Beni et Lodja : l’illustration parfaite de la voyoucratie

Vendredi 31 octobre 2014 - 12:51

Plus de 80 personnes odieusement massacrées par ADF/Nalu à Beni, non loin des quartiers des FARDC et des casques bleus de la MONUSCO, dans la province du Nord-Kivu. Des prêtres lynchés en pleine célébration de la messe ; des couvents saccagés et pillés, des religieuses brutalisées à Lodja par des milices d’un parti politique allié de la mouvance présidentielle, au nez et à la barbe des agents de police nationale, au Sankuru, dans la province du Kasaï Oriental.
Le Nord-Kivu et le Kasaï Oriental sont deux des provinces De la République Démocratique du Congo. Logiquement, il n’est pas convenable que pareils actes horribles soient commis de sang-froid et impunément dans un pays doté d’un Etat disposant de structures administratives et sécuritaires civiles et militaires parfaitement rodées, effectivement gouverné et bien organisé, ayant régulièrement la situation en main.
La mission primordiale et sacrée de l’Etat consiste à assurer la sécurité des personnes et des biens sur tout son territoire. La défaillance dans l’accomplissement de cette mission équivaut à la négation de l’Etat. Les drames de Beni et de Lodja ne sont pas des cas isolés ni fortuits, tant il est vrai qu’on ne les compte plus en RDC. Il n’est pas du tout excessif de les considérer comme l’illustration parfaite que la voyoucratie.
Les cris de détresse et d’indignations mêlés de récriminations contre la MONUSCO entendus à la Beni, sont les mêmes qui retentissent partout où de tels drames sont commis dans ce pays. Pourquoi les Congolais victimes de ces tragédies s’en prennent toujours à la MONUSCO au lieu de fulminer contre les dirigeants de leur pays qui sont censés les protéger et assurer leur sécurité ? Peut-on en déduire que pour eux l’Etat n’existerait plus dans ce pays et qu’ils n’auraient plus confiance en leurs dirigeants ? Cette réaction de la population est un désavoeu de ses gouvernements qui devraient, en conséquence, se sentir morveux.
Les dirigeants devraient s’en inquiéter, s’interroger, réfléchir. Ils sont interpellés par cette réaction populaire défavorable à leur égard pour qu’ils se remettent déjà en question eux-mêmes.
Il est gênant que la population traumatisée ignore ses dirigeants et préfère la Monusco à eux, la rendant en quelque sorte responsable de sa sécurité et de sa paix ! L’autorité de l’Etat fait cruellement défaut partout et dans toutes les circonstances tragiques où elle devrait absolument se faire sentir. On entre en RDC comme dans un moulin, pour y commettre des crimes et s’en retourner tranquillement. Il n’y a guère longtemps des centaines de militaires burundais avaient aisément pris leurs quartiers à Kiliba dans la Province du Sud-Kivu, comme en territoire conquis.
On peut bien se souvenir de ce qui s’était passé dans une partie du territoire de Kahemba jouxtant l’Angola, au sud de la province du Bandundu. De même de fréquentes incursions des troupes angolaises dans les territoires de Tshela et de Luozi dans la province du Bas-Congo. Des militaires et des civils rwandais ont fait du Nord-Kivu leur eldorado, comprenant la ville de Goma, les territoires de Masisi et de Rutshuru notamment.
Des pasteurs Mbororo et leurs troupeaux se sont emparés de larges parties du sol congolais dans la Province Orientale, au détriment des autochtones chassés de leurs terres. Des milliers de réfugiés centrafricains entrent dans le Nord-Ubangi dans la province de l’Equateur sans coup férir, et s’y répandent comme ils l’entendent. Comme si partout là il s’agit de vastes étendues de terre qui ne sont pas administrativement gérées et contrôlées par des représentants de l’autorité publique.
Comment s’expliquer toutes ces incursions et invasions dans un pays où les oreilles sont de temps en temps rebattues des concepts de souveraineté et d’indépendance ? Même dans la province du Katanga vers le nord, il y a des milices qui font la loi, tuent et pillent, et ne trouvent aucune force capable de leur résister ou de les mettre hors d’état de nuire.
Dans une situation ou incertaine et inquiétante, il y a des courtisans et prébendiers du système qui s’acharnent uniquement à jouer sans vergogne la carte de la révision des dispositions constitutionnelles verrouillées pour permettre à Joseph Kabila de se montrent étrangement incapables de faire face à tous ces désordres qui sont la négation de l’autorité de l’Etat, et révélateur de leur échec à assumer pleinement les charges inhérentes à l’exercice d’un pouvoir légitiment acquis ? Le pouvoir pour le pouvoir qu’on gère par défi.
Par Jean N’Saka wa N’Saka/Journaliste indépendant