
De nos jours, le monde de l’irréel semble avoir supplanté le monde du réel. Les yeux rivés sur nos téléphones toute la sainte journée, on attend voir ce qui se passe.
Paradoxe, sa force et sa faiblesse se concentrent autour d’une même caractéristique : l’accès à un contenu illimité, exempt de tout support matériel, sans aucune contrainte.
Dernièrement se sont développées des nouvelles pratiques obscures montrant les limites du système. Les sextapes sont devenues un problème sociétal en RD Congo, bouleversant nos mœurs et cultures traditionnelles.
Avec le phénomène Internet, la diffusion des images pornographiques est devenue monnaie courante. Les ébats sexuels des personnalités politiques, religieuses, culturelles sont diffusés pour la consommation du grand public sans distinction d’âge, de sexe, de religion et de culture.
Face à ce phénomène qui est de nature à ébranler notre culture pudique et réservée face à la nudité, quelles mesures peuvent prendre nos autorités pour sanctionner ce comportement et de combattre ce phénomène sociétal ?
Le phénomène des sextapes
La sextape est un nom d’origine anglophone qui vient du mot « sex » et « tape », bande enregistrée en français courant. Il s’agit en réalité du sexe diffusé sur un support magnétique. Le phénomène consiste à produire un film pornographique pour son propre plaisir (Narcissisme exaspéré) ou celui de son partenaire (exhibitionnisme moderne).
Une sextape est une vidéo érotique ou pornographique, amateure, destinée à un visionnage privé et souvent faite par des célébrités qui en sont les protagonistes (définition wikipédia).
Le phénomène social du Selfie dans les réseaux sociaux a favorisé l’arrivée des sextapes dans la société congolaise. Le Selfie sur Facebook, Whatsapp , Instagram , consiste à la mise en scène de ce que l’on est (on se prend en photos, on se filme dans des événements publics ou privées, on se filme entrain de manger, de se vêtir, de se coiffer, de danser…), on exhibe au public notre vie au quotidien qu’elle soit réelle ou apparente .
Ce phénomène touche 70% de la jeunesse congolaise vivant dans les grands centres urbains.
Cette absence des limites dans les selfies a conduit certaines personnes à exhiber leur vie sexuelle ou leur nudité. Elles sont attirées par rapport à ce qui est gardé ou interdit, une sorte de fantasme qui les poussent à franchir les limites pour plaire à son partenaire ou à soi-même dans un cadre privé.
La Diffusion des sextapes au grand public
La diffusion des sextapes au grand public pose un problème d’atteinte aux bonnes mœurs.
La personne victime est atteinte dans sa dignité humaine et de surcroit, lorsqu’il s’agit d’une personnalité publique, elle perd son honneur puisque son intimité est mise à découvert.
La personne est exposée devant toute l’humanité, ce qui peut engendrer des conséquences néfastes pour toute sa famille, son environnement professionnel et même l’Etat, lorsqu’il s’agit d’une autorité étatique (cas du vice gouverneur du Kongo central).
En RD Congo, la diffusion au grand public se fait généralement sans l’accord d’un des acteurs de la sextape. Avec des appareils intelligents, il est facilement piégé, par son partenaire ou des tierces personnes dans les lieux publics (hôtels, bars, restaurants..)
Etat actuel des sanctions en droit positif congolais
L’Etat doit contrôler les images à caractère sexuel qui portent atteinte aux bonnes mœurs.
Il faut faire une distinction entre les infractions de type classique et les infractions spécifiques qui relèvent de la Cybercriminalité.
La Rd Congo ne disposant pas d’une loi spécifique en matière de Cybercriminalité, nous allons nous pencher sur les infractions de droit commun en RD Congo et puis, sur certaines infractions spécifiques relevant de la cybercriminalité étant donné les implications d’une sextape dans plusieurs pays.
A) Outrage Public aux bonnes mœurs ( Art .175 et 176 du Code Pénal , Livre II)
L’outrage public aux bonnes mœurs peut se définir comme les faits, gestes ou habitudes qui portent atteinte à la moralité sexuelle.
L’outrage Public aux bonnes mœurs se définit en deux catégories.
L’outrage public à la pudeur (Art.176 du code Pénal) C’est le fait exposer sa nudité en public , d’exhiber publiquement les parties intimes de son corps. Par exemple, exposer sa nudité sur internet ou les parties intimes de son corps (Uriner dans un espace public, Les jeunes filles qui postent dans leur statut Whatsaap ou Facebook , ouvert au public ou aux amis, des photos d’elles en petite culotte (quasi-dénudées), poster vos propres sextapes..).
L’outrage public aux bonnes mœurs (Art.175 du code Pénal), est l’infraction qui punit l’expression de la reproduction de l’immoralité, de l’impudicité, de l’obscénité ( Bony Cizungu, les infractions de A à Z, éd .NYANGEZI,2011,P.376.)
L’acte matériel consiste à la diffusion ou la rediffusion d’une sextape sans nécessairement être l’auteur de l’acte.
