appel.
Avant de clore son propos, Me Carlos Ngwapitshi a appelé les députés nationaux à tenir compte de ses observations et à veiller à ce que l'instauration du Tribunal pénal économique et financier ne soit pas une juridiction de trop, mais plutôt une réponse efficace à la criminalité économique en RDC, en permettant à ce que les fonds détournés soient réellement reversés dans la caisse du Trésor public.
ODN