Discrimination, exclusion, violation de la loi de sous-traitance par les miniers du Katanga

Mardi 16 décembre 2014 - 09:09

Un crime économique se produit au Katanga, principal pôle d’attraction minière de la RDC avec ses immenses réserves en cuivre et cobalt. Une certaine opinion accuse - avec raison d’ailleurs - les entreprises multinationales implantées au Katanga de violation flagrante des lois nationales en matière d'emploi et de la sous-traitance. Les faits sur le terrain corroborent cette thèse. Au moment où le gouvernement soutient la promotion d’une classe moyenne en RDC, le temps est venu de corriger cette injustice.

Malgré leur participation aux différentes conférences nationales minières initiées par le président de la République, la plupart des miniers du pays jettent aux oubliettes les différentes recommandations visant la création et la promotion de la classe moyenne congolaise ainsi que le transfert de l'expertise.

Les grandes compagnies d'exploitation minière, dirigées par les expatriés, essentiellement anglophones, ignorent les recommandations de la 2ème édition de la Conférence minière élargie aux autres secteurs des ressources naturelles, organisée à Goma les 24 et 25 mars 2014.

Tandis que les services gouvernementaux préposés à l'application ne font pas le suivi.

Concrètement. La première recommandation faite au ministère du Portefeuille et applicable entre avril- décembre 2014 était de « définir une politique de promotion de l’entreprenariat des Congolais à travers les PME et PMI en vue d’une optimisation de la sous-traitance ».

Au ministère des Infrastructures, Travaux Publics, la recommandation 5 stipulait de façon permanente qu'il faut « exiger la sous-traitance par des firmes locales lorsque les grands marchés des infrastructures sont exécutés par entrepreneurs étrangers, en vue de promouvoir la classe moyenne ».

La recommandation 62, spécifiquement destiné au ministère des Mines, faite lors du premier Forum minier, applicable entre avril et décembre 2014 prévoyait de : « renforcer la politique de la main d’œuvre nationale dans le secteur minier ».

Au ministère de l'Industrie, PME et PMI, il a été recommandé immédiatement d’ « élaborer un projet de loi portant sous-traitance ; élaborer la politique de promotion de l’entreprenariat des Congolais à travers les PME et PMI en vue d’une optimisation de la sous-traitance ; intégrer dans les textes légaux et réglementaire relatifs à la sous-traitance la préférence de l’attribution des marchés aux PME et d’autres compagnies Congolaises, analyser les possibilités d’accès au financement et encourager le transfert des technologies ; Pour faire face au manque de moyens et d’expertise, envisager la création des entreprises mixtes en majorité congolaise et promouvoir l’organisation des formations techniques ».  Les mêmes recommandations ont été faites au ministère de l'Emploi, Travail et Prévoyance sociale.

     Pour le moment, les entrepreneurs nationaux réclament le respect des lois du pays et interpellent pour  l’application des dispositions juridiques du pays pour permettre l’émergence d'une classe sociale moyenne grâce à la sous-traitance locale, dans la lutter contre la pauvreté.

En effet, l’accès des nationaux à la sous-traitance dans le secteur des mines est une question épineuse malgré que la législation sur le travail qui stipule en son  article 9 que « l’entrepreneur principal réserve, chaque fois que cela est possible, la priorité des contrats de sous-traitance aux entreprises ou aux sociétés de droit congolais, promues et dirigées par des congolais et dont le personnel technique et d’encadrement est constitué d’au moins 60 % de congolais ».

Constat amer

Sur terrain, le constat est très amer, révoltant, dans ce sens qu’une discrimination s’y est installée en défaveur des populations locales et entrepreneurs nationaux. Cette loi est bafouée, mieux encore ignorée,  par certains investisseurs dans le secteur commercial. C'est le cas des  pakistanais, libanais, indiens, chinois et somaliens qui s’évertuent à exercer illégalement le petit commerce et vendent en détail les différents produits et biens au vu et  au su des inspecteurs et vérificateurs de l'Etat.

Dans les mines, un des secteurs les plus importants de l'économie nationale, certains observateurs crient au scandale lorsqu’ils aperçoivent  la formule ou procédure  de passation des marchés qui excluent les compétences locales.

Les dirigeants sud-africains des entreprises minières préfèrent donner la sous-traitance aux petites et moyennes entreprises sud-africaines, zimbabwéennes ou zambiennes ;  les européens favorisent leurs compatriotes ou les sud-africains ; les américains donnent facilement la sous-traitance aux américains, européens, sud-africains parfois moins qualifiés et mois compétents que les congolais. Les quelques rares marchés (offres de services) octroyés aux congolais sont assortis de beaucoup des conditions et à des prix, cinquante ou cent fois, plus faibles alors que ces derniers font mieux.

Les illustrations sont légion et frappantes. Eden Service fait sa fortune dans le catering sur site en concurrence avec Bush Camp bien parrainé ; Malabar est préféré par rapport aux sociétés congolaises dans l'organisation des voyages et la douane ; G4 Securicor préféré aux sociétés congolaises de gardiennage ; Group Five arrache facilement des contrats malgré l'expertise nationale ; SRK passe pour le meilleur consultant dans les Etudes d'impacts environnementaux (EIE) dans les mines congolaises en lieu et place des cabinets nationaux. Ironie du sort, même s’il est préféré aux cabinets nationaux, le cabinet sud-africain, sans connaissance profonde du milieu, recourt toujours à l'expertise congolaise sur le terrain ; Polytra, Africa Logistics (Groupe Bolloré) ;  Comexas fait la pluie et le beau temps dans la sous-traitance douanière malgré qu'ils ne font pas mieux que les congolais, les deux derniers auraient fait décaisser plus de 30 millions Usd à des grandes entreprises minières dans les Contentieux.

