Concurrence déloyale entre ports publics et ports privés : Brice Umba plaide pour l’opérationalisation rapide de la Haute autorité portuaire (interview)

Vendredi 30 avril 2021 - 18:55
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7SUR7

Le patron de Logistics Import-Export (LIMEX) Brice Umba a répondu ce vendredi 30 avril 2021 à un certain nombre de questions de 7SUR7.CD portant sur les défis logistiques lors des opérations d’import/export en République Démocratique du Congo (RDC).

D’entrée de jeu, ce cadre de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) estime que sur les dossiers sensibles notamment le Pont route-rail entre Kinshasa et Brazzaville et celui du Port en eau profonde de Banana, le président de la République a fait preuve d’un leadership exemplaire en privilégiant les intérêts vitaux de la nation qui passent par la préservation des intérêts de la province du Kongo Central.

Sur la question de la construction du Pont route-rail Kinshasa-Brazzaville, ce notable Ne-Kongo pense que ce projet panafricain est à la fois une menace et une opportunité pour la RDC en générale et la province du Kongo Central en particulier. Il propose dans ses éléments de réponse des mécanismes par lesquels ce projet controversé peut se transformer en opportunité pour la RDC et le Kongo Central.

Brice Umba est aussi préoccupé par l’avenir des ports publics qui subissent une forte concurrence des ports privés. Cet expert plaide pour l’installation rapide de la Haute autorité portuaire. 

B. Umba s’est aussi penché sur l'importance de construire des ports secs à travers le pays en vue de désenclaver certaines provinces. Pour cet expert en Logistique, les ports secs, grâce à leurs nombreux avantages, sont des accélérateurs de développement. 

