Elections des gouverneurs : la MP triomphe sans gloire

Lundi 28 mars 2016 - 13:05

Reportées à deux reprises pour des raisons financières, les élections des gouverneurs ont finalement été organisées par la Céni dans 19 provinces sur les 21 issues du démembrement. Le Nord-Ubangi et le Sud-Ubangi doivent attendre une nouvelle programmation. Sans surprise la MP a fait carton plein, même si les candidats étaient fichés MP ou indépendant. Cette victoire est terne du fait qu’elle a été empreinte d’irrégularités et de pratiques peu recommandables en démocratie. C’est un triomphe sans gloire.

 

Les élections des gouverneurs des provinces ont finalement eu lieu. Sur les 21 provinces programmées par la Céni, seules 19 provinces ont bouclé les opérations électorales jusqu’aux résultats finals. Dans les deux autres provinces, à savoir le Nord-Ubangi et le Sud-Ubangi, la Céni n’a pas été en mesure de mener jusqu’au bout toutes les opérations. Une reprogrammation du scrutin est prévue dans les tout prochains jours.

 

Que retenir de ces élections ? Comme l’on pouvait s’y attendre, la Majorité n réalisé le jackpot. Sur les, 19 provinces couvertes par le scrutin du 26 mars 2016, la famille politique du chef de l’Etat a raflé 14 provinces, laissant les cinq autres provinces aux candidats soi-disant indépendants, notamment dans les provinces de Bas-Uélé, Haut-Uélé, Equateur, Kasaï-central et Mongala. Aucune femme n’a pu s’imposer à la tête d’une province.

 

Etiquetés Majorité ou Indépendant, les 19 gouverneurs élus sont tous estampillé MP.

C’est dire que la Majorité a quadrillé toute la territoriale, Sa machine électorale a tourné à plein régime. Dans la Majorité au pouvoir on n’a donc pas lésiné sur les moyens. Partout elle avait délégué ses cadres, notamment députés nationaux, sénateurs ou ministres. Ainsi, on a vu Aubin Minaku, secrétaire général de la MP, et d’autres cadres de la MP faire le tour de toutes les 21 provinces issues du démembrement pour mobiliser les députés provinciaux.

 

Ce déplacement de soutien tous azimuts aux candidats MP à l’élection des gouverneurs a été émaillé de menaces, corruption et trafic d’influence. La Majorité au pouvoir, qui a pris en otage le processus depuis les la mise en place des bureaux des assemblées provinciales, est allée jusqu’au bout de sa logique - ne laissant aucun espace à l’Opposition.

 

UNE VICTOIRE DÉNATURÉE

En attendant la publication des résultats définitifs, prévue le 18 avril 2016, après avis de différents cours d’appel saisis par d’éventuels recours des candidats malheureux, la Majorité peut bien faire la fête. « C’est le 18 avril prochain que les Cours d’appel devront annoncer les résultats définitifs de ces élections », a fait savoir le président de la Céni, juste après la publication des résultats provisoires de ces scrutins.

 

Mais, faut-il fêter une victoire qui était plus que prévisible ? Dans l’opinion, des langues se délient. « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », rappelait il y a bien longtemps Pierre Corneille dans une célèbre tragédie intitulée « Le Cid». Qu’est-ce à dire? Quand on triomphe d’une situation ou d’une personne en ayant fait recours à des moyens peu commodes, la victoire est dénuée de mérite. C’est ce qui s’est passé le 26 mars 2016. Car, dès le lancement de ce processus, la MP avait mis tout en œuvre pour écarter de la course des candidats gênants.

Pour y arriver, elle s’est servie autant de la Céni que de la justice.

Evidemment, la Majorité peut se féliciter d’avoir raflé presque toutes les provinces. Elle peut tout autant se réjouir d’avoir le contrôle de toute la territoriale. Mais, sa victoire a un revers. C’est une fois de plus son image qui s’en sort totalement écornée.

 

Aujourd’hui, on a la preuve qu’elle n’est pas prête à faire jouer librement le jeu démocratique. Cette pratique n’est pas son ADN. Comment dès lors faire confiance à un partenaire politique qui n’a pour seul reflexe que la nuisance ? La nuisance, c’est cet instinct naturel qui guide toutes les décisions de la Majorité.

 

C’est au nom de ce même instinct que la MP est allée jusqu’à utiliser tous les moyens d’Etat pour assouvir sa soif de pouvoir. Elle en a fait son mode de gouvernance et de conquête du pouvoir.

 

EN PRÉLUDE AU DIALOGUE

En effet, le quadrillage de la territoriale tient à un schéma qui s’incruste dans la logique du glissement électoral. En réalité, toute la stratégie de la MP est définie par rapport au chef de l’Etat, son autorité morale. Aussi, contrairement à tout ce qui se dit, la MP continue à croire en sa capacité de contourner la Constitution et imposer un troisième mandat en faveur de son autorité morale. En réussissant à placer à la tête des provinces des gouverneurs de son obédience, la Majorité pense avoir réalisé la moitié du chemin - le reste devant être bouclé par la tenue du dialogue.

 

A tout prendre, la victoire de la MP aux élections des gouverneurs de province pourrait le desservir. Dans la mesure où cela va sensiblement réduire ses chances de fédérer plus de monde autour de son projet de dialogue politique.

« Chat échaudé craint l’eau froide », dit-on. Il n’est pas évident que d’autres forces vives de la nation fassent confiance au discours de la Majorité, pour autant qu’elle donne la preuve, grandeur nature, que se soumettre démocratique aux règles de jeu n’est pas dans son vade mecum. Pour elle, c’est la victoire qui compte - quel qu’en soit le prix.

 

Sa victoire du 26 mars 2016 l’isoler davantage en la laissant seule maitresse aux commandes d’un navire appelé à voguer sur fonds démocratique. Quoi de plus normal que leit bâtiment ne cesse de tanguer.

Par le POTENTIEL