Des bandes d’allumeuses aux trousses de partenaires fortunés

Lundi 17 août 2015 - 10:43

Dans un coin d’une terrasse de Ma Campagne, il y a une meute de filles sapées comme des « starlettes à la mode ». Elles sont cinq, habillées en culottes rétrécies ou jupes à la fente large dévoilant des jambes brunâtres filiformes, des bodies moulant des poitrines généreuses, des bras et des cuisses tatoués, des colliers avec de grosses médailles et des boucles d’oreilles à la forme de cerceaux, et des cheveux bicolores hérissés sur la tête. Ces demoiselles s’exprimant dans un français impeccable, fument sans s’arrêter et boivent de la bière sans se soûler. On raconte aussi qu’elles se droguent assez souvent.

Mode, sorties endiablées dans des boîtes célèbres de Kin, aventures avec des fils à papa libérés à peine de leur adolescence, sont les sujets favoris de leur conversation très animée. Et dans cette terrasse, ces filles frivoles qui jacassent et chantent à haute voix, attirent des regards. Isolé dans son coin, Makengo Laurent, Lorenzo pour les intimes, 23 ans, habitant le quartier cossu de Joli Parc, ne quitte pas des yeux une de ces demoiselles qu’il croit répondre à ses goûts. Et dès que leurs regards se croisent, Makengo l’appelle d’un geste du doigt. La « starlette improvisée » se lève comme pour répondre à l’invitation et malicieuse, passe par-là sans rien dire. Le jeune homme l’interpelle. L’allumeuse s’approche de lui et le gratifie d’une bise. – «Viens t’installer à mes côtés, il fait si frais et tu as besoin d’un peu de chaleur. On peut partager un verre pour débuter notre amitié ! supplie Makengo». Mais apparemment, lâche brutalement la demoiselle, tu ne parais pas assez friqué pour me draguer.» Une remarque insidieuse comme pour tester le jeune gars. «Comment ça, tu doutes de mes capacités ? Alors, appelle ton groupe», dira Makengo d’un air révolté et confiant en lui-même.

Et c’est la bande des allumeuses qui assiège le jeune homme, multiplie les commandes des boissons et des plats de frites aux steaks. Gonflé d’orgueil, le garçon cède à toutes les sollicitations, sûr de satisfaire les caprices les loufoques de demoiselles et d’arracher l’affection de Mira, celle sur qui il a jeté son dévolu.

Il est 23 heures. Dans le porte-monnaie du Don Juan, plus aucun sou. Il a brûlé même les 1.500 dollars que son père lui a fait garder pour remettre le lendemain à sa tante paternelle. Et la bande réclame d’aller terminer la soirée dans des boîtes de la Gombe. Il les engouffre dans la jeep de son père et va stationner non loin de la parcelle familiale. Le temps d’inventer une histoire à l’inention de sa mère, le voilà qui ressort avec 2.500 dollars. Ivre, il ne se contrôle plus. Ses poches fouillées, les fameuses starlettes emportent tout et l’abandonnent seul, recroquevillé dans un canapé du club-dancing. A 6 heures, Makengo, réveillé par les travailleurs du club, se rend à l’évidence qu’il a été dépouillé par la bande des allumeuses invétérées. Rapportée à ses copains, cette mésaventure, lui a-t-on révélé, n’est pas la première du genre. C’est une forme d’escroquerie à la mode.

Des allumeuses pour vous détendre et pour vous déposséder de vos biens

A Limete, Gombe, Righini et Bon Marché, les écuries des allumeuses rasent chaque nuit, les club-dancing et terrasses à succès, traquant les jeunes garçons, même des hommes d’affaires friqués, prompts à effectuer des orgies sans compter. On signale que des jeunes garçons immatures embarqués dans les milieux de boîtes à musique, ont été entraînés dans des dépenses incommensurables, au point que certains ont dû revendre des biens de valeur de leurs parents. Ce n’est plus seulement pour s’acheter un billet d’avion et boucler les formalités pour se rendre en Europe que des demi-parcelles sont écoulées, à l’insu de leurs propriétaires, mais aussi pour conquérir les cœurs de ces « starlettes » aux mœurs légères.

Au quartier Bon marché, des prostituées professionnelles s’illustrent dans le même modus operandi, avec l’objectif de vider les économies de leurs partenaires. Une certaine Souza toujours en compagnie de son amie Feza, aujourd’hui recherchées activement par leurs victimes, et toutes deux introuvables dans la ville de Kinshasa, s’étaient rendues célèbres en acceptant les avances des mâles grisés par le succès de belles affaires commerciales.

Vous voulez dépenser à la folie, comme le laisse entendre une certaine opinion qui circule dans la capitale, il y a certes des coins à Kin où tout coûte cher et à la portée de grosses fortunes. Et si cela vous enchante, pour votre compagnie et pour la soirée, les belles nanas sont également là, en grappes, pour meubler vos soirées.

Ce que l’on oublie de dire aux novices viveurs est qu’il faut se méfier de ces milieux où escrocs et voleurs se côtoyent et se trémoussent sur les pistes de danses aux sons de belles musiques. Un trafiquant de coltan de Bukavu en séjour à Kinshasa, ne s’est pas expliqué comment il a perdu 4.000 dollars en une soirée, ainsi que ses cartes de crédit bancaires.

Kinshasa et ses nuits cauchemardesques, c’est aussi cette ambiance endiablée des boîtes de nuit peuplées des gens de tous acabits, hommes et femmes, où se développe actuellement une autre forme de criminalité. On vous approche par des inconnus peu scrupuleux, on teste malignement votre capacité dispendieuse et on vous entraîne dans des coins isolés où des brigands entrent en scène et vous dépouillent de notre argent. Et le tour est joué.

J.R.T.