Le Sénat, rejoint finalement par l’Assemblée Nationale après 48 heures de tergiversations, a largement balisé la voie devant conduire le peuple congolais aux élections présidentielle et législatives en 2016. L’élagage de l’alinéa 3 de l’article 8 de la nouvelle loi électorale, qui faisait du recensement et de l’identification un préalable à la tenue de ces deux scrutins, a été le résultat principal des pressions populaires sur les tenants de la modification de ce texte.
Après des morts, des blessés, des arrestations et des dégâts matériels difficiles à évaluer correctement en raison de l’étendue du gâchis, tous les regards sont à présent tournés vers la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) et plus précisément son président, l’abbé Apollinaire Malumulu. Des quatre coins du grand Congo où les masses populaires se sont mobilisées contre tout tripatouillage de la Constitution et tout glissement du processus électoral, l’on attend de cette institution d’appui à la démocratie qu’elle fixe rapidement l’opinion sur le calendrier global et inclusif, entendez celui qui devrait contenir le chronogramme intégral des élections des conseillers et chefs de secteurs, des conseillers des communes et bourgmestres, des conseillers et maires des villes, des députés provinciaux, des gouverneurs de provinces, des sénateurs, des députés nationaux et du président de la République.
L’abbé Malumalu et ses pairs de la CENI n’ont plus de prétexte pour justifier un éventuel retard dans l’organisation des scrutins selon les délais « légaux et constitutionnels».
Le souverain primaire congolais, qui vient de s’approprier son processus électoral, tient à ce que cette institution d’appui à la démocratie le fixe rapidement sur les dates où il devrait aller aux urnes, pour opérer le choix de ses futurs élus, de la base au sommet des institutions de la République. Désormais, il va marquer à la culotte le prélat qui préside aux destinées de la CENI, afin que le sang qui a coulé à Kinshasa et en provinces pour obliger les décideurs politiques congolais à respecter les textes ne le soit pas en vain.
Révision constitutionnelle ou referendum
Pour des millions de congolaises et Congolais, la victoire du souverain primaire contre les députés de la Majorité présidentielle dans la bataille de l’article 8 de la Loi électorale a été le grand tournant dans le processus électoral de 2015-2016. Car, jusqu’aux journées folles du 19 au 23 janvier 2015, l’horizon 2016, retenu constitutionnellement comme le point de chute de l’élection présidentielle, paraissait totalement bouché.
On se souvient que pour des raisons politiques (absence de soubassement juridique pour la tenue des élections) et budgétaires (insuffisances des fonds pour la conduite des opérations préélectorales et électorales), la CENI avait présenté en janvier 2014, devant l’Assemblée Nationale, un calendrier partiel limité aux élections locales, municipales, urbaines et législatives provinciales, excluant d’office la présidentielle et les législatives nationales, sous prétexte qu’elles devraient être subordonnées soit à une révision constitutionnelle, soit à un référendum populaire. Selon l’abbé Malumalu, la modification de la Constitution était le moindre mal, si les Congolais tenaient à boucler leur nouveau cycle électoral en 2016. L’option du referendum constitutionnel comportait le risque d’un lourd impact financier et d’une explosion du calendrier électoral, avec pour conséquence le renvoi des élections présidentielle et législatives nationales au-delà de 2016.
Pendant la première moitié de l’année 2014, l’idée d’organisation d’un referendum constitutionnel a fait du chemin, avant d’être abandonnée par le gouvernement, qui a fait savoir que le pays n’avait pas les moyens de porter financièrement pareille initiative. Aussitôt après, la Majorité présidentielle a appuyé à fond sur le piston de la modification de la Constitution. A un moment donné, des extrémistes de ce regroupement politique ont carrément préconisé un changement de Constitution. Pendant longtemps, la classe politique congolaise était divisée entre pro et anti-révision constitutionnelle, avec comme point focal l’article 220 limitant à deux le nombre de mandats présidentiels.
Ni les mises en garde de plusieurs pays occidentaux et leurs ambassadeurs contre tout tripatouillage de la Constitution en RDC, ni les recommandations des participants au Sommet USA-Afrique allant dans le sens du respect des textes constitutionnels à travers le continent n’ont pu fléchir les « faucons » de la Majorité présidentielle. Il a fallu la chute brutale de BIaise Compaoré en septembre 2014, à la suite du soulèvement du peuple burkinabè, pour assister à des sons discordants au sein de la famille politique du Chef de I’Etat.
Depuis lors, le front du refus de toute modification de la loi électorale, synonyme de contournement de la Constitution, n’a fait que s’élargir, au point de culminer avec les manifestations de la semaine dernière. Il est à espérer que le message du souverain primaire a été capté cinq sur cinq.
Kimp