Guerre d’usure en RDC : la politique étrangère américaine indexée

Lundi 17 août 2015 - 15:00
L‘esprit de la conférence de Berlin plane toujours sur la conception de grandes puissances occidentales, Ces pays, dont les USA, considèrent qu’ils ont un droit d’ingérence qui leur donne préséance dans l’exploitation des ressources naturelles de la RDC. Coïncidence malheureuse chaque fois que cette vision bute au refus des dirigeants congolais, il se crée une rébellion, une guerre voire une agression. Les tireurs de ficelles se recrutent à Washington. La permanence des guerres dans certaines provinces de la partie orientale de la RDC (les deux Kivu, la Province Orientale, le Katanga) depuis deux décennies poussent de plus en plus des Congolais à scruter terre et ciel pour en déterminer les causes profondes en vue d’y apporter des solutions idoines. C’est dans cette perspective que le Groupe de presse Le Potentiel. Télé Radio 7 et l’association sans but lucratif « Conscience nationale congolaise » organisent périodiquement des conférence-débats, avec des personnes ressources de tous les horizons, sur les grandes questions qui se posent en RDC. L’objectif n’étant as seulement de créer une masse critique sur le devenir du pays mais surtout de parvenir à comprendre, notamment la tragédie humaine qui se vit à l’Est de la RDC, partant de la récurrence des rébellions et autres, agressions des pays frontaliers, le Rwanda et l’Ouganda, soutenus curieusement par le bloc anglo-saxon. LES EFFETS DE BERLIN SUR LA GUERRE EN RDC C’est dans cette série de conférence-débats que le samedi 15 août 2015, à la paroisse Notre-Dame de Fatima à Gombe, que trois (3) orateurs ont échangé autour du thème « Guerre d’usure et instabilité en RDC », sus la modération de Bienvenu- Marie Bakumanya. Agamaka Mata, chercheur panafricain, a planché sur « les effets de Berlin sur l’Afrique ». A en croire ce chercheur, si le principal objet de la conférence de Berlin de 1885, organisée par 14 puissances occidentales de l’époque, a été de se partager les zones d’influence en Afrique, une de ses principales résolutions a été de faire du Congo un bien de la communauté internationale. C’est ce qui expliquerait que depuis l’accession de la RDC à la souveraineté .nationale et internationale, en 1960, les grandes puissances occidentales cherchent à exploiter ses ressources naturelles, en fonction de leurs intérêts. Il a fait remarquer qu’à chaque fois que les intérêts occidentaux ne sont pas garantis par le pouvoir en place, des guerres et rébellions surgissent. Une manière d’accéder aux ressources à moindres frais. Agamaka illustre sa thèse avec l’exemple de la rébellion du M23. Cette force négative, soutenue notoirement par le, Rwanda et l’Ouganda, a été vaincue militairement le 5 novembre 2013 mais la guerre continue dans cette partie du pays. De son point de vue, rien ne donne droit aux Occidentaux de revendiquer un quelconque droit d’ingérence dans les affaires intérieures de la RDC d’aujourd’hui, même pas les documents que les chefs coutumiers africains de .l’époque ont paraphé, soi-disant pour céder leurs terres aux blancs. Juridiquement, ces documents sont faux et n’ont aucune valeur juridique. Berlin mérite d’être revu par les Africains pour constater le faux et usage de faux des colonisateurs », a déclaré Agamaka. Dans son intervention, Freddy Mulumba, vice-président ‘au Groupe Media 7, a planché sur « Les îlots de stabilité à l’Est de la RDC et après ? ». Il a soutenu, sans ambages, que ces îlots de stabilité de la Monusco à l’Est de la RDC ne sont qu’un projet de balkanisation du pays. L’orateur a démontré le rapprochement’ entre la balkanisation du Sud-Soudan et c’est que l’ONU, par le billet de la Monusco, est en train de faire en RDC. Le transfert de 1’Etat-major de l’a Monusco à Goma en 2013, le projet de création des îlots de stabilité sans associer le gouvernement congolais, la concentration des ONG internationales à Est du pays, constituent, pour lui, des preuves de la mise en place, de manière douce, des pièces du puzzle pour parvenir à la balkanisation du pays le moment venu. Il a rappelé qu’au Sud-Soudan, c’est le même procédé qui a été opéré jusqu’au référendum consacrant la création du plus jeune Etat du monde. Aussi, Freddy Mulumba note-t-il deux contradictions dans le travail de la Monusco en RDC: les gouvernements occidentaux qui sont à la base de la guerre d’agression sont ceux qui financent ces îlots de stabilité (le cas de la Grande-Bretagne avec son agence de développement DFID); malgré la mise en place des îlots de stabilité dans les zones libérées, les rebelles continuent de tuer et les villageois abandonnent leurs terres. « Ces contradictions nous poussent à dire que la balkanisation ou l’implosion de notre pays (ndlr : RDC) que les puissances occidentales et leurs multinationales «ont pas réussi à réaliser pendant plus de 15 ans de guerre d’agression et d’occupation est en passe de se réaliser d’une manière douce avec la mise en place des flots de stabilité », a renchéri Freddy Mulumba, pointant l’inefficacité de plus de 20 000 Casques bleus dans la région. Il a ainsi interpellé les Congolais à prendre conscience de ce vaste complot contre leur pays et faire échec aux balkanisateurs. Au gouvernement, il a recommandé de suivre de près le travail de la Monusco en RDC. NON À « LAMÉRICANISATION DE LA RDC» Intervenant en dernier ressort, Antoine Lokongo, docteur en politique