Les sous-traitants expatriés, principalement des blancs, les agences en douanes des congolais ne réussissent pas grâce à leur connaissance des procédures douanières congolaises mais par fraude et corruption. Ils pensent que leurs noms et présence internationaux sont un passeport diplomatique malgré leur ignorance et violation des lois congolaises doublés de jalousie et concurrence déloyale.

Les habitants du Katanga ne voient plus sur le marché tous les journaux locaux qu'ils avaient connu grâce la Gécamines de Mulenda Mbow et Umba Kyamitala, laquelle donnait d'abord la sous-traitance médiatique à la presse locale qu'elle payait normalement. Dans les années 2000, certaines sociétés minières le faisaient comme Groupe Bazano, Somika, Chemaf, Congo Cobalt Corporation et Boss Mining, KMP, Congo Minerals, Comisa, Simco, etc.

Selon un expert en communication : « Ces entreprises étaient dirigées par  des congolais ou africains de toutes les races, proches et amis de la presse, maitrisant les réalités locales africaines et vivant dans les mêmes quartiers résidentiels à Lubumbashi, Likasi, Kakanda, Kolwezi à la différence des expatriés anglophones venus gagner beaucoup d'argent sans histoire avec l'esprit africain. Ils payaient entre 500 et 700 Usd pour une page dans un journal  noir-blanc comme Mukuba, La Vérité, Muten, Chombo Chetu, Agora,

Le Potentiel, etc. dans le respect des tarifs de l'ANECO (Association nationale des éditeurs du Congo) ».

Avec l'arrivée des grandes entreprises minières sud-africaines, européennes, canadiennes et américaines, exemption faite des chinois à cause de leur approche, la sous-traitance médiatique profite plus aux médias (journaux) internationaux, parfois non lus à Likasi, Kolwezi, Fungurume, Kipushi, Kasumbalesa, Lubumbashi, Kinshasa.

Les sociétés minières actuellement ne se gênent pas de payer aux rares journaux locaux 100 ou 200 Usd et entre 500 et 2.000 Usd pour une page promotionnelle dans une revue multicolore, largement en-dessous des tarifs de l'ANECO,  pendant qu'elles paient pour la même insertion entre 15.000 et 17.000 Usd chez Jeune Afrique et autres journaux francophones et anglophones étrangers sous prétexte de la non-viabilité de la presse locale. C’est une mort programmée de la presse locale, notamment Mukuba Hebdo de Kyangwe, La Vérité de Luboya, Muten de Kabulo, La Fraternité de Kabol, Quiproquo de feu Mwanza et d'autres journaux dont les tenants font fait la fierté de la province.

« Aujourd'hui, à part une entreprise minière du Katanga qui publie régulièrement ses résultats trimestriels et autres événements, la plupart d'entreprises minières et leurs dirigeants préfèrent  communiquer, à plus cher, dans les journaux étrangers et tenus par les étrangers (européens, canadiennes, sud-africains ou américains) au détriment de la presse locale et nationale. Malheureusement, la Gécamines le fait aussi. Au lieu d'appuyer financièrement, à travers les publications régulières, la presse locale et nationale afin d'engendrer les Bloomberg, Reuters, Jeune Afrique, Mining Weekly, Mining Review congolais grâce à l'argent généré par les mines de la RDC, les miniers préfèrent entretenir les grands journaux et agences de communication et de presse étrangers. Des agences en communication étrangères sans impacts sur le terrain au Katanga sont payés mensuellement rubis sur ongle pour des résultats mitigés pendant que les congolaises sont ignorées. En fait, c'est une triste réalité, une sorte de discrimination et violation des lois de la RDC qui s'appliquent aussi bien à l'expertise congolaise, aux petites et moyennes entreprises ainsi qu'aux Ongs congolaises. Malheureusement, les congolais travaillant dans ces entreprises minières sont complices de cette discrimination et cette exclusion », s'inquiète Ben Nkaya d'un conseil en communication présent au Katanga.

Chaque DG expatrié a ses européens, canadiens, sud-africains, zimbabwéens, philippins, péruviens ou zambiens pour la médiatisation, les opérations douanières, les facilitations de voyage en lieu et place des congolais. De la discrimination et exclusion.

En 2012 ou 2013, sur plus de 900 millions Usd dépensés dans la sous-traitance minière au Katanga, 100 millions Usd ont été payés aux sous-traitants congolais, toutes catégories confondues. Le reste (800 millions) était destiné aux étrangers.

Comme au temps de l’apartheid

« On dirait que les anglo-saxons ont importé l'apartheid dans la sous-traitance et imposent l’anglais comme langue de communication dans les mines du Katanga après cinquante ans d'indépendance », s’exclame Franck Fwamba, directeur d'une agence en communication et journaliste spécialisé dans les mines.

Si les congolais ne peuvent pas inventer la fusée, ils ne sont pas plus que prédicateurs et musiciens. Ils ont prouvé leur expertise dans les médias, l'exploitation minière et les opérations douanières, la médecine, l'ingénierie, la recherche... Ils sont donc qualifiés pour la sous-traitance dans une concurrence loyale, sans discrimination ni faveur.

 

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