Droits des enfants : La RDC viole la loi en incarcérant des enfants dans les prisons pour adultes

Mercredi 17 juin 2015 - 14:57

Près de 300 enfants ayant commis des infractions sont actuellement incarcérés aux pavillons 9 et 10 de la prison centrale de Makala à Kinshasa.

De nombreuses autres prisons du pays regorgent des prisonniers âgés de moins de 18 ans, c.à.d. des mineurs. Et pourtant, depuis janvier 2009, la RDC est dotée de la loi n°09/001 portant protection de l’enfant qui interdit que les mineurs en conflit avec la loi soient détenus dans des prisons pour adultes.

Les conditions de vie dans les prisons de la RDC sont souvent pénibles. Ces lieux de détention ont, dans leur majorité, été construits avant l’accession de la RDC à l’indépendance en 1960, et sont dans un état de délabrement avancé. Les prisons congolaises sont surpeuplées et les prisonniers ne mangent pas à leur fin. Ce sont de hauts lieux de la misère et des mouroirs. La place des enfants ne se trouvent pas dans une prison, selon la législation nationale et internationale.

Des sources humanitaires et pénitentiaires indiquent qu’au cours de la semaine du 8 au 14 juin 2015, il y avait à la prison centrale de Makala 273 enfants emprisonnés dont 263 garçons au pavillon 10 et 10 filles au pavillon 9. Le pavillon 10 est exclusivement réservé aux mineurs, c.à.d. des détenus âgés de moins de 18 ans alors le pavillon 9 est réservé uniquement aux femmes dont des filles de moins de 18 ans.

Il est vrai que ces deux pavillons sont isolés des autres pavillons de la prison, mais cela n’enlève en rien le fait que ces garçons et ces filles de moins de 18 ans sont emprisonnés en violation de la loi 09/001 portant protection de l’enfant en RDC.

Plusieurs défenseurs des droits de l’homme en général et des droits des enfants en particulier affirment que des filles détenues au pavillon 9 de la prison centrale de Makala subissent des sévices de toutes sortes de la part des femmes adultes.

Ce n’est pas de gaieté de cœur que les juges envoient des enfants en prison

Le juge Alphonse AhokaOmalokenge, président du tribunal pour enfants de Kinkole à Kinshasa dont le siège est situé dans l’enceinte du tribunal de grande instance de N’Djili, reconnait qu’en envoyant les enfants auteurs d’infractions en prison, les juges sont, malgré leur bonne volonté, en contradiction avec la loi.

Celle-ci,dans ses articles 113 à 118, prévoit que les enfants en conflit avec la loi déférés devant un tribunal pour enfants ne doivent pas être incarcérés dans une prison pour adultes, mais placés dans une famille d’accueil, dans une institution privée à caractère social ou dans un établissement de garde et d’éducation de l’Etat (EGEE). Malheureusement, a-t-il déploré, l’Etat n’a pas encore construit les établissements de garde et d’éducation de l’Etat pour se conformer à la loi qu’il a lui-même prise en janvier 2009.

Le juge Alphonse Ahoka a reconnu que la délinquance augmente sensiblement chez les enfants. L’infraction la plus commise par les mineurs dans sa juridiction qui couvre les communes de N’Djili, Masina, Kimbanseke, N’Sele et Maluku estle viol, a-t-il constaté en tenant compte du nombre élevé de cas qui lui sont soumis. Il y a ensuite, par ordre d’importance, le vol, les menaces d’attentat (menaces de mort avec des machettes et d’autres armes blanches), les coups et blessures volontaires, l’extorsion des biens (téléphones, sacs, …).

La plupart des vols sont commis par des garçons de moins de 18 ans qui roulent sur des motos alors les menaces d’attentat sont commises le plus souvent par des enfants appelés en jargon local » Kuluna « , a-t-il précisé.

A Kinshasa, il existe deux institutions privées agréées à caractère social qui gardent les enfants en conflit avec la loi, mais leur capacité d’accueil est limitée. Il s’agit de l’OCEPER dirigé par un prêtre catholique dans la commune de Matete et du centre de sauvetage de Kinshasa géré par l’Association Nationale des Educateurs Sociaux dans la commune de Kintambo.

Ce centre a été créé en 1998 avec l’appui du Bureau International Catholique pour l’Enfance (BICE). Le centre de sauvetage de Kinshasa héberge actuellement 22 enfants en conflit avec la loi alors qu’il a une capacité d’accueil de 60 places. Selon Hilaire Omalete, psychologue et formateur des éducateurs sociaux, les moyens font cruellement défaut à ce centre pour la prise en charge des enfants.

Les enfants qui y sont actuellement hébergés sont nourris par l’Association dénommée » 1 enfant par la main » qui regroupe des femmes chrétiennes de Kinshasa. Ce centre initie les enfants en conflit avec la loi à un apprentissage professionnel. L’Etat congolais doit prendre ses responsabilités et construire des centres de garde et d’éducation d’Etat.

Par Norbert Tambwe