Elections des gouverneurs : Rude bataille juridique à la Cour constitutionnelle

Mercredi 2 septembre 2015 - 12:57

Le débat sur l’élection des gouverneurs de 21 nouvelles provinces issues du démembrement est déporté à la Cour constitutionnelle. Le dernier report décidé par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a déclenché cette réorientation. La Ceni tente de faire porter la charge du retard surie gouvernement, alors que de l’autre, l’Exécutif, à la défensive, se défend tant bien que mal. Voulu essentiellement administratif, le démembrement des provinces prend les allures d’une bataille juridique. La patate chaude passe d’une main à une autre, avec l’espoir que la Cour constitutionnelle proposera une issue satisfaisante.

Dans le processus de démembrement des provinces et la création de 21 nouvelles, l’on s’attendait à tout, notamment à des difficultés dans la mise en place des gouvernements provinciaux. Confiante, la Ceni avait donné l’impression de garder le contrôle des manettes dans le processus des élections des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces démembrées.

Mais, on ne pensait pas que l’affaire rebondirait de si tôt à la Cour constitutionnelle. Fraîchement installée, cette institution est à sa première épreuve. La Cour est appelée à trancher sur une affaire qui va au-delà des limites du droit.

Après le démantèlement de six provinces pour en sortir finalement 21 autres, la Ceni était assurée d’organiser dans un délai relativement court, les élections des gouverneurs de province. Les réalités du terrain l’ont vite ramenée sur terre.

C’est à deux reprises, rappelle-t-on, que la Ceni a dû revoir son plan de vol dans l’organisation des élections de gouverneurs de province. Auparavant, c’est 1e31 août2015 qu’elle pensait les organiser, avant de les repousser finalement au 6 octobre prochain. Enfin de compte, la Ceni s’est totalement rétractée en renvoyant sine die ces scrutins. Le gouvernement avait, de son côté, proposé un calendrier espacé de quelques jours seulement. La Ceni ne l’avait pas suivi d’ailleurs.

Dépassée, la Centrale électorale est allée solliciter le concours de la toute fraiche Cour constitutionnelle pour requérir son avis sur l’impasse qui s’est créée dans le processus de désignation des gouverneurs de nouvelles provinces issues du démembrement. Sans le dire ouvertement, la Ceni accusait le gouvernement, le chargeant de toutes les difficultés qu’elle éprouve dans la programmation des opérations électorales dans les provinces démembrées. Dans la liste des contraintes liées au calendrier électoral, la Ceni s’était clairement prononcée sur les responsabilités du gouvernement.

Question administrative au lancement du processus de découpage territorial, le démembrement des provinces a pris des allures tout à fait juridiques.
C’est donc à la plus haute juridiction du pays que s’affrontent désormais la Ceni et le gouvernement. Qui en sortira gagnant ? Nul ne le sait.

Néanmoins, à l’issue de cette épreuve, l’on sera définitivement fixé, suivant l’arrêt de la Cour constitutionnelle, sur le mécanisme à actionner en vue de doter les provinces issues du démembrement des autorités politico-administratives revêtues de tous les pouvoirs. Sur ce point précis, plusieurs scenarii sont possibles.
SCENARII PROBABLES

A première vue, avec toutes les contraintes financières qui pèsent sur la convocation en session extraordinaire des assemblées provinciales, la mise en œuvre de la procédure des élections des gouverneurs comme prévue à l’article 198 paraît presqu’invraisemblable. Malheureusement, la Constitution n’ pas prévu des raccourcis pour contourner la procédure. Ainsi, en dehors des assemblées provinciales,, la loi n’envisage pas un autre mécanisme pour élire les gouverneurs.

Ce qui exclut, à coup sûr, toute procédure de nomination par ordonnance présidentielle des gouverneurs de province. Car si le président de la République a, depuis la derrière révision de la Constitution en 2011, le pouvoir de démettre les gouverneurs et vice-gouverneurs en cas de crise persistante qui menace le fonctionnement des institutions provinciales, la même loi ne lui reconnaît pas le droit d’en nommer d’autres. Même le principe de l’acte contraire avancé par certains juristes ne résiste pas à une interprétation stricte de la Constitution. Seules les assemblées provinciales jouissent pleinement du pouvoir d’élire les ‘gouverneurs et vice-gouverneurs. Le chef de l’Etat ne se limitant qu’à les investir par ordonnance.

Autrement dit, la voie de nomination des gouverneurs dans les 21 nouvelles provinces conduit droit vers une violation de la loi fondamentale. Faudrait-il pour autant laisser ces provinces voguer dans des eaux tumultueuses, sans un capitaine aux commandes ? Là est le hic !

Il reste, cependant, une hypothèse qui s’intègre parfaitement dans le fonctionnement normal de l’administration. En effet, les 21 provinces nouvellement créées ont été auparavant des districts d’anciennes provinces démembrées. Comme district, elles relevaient de la compétence administrative et politique des commissaires de districts. A défaut d’organiser les élections des gouverneurs, les commissaires de districts sont mieux placés pour assumer les fonctions de gouverneur intérimaire. Dans la mesure où tous les commissaires de districts ont été nommés par ordonnance présidentielle, ce qui les rapproche de la Majorité, l’on ne trouverait pas d’inconvénients à activer ce mécanisme.

Poste éminemment politique, et dans le contexte actuel, l’on voit très mal la Majorité céder à cette hypothèse. C’est de la Cour constitutionnelle que pourrait donc venir l’issue.

Dans la bataille qui oppose la Ceni au gouvernement, la Cour constitutionnelle pourrait donc le départager en évoquant une situation d’urgence. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle, dit-on ! Ce n’est que par cette voie que l’on pourrait alors prédire une éventuelle nomination des gouverneurs, sans toutefois froisser la loi.

La Cour constitutionnel le résoudra-t-elle, de cette manière, l’équation à plusieurs inconnues qui se pose aux dirigeants congolais ? L’arrêt de la haute instance judiciaire du pays, fraichement mise en place est très attendu. La position de la Cour constitutionnelle sauvera le processus d’élection des gouverneurs ou consacrera le naufrage de l’ensemble du cycle électoral en cours.

LE POTENTIEL