Après Tshisekedi, Katumbi ?

Mardi 27 octobre 2015 - 10:05

[caption id="attachment_36124" align="alignleft" width="531"]Image retirée. Après Tshisekedi, Katumbi ?[/caption]

Forcées à l’exil, les figures historiques de l’opposition ont déserté le devant de la scène. De quoi ouvrir un boulevard à l’ex-gouverneur du Katanga.

L’annonce a fait l’effet d’une bombe à Kinshasa. Le 29 septembre, en démissionnant du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD au pouvoir), Moïse Katumbi Chapwe a rejoint l’opposition et bouleversé ses vieux équilibres. L’homme était un poids lourd de la majorité : gouverneur pendant huit ans de la riche province du Katanga - qui est aussi le fief du président Joseph Kabila -, il y a conservé des relais considérables.

Bien connecté dans le monde des affaires et dans les chancelleries occidentales, il est également populaire, du fait de son bilan positif en tant que gouverneur et des exploits de son équipe de football, le Tout- Puissant Mazembe.

L’événement est d’autant plus significatif qu’il a été précédé deux semaines plus tôt, de la défection de sept partis de la majorité présidentielle, dont certains étaient très importants. Ceux-ci ont formé une alliance, baptisée G7, qui paraît acquise à la cause de Katumbi. Celui-ci est en effet très proche de certains des chefs de ces partis, et leurs prises de position vont dans le même sens: dénonciation du recul des libertés et, surtout, volonté de faire respecter strictement la Constitution. Dans sa version actuelle, celle-ci prévoit en effet que le chef de l’Etat quitte le pouvoir à l’issue de son deuxième mandat, fin 2016.

HANDICAPS. Les poids lourds de l’opposition se sont, dans un premier temps, félicités de ces ralliements. Ils partagent les mêmes objectifs quant au départ de Joseph Kabila.

Katumbi prépare d’ailleurs la création d’une vaste plate-forme politique sur cette base. Mais l’arrivée du Katangais risque aussi de remettre en cause la position de figures historiques, à commencer par Etienne Tshisekedi et Jean-Pierre Bemba, contraints à l’exil pour des raisons différentes.

Arrivé en seconde position à l’élection présidentielle de 2011, Etienne Tshisekedi se considère en effet comme le chef naturel de l’opposition. Mais son âge (82 ans) et sa maladie l’ont contraint à se retirer en Belgique depuis plus d’un an. Son interminable convalescence a fini par lasser jusqu’à ses plus proches collaborateurs, impatients qu’un successeur soit désigné à la tête de son parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Sa capacité physique à mener campagne en 2016 et, plus encore, à diriger ce vaste pays jusqu’en 2021, paraît bien incertaine.

Jean-Pierre Bemba, le chairman du Mouvement de libération du Congo (MLC) est, de son côté, « le leader incontesté dans l’ouest du pays », comme le reconnaît l’un de ses rivaux. Mais depuis 2008, il est détenu à la Cour pénale internationale (CPI), où il est jugé pour les crimes contre l’humanité et crimes de guerre qu’a commis sa milice en Centrafrique. Il va sans doute rester aux Pays-Bas pour longtemps. Dans l’hypothèse d’un acquittement à brève échéance, le bureau du procureur pourrait, en effet, toujours faire appel.

Malgré leurs handicaps respectifs, ni Tshisekedi ni Bemba n’ont vraiment renoncé à diriger un jour le pays. Aussi, se ranger derrière un homme plus jeune et moins expérimenté pour la prochaine présidentielle n’ira certainement pas de soi.

POPULAIRE. Reste Vital Kamerhe, très populaire dans l’est du pays. Ancien proche du président Kabila, il a rejoint l’opposition en 2009 en créant son parti, l’Union pour la nation congolaise (UNC), et tient depuis lors une ligne radicale. Lui se dit davantage ouvert à une alliance électorale avec Katumbi. « Si nous commençons à dire : «Je veux bien m’allier, mais à condition que ce soit moi le chef; nous n’irons nulle part, explique-t-il. Le peuple congolais attend que nous mettions nos ego de côté pour s’entendre. Et, le moment venu, nous verrons- bien qui sera le mieux placé pour porter l’espoir du changement.»

Les élections intermédiaires (notamment les locales et les provinciales) seront certainement instructives. Comment cette alliance de l’opposition va- t-elle s’y présenter? Unie ou eh ordre dispersé? Et quels rapports de force vont-elles consacrer? L’organisation de ces scrutins reste toutefois sujette à caution tant le calendrier électoral a pris du retard: les très complexes élections locales, qui devaient initialement être organisées en octobre, ne l’ont toujours pas été. Le redouté scénario du « glissement», qui verrais la présidentielle reportée, permettant par là même au président Kabila de prolonger son mandat, a donc déjà commencé.

L’autre inconnue réside dans les intentions réelles du chef de l’Etat. S’il trouve un moyen de se présenter, malgré l’interdiction contenue dans l’actuelle Constitution, une union très large de l’opposition sera nécessaire pour tenter de le battre. S’il désigne un dauphin pour représenter son parti, les ambitions des différents leaders de l’opposition pourraient resurgir, chacun se sentant capable de l’emporter seul. Or, si tous les observateurs de la vie politique congolaise s’accordent sur un point, c’est bien celui-ci : le pays est trop vaste pour qu’un homme puisse l’emporter seul.

 

PIERRE BOISSELET/Jeune Afrique

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