internationale de l’Université de Pékin, a planché sur le « Rapport entre les intérêts stratégiques américains et guerre d’usure en RDC (de 1982 à 2013) ». Précisons que ce sujet est tiré de sa thèse de doctorat défendue à l’Université de Pékin sous le titre « Rapport entre les intérêts stratégiques américains et les guerres d’usure au Congo ». Antoine Lokongo a fait remarquer d’entrée de jeu que les guerres d’usure en RDC ont pour origine quatre grandes politiques des USA, adoptées depuis la fin de la Guerre froide jusqu’en 2013. Premièrement, il a cité la politique sur le cobalt congolais (1982). Celle-ci consiste, selon lui, à monopoliser l’exploitation de ce minerai pour l’industrie américaine et a été à la base de la guerre de Kolwezi quelques années avant. Deuxièmement, lia cité le plan Bechtel rejeté par Mzee Laurent-Désiré Kabila et qui serait à la base de la guerre d’août 1998. Ce plana consiste à octroyer aux firmes américaines l’exploitation de l’essentiel des minerais de la RDC. En troisième lieu, vient la loi Obama sur l’intervention humanitaire en RDC (2006). Cette loi responsabilise la RDC qui doit garantir la sécurité à ses voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda. « Cette loi a servi de prétexte au CNDP de Nkunda Batware de lancer sa rébellion, estimant que la RDC n’était pas en mesure d’assurer la sécurité de ces pays contre les rebelles FDLR », a noté Antoine Lokongo. La quatrième politique américaine indexée est celle exprimée par l’ancien émissaire de Barack Obama dans la région des Grands Lacs, Russ Feingold, en 2013. Ce diplomate a soutenu la nécessité de réviser les frontières à l’Est de la RDC. «Le M23 a pris prétexte de cette déclaration pour justifier sa rébellion », pense Antoine Lokongo. « II y a donc une tendance dans la politique américaine au Congo qui consiste à contrôler et monopoliser les richesses du Congo et de repousser les nouveaux venus par tous les moyens nécessaires pour résoudre ses crises. Le monde change et cette politique n’est plus prometteuse », conclut l’orateur. Avant de s’interroger en ces termes: «Comment la RDC peut-elle se développer s’il y a toujours des puissances qui continuent de commanditer des guerres d’usure ? ». Adressant un message aux Américains, Antoine Lokongo rassure néanmoins que « le peuple congolais n’est pas contre l’Amérique, il est contre « l’américanisation du Congo ». L’Amérique reste et restera un partenaire incontournable de la RDC tant qu’elle soutiendra les plans d’action et les projets politique, économique, social, montés par le peuple congolais lui-même, tant qu’elle respectera le droit du peuple congolais à l’auto-détermination, le droit de gérer son propre patrimoine dont il est le premier propriétaire et, par conséquent, le premier bénéficiaire ; et tant que qu’elle respectera la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de la RDC ». UNE MASSE CRITIQUE CONTRE LA BALKANISATION SE CRÉE Venus nombreux assister à cette conférence-débat, plusieurs professeurs d’universités, intellectuels, chercheurs et étudiants ont pris la parole pour donner chacun son point de vue. Le général à la retraite Malu Malu a estimé que sans armée, la RDC ne vaut pas un pays. «Avec autant de richesses, autant de positions stratégiques, autant de voisins belliqueux, la RDÇ doit avoir une armée à la mesure de son poids », a déclaré ce breveté d’Etat-major. Il a redit sa position qu’il a toujours soutenue pour résoudre la guerre de l’Est du pays décréter un Etat d’exception dans cette partie, y dépêcher un officier général de commandement en permanence, y installer un auditorat militaire, créer une cellule militaire à la primature, permuter tous les officiers originaires des ces provinces dans les autres régions militaires. Quant au professeur Kabeya Tshikuku, il estime que la RDC repose sur deux pieds la n&ion et l’Etat. « Dans la marche de notre nation, il y a toujours un moment où un pied est devant et l’autre derrière », a dit ce professeur d’Economie politique à l’Unikin. De son avis, à l’heure actuelle, c’est la nation congolaise qui est devant et qui doit aider à la refondation de l’Etat. Puisqu’un Etat c’est une armée, une police, des cours et tribunaux, un exécutif qui a les moyens de sa politique. C’est ce qui donne chair et os à l’Etat. C’est ça l’impérium. Il faut à ce pays une armée. «Pourquoi n’avons-nous pas d’armée ?», s’est interrogé le professeur Kabeya. Il y a un contrat à remplir. Celui d’avoir une armée équipée, républicaine, à la portée des responsabilités de la RDC. Une armée n’arrive pas au hasard. Nous, avons donc une responsabilité collective d’intelligentsia à mettre en première ligne », a-t-il suggéré. Pierre Bemba, un intellectuel congolais, participant au débat, s’est interrogé en ce sens : « Est-ce que nous avons le courage de nous sacrifier aujourd’hui pour que nos petits enfants puissent profiter demain des richesses de la RDC ? ». Il a estimé que les intellectuels ont contribué au pourrissement de l’Etat congolais. Pour Michel Kitoko, un analyste indépendant, il inscrit la balkanisation comme un processus consistant à diviser certains Etats ou nations de manière à les rendre inefficaces en vue de les contrôler par la suite. «Tant que l’Etat-major de la RDC sera à 2000 km des foyers de tension à l’Est de la RDC, la guerre va perdurer. Il faut rapprocher l’Etat-major de l’armée de là où se trouve le problème, donc à l’Est », a soutenu Michel Kitoko.