Par exemple dans l’affaire de l’Evêque, il est prétendu être l’auteur de l’acte immoral dans cette sextape. Il n’est pas nécessaire que l’acte soit authentique ou un simple montage, pour que celui qui l’a diffusé, tombe sur le coup de la loi pénale.
En outre, toutes les personnes qui rediffusent cette vidéo ou la partage dans le jargon des réseaux sociaux, sont susceptibles également d’être poursuivis pour outrage public aux bonnes mœurs.
Les infractions d’outrage aux bonnes mœurs ne seront retenues que si l’acte revêt un caractère de publicité, c’est à dire que l’auteur de la publication doit avoir connaissance du caractère obscène ou sexuel de la vidéo et sa possibilité de corrompre les mœurs.
B) certaines infractions relevant spécifiquement de la Cybercriminalité
Il faudra retenir que pour tomber dans le coup de la cybercriminalité, la vidéo doit être diffusée sans le consentement de la personne concernée.
Il faut dissocier fixation de l’image (prise de la photo ou enregistrement de la vidéo) de sa diffusion. Chaque étape doit faire l’objet du consentement de l’intéressé.
En effet, une personne qui s’inscrit de sa propre volonté sur un site pornographique réservé au plus de 18 ans et poste ses sextapes avec l’accord de son partenaire ou l’échange entre partenaires de leur vidéo à caractère sexuel, ne tombent pas sous le coup de la loi pénale.
Nous allons analyser trois types d’infractions liées aux sextapes qui relèvent de la cybercriminalité.
La « Revenge porn » ou la Revanche pornographique en français
C’est lorsqu’il y a échange dans l'intimité d'un couple de photos ou vidéos à caractère sexuel. Lors d'un conflit ou après la rupture, l'un des membres du couple diffuse ce contenu par esprit de vengeance, à des proches ou sur les réseaux sociaux.
Par exemple, vous entretenez une relation extra conjugale, après votre rupture, votre concubine par vengeance envoie des photos des vos ébats sexuels à votre épouse ou membre de votre famille. Cette infraction est souvent précédée de menaces ou de chantage, la publication d'images intimes est souvent une mesure de rétorsion, après qu'un des membres du couple se soit senti maltraité.
La sextortion
La sextortion est une méthode de chantage exercée sur une personne à partir de photos et vidéos la montrant nue ou en train d’accomplir des actes sexuels. Le terme anglais est une contraction des mots sex et extortion (terme anglais qui désigne le chantage).
Par exemple, un congolais de la diaspora entre en contact avec une fille qui habite au Congo par internet et entretient une relation amoureuse à distance avec elle .Dans le cadre de cette relation, il lui envoie des vidéos ou photos dénudés et par après, la fille exerce un chantage sur lui pour obtenir un avantage quelconque (Argent, mariage …)
Le voyeurisme
Le voyeurisme est une infraction qui consiste à observer, montrer, rendre accessible ou diffuser une vidéo ou des photos à caractère sexuel, d’une personne, sans l’autorisation de cette personne et à son insu, même si elle a consenti à sa réalisation de celle-ci, alors qu’elle se trouvait dans des circonstances où elle pouvait raisonnablement considérer qu’il ne serait pas porté atteinte à sa vie privée.
Par exemple, les différentes personnes qui vont regarder la sextape de l’Evêque, qui la partagent et la commentent dans des réseaux sociaux, peuvent être poursuivies dans leurs pays respectifs (Belgique, Royaume Uni, USA) même si la RD congo ne punit par cette infraction.
Recommandations
La loi cadre 013-2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications en RD Congo, ni la loi 96/002 du 25 juin1996 fixant les modalités de l’exercice de la presse, ne disposent des dispositions spécifiques permettant de combattre la cybercriminalité. Il échet de constater qu’il y a plus en plus des infractions qui sont commises par le billet de nouvelles technologies de l’information ou dans les réseaux sociaux , elles sont de nature à porter atteinte au respect de la vie privée et au droit à l’image de beaucoup de congolais.
A titre d’exemple, la publication des sextapes, les médias politiques ( Les opinions différentes se transforment en injures faciles ,en appel à la haine tribale, en menaces de mort ), les médias culturels (obscénités récurrentes, vulgarisation des mauvaises mœurs) , les chroniques à polémique (Règlement des comptes, étalement en public de la vie privée de nos concitoyens) .
Il est plus qu’urgent que les autorités congolaises s’attaquent sérieusement à cette problématique qui dégrade nos mœurs et hypothèque l’avenir éducationnel de nos enfants. Elles doivent se doter d’une part, d’une législation spécifique contraignante en matière de cybercriminalité et d’autre part, d’une commission permettant de poursuivre à l’étranger, dans les pays à forte concentration de la diaspora congolaise, les auteurs des pratiques susmentionnées.
Me Papis Tshimpangila
Avocat au Barreau de Bruxelles et Coordonnateur de Legal politics Intelligentia