Lutte contre l’impunité des crimes contre l’humanité en RDC
Dans son bulletin d’informations, l’Ong » Avocats Sans Frontières » (ASF) salue la condamnation d’un commissaire principal à la Police Nationale Congolaise (PNC) pour crime contre l’humanité.
En effet, dans sa décision du 31 octobre 2015, la Cour militaire de Kindu a condamné le colonel Abraham Amuri Pia à une peine de 15 ans de prison pour les viols, tortures et emprisonnements commis par ses hommes dans plusieurs villages en mai 2012.
Ce cas est une première condamnation du genre dans la province du Maniema et cette décision démontre la volonté du système judiciaire congolais à poursuivre la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité en RD Congo, note ASF.
En mai 2012, à la suite d’un conflit de pouvoir coutumier entre deux groupes en territoire de Kibombo, dans la province du Maniema, un groupe d’une trentaine de policiers sous le commandement du commissaire principal de la PNC, Amuri Pia Abraham, a été envoyé au village de Dembo pour rétablir l’ordre public. Arrivé sur les lieux, le commandant de la police s’est allié au leader de l’un des deux groupes protagonistes.
Ses hommes se sont ensuite livrés à divers crimes contre l’humanité, tels que pillages, viols et tortures, à l’encontre des membres de l’autre groupe.
Au terme d’un procès riche en rebondissements, le commissaire principal a été reconnu coupable par la Cour militaire de Kindu des crimes commis par ses hommes à Dembo et plusieurs villages environnants. Le revirement stratégique opéré au cours du procès par le Ministère public, qui avait minimisé la gravité des faits en invoquant qu’aucun villageois n’avait été tué, avait poussé une partie de la société civile à évoquer la possibilité de pressions exercées par des proches du colonel sur l’auditorat.
15 ans d’emprisonnement
La Cour a condamné le prévenu à 15 ans d’emprisonnement mais également à payer, solidairement avec l’Etat, des dommages et intérêts à 75 victimes. Selon Innocent Cokola, assistant de projet en Justice Internationale ASF en RD Congo, » en prononçant une peine plus forte que celle requise par le Ministère public, la Cour a réaffirmé son indépendance «
Cette affaire est déterminante dans la mesure où il s’agit de la première condamnation du genre dans la province du Maniema, les faits s’étant déroulés dans des villages difficilement accessibles et en-dehors des zones sous supervision de la communauté internationale.
» Cette condamnation démontre donc la volonté du système judiciaire congolais à poursuivre des efforts dans la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité, et ce même au niveau des plus hautes sphères des forces armées, et dans les zones les plus inaccessibles du pays « , estime Dominique Kamuandu, coordinateur du programme Justice Internationale ASF en RD Congo. » C’est donc un signal à l’égard de ceux qui reproduiraient les actes commis par le colonel incriminé « , dit-il.
Les organisations de la société civile (OSC) ayant pris part au procès ont appelé à la vigilance quant à des risques d’évasion du condamné, ainsi qu’aux risques sécuritaires auxquelles elles-mêmes s’exposent. ASF reste préoccupée par ces risques et invite les autorités à prendre toutes les dispositions utiles pour que le condamné purge effectivement sa peine et que la sécurité de ces OSC et des victimes soit garantie.
ASF espère également que le processus de payement des réparations soit efficacement mené à bien. Présente en RD Congo depuis 2002, ASF a facilité la participation au procès de 79 personnes dans le cadre de ce procès, parmi lesquelles 75 d’entre elles pourront bénéficier de ces compensations financières.
Par Godé Kalonji