RDC - Cour constitutionnelle : La non-présence de Mabunda et Thambwe Mwamba n’est pas une condition de nullité du serment des juges constitutionnels (Prof Mbata, tribune)

Jeudi 15 octobre 2020 - 09:41
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Etat de droit en péril: Prof André Mbata demande au Président Felix Tshisekedi de récevoir le serment des trois nouveaux juges de la Cour constitutionnelle

et de prendre acte de la démission d'office des deux juges de la Cour de Cassation.

La lecture du compte-rendu d'une réunion inter-institutionnelle de mardi 13 octobre 2020 entre les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat avec le Président de la République amène à penser qu'il y aurait un complot ourdi par le FCC contre l'Etat de droit qui serait donc en péril en RD  Congo.

Cette réunion inhabituelle a permis de dégager plusieurs surprises. 

La première est une agréable surprise. L'Honorable Jeanine Mabunda et son collègue Alexis Tambwe Muamba ont réaffirmé leur attachement aux textes qui régissent notre pays alors que la violation de la Constitution et des lois était
le jeu favori et le principe cardinal de la gouvernance pendant les  18 ans de règne de l'Autorité morale". 

L'autre surprise, désagréable celle-là, est que cette réunion inter-institutionnelle restreinte  à la demande des présidents des deux chambres pour parler de la Cour constitutionnelle n'a pas connu la participation du Président de la Cour constitutionnelle, du Procureur général  près cette Cour ni du Bureau du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui pouvait représenter le pouvoir judiciaire qui est  constitutionnellement indépendant des pouvoirs législatif et exécutif.

Le fait que leur regroupement politique avait fait de la violation des textes la norme de sa gouvernance vient de nous être brutalement rappelé par le cas de Minembwe dont la création en commune rurale par décret du Premier Ministre Augustin Matata et sa légitimation par le Premier Ministre Bruno Tshibala s'étaient faites en violation de la loi en raison de l'absence d'un avis conforme de l'Assemblée provinciale du Sud-Kivu!

L'autre désagréable surprise est que les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat qui ont pourtant suivi une formation de juriste en Belgique (Jeanine Mabunda) ou au Burundi (Alexis Tambwe Mwamba)  se sont substitués aux juges de la légalité des ordonnances du Président de la République nommant les trois nouveaux juges constitutionnels et des décisions du CSM à qui ils ont voulu dénier le droit de se réunir sans informer le FCC ainsi que son pouvoir constitutionnel  de proposer au Président de la République les magistrats et juges à nommer dans les instances judiciaires. 

Prof André Mbata a donc raison de nous rappeler souvent que tout le monde n'est pas juriste et que tout juriste n'est pas forcément un constitutionnaliste.

Aucune disposition constitutionnelle ou légale ne permet au Parlement ni aux membres des bureaux des deux chambres parlementaires de remettre en cause les ordonnances du Président de la République ou les décisions du CSM qui est l' organe de gestion du pouvoir judiciaire. 

Tous les moyens, y compris les plus irréguliers, seraient donc bons pour essayer de sauver les juges Ubulu et Kilomba qui auraient rendu les plus grands services au FCC comme ses chargés des missions à la Cour constitutionnelle et qui étaient parmi les pièces maîtresses de sa stratégie de reconquête du  pouvoir en 2023.

Malheureusement, cette bataille est perdue à cause de la détermination du Président de la République à oeuvrer pour un Etat de droit.

La prochaine manoeuvre du FCC serait de s'opposer à la prestation de serment de nouveaux juges constitutionnels et d'empêcher ainsi la Cour de fonctionner.

L' Etat de droit institué par la Constitution ne saurait exister sans une Cour constitutionnelle fonctionnelle.

Le Président de la République, Chef de l'Etat  devant assurer la continuité  de l'Etat, ne peut davantage tolérer les manoeuvres sordides et surnoises des artisans de l'inanition de la Nation. Il a le devoir constitutionnel d'aider 
la Cour constitutionnelle
à fonctionner.

Cependant, avant d'entrer en fonction, les juges constitutionnels sont tenus de prêter serment.

Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat qui seraient tentés de s'y opposer sur conseil de certains charlatans en droit constitutionnel devraient savoir que leur présence n'est pas une condition de nullité du serment qui empêcherait les juges constitutionnels d' entrer en fonction. 

Le serment sera valable, qu'ils acceptent ou non l'invitation qui leur sera envoyée par le Protocole de la Présidence de la République.

Suivant l'article 10 de la Loi organique no 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, avant d'entrer en fonction, les membres de la Cour sont presentés à la Nation, devant le Président de la République, l'Assemblée nationale, le Sénat, et le CSM representé par son bureau. Ils prêtent serment devant le Président de la République qui leur en donne acte. 

Il n'est pas prévu la tenue d'un quelconque Congrès!  Aussi, la principale raison de leur présentation devant le Président de la République et les institutions représentant les pouvoirs législatif et judiciaire  tient à 
la composition de la Cour dont les neuf membres sont nommés par le Président de la République en raison de trois sur sa propre initiative, trois sur l'initiative du Parlement réuni en Congrès. Les juges constitutionnels leur sont présentés pour qu'ils les (re)connaissent et les ...applaudissent! C'est tout ce qu'on attend de l'Assemblée nationale, du Sénat et du CSM. Aucun vote n'est prévu. Leur présence est protocolaire. L'absence de la Présidente de l'Assemblée nationale et du Président du Sénat - mais il y aura toujours des Députés nationaux et des Sénateurs qui répondront à l'invitation du Président de la République au Palais du Peuple,  au Palais de la Nation ou même au Palais de Justice! - n' y change rien.

L'institution capitale est le Président de la République devant qui les juges constitutionnels prêtent serment et qui leur en donne acte. Ils entrent alors en fonction, peu importe que les présidents  de l'Assemblée nationale et du Sénat aient ou non assisté à la prestation de serment.

C'est la raison pour laquelle le constitutionnaliste  Andre Mbata demande instamment au Président Félix Tshisekedi de ne pas succomber aux charmes des tambourinaires ou des thuriféraires ni aux  sirènes des chantres de l'inanition de la Nation qui cherchent par tous les moyens à mettre l'Etat de droit en péril
en empêchant le fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

Pour ce faire, le Chef de l'Etat n'a que faire des gesticulations des présidents  des deux chambres. Il devrait défendre l'Etat de droit et s'organiser pour recevoir le serment des trois nouveaux juges constitutionnels pour leur permettre d'entrer en fonction.

Quant aux anciens juges constitutionnels Ubulu et Kilomba qui ont mis leurs carrières "en berne" et ont refusé de prêter serment comme juges à la Cour de Cassation pour des raisons qui leur sont propres,  en bon père de famille et selon les principes de l'Etat de droit, le Président de la République devrait les  aider à commencer de nouvelles carrières en signant une ordonnance prenant acte de leur démission d'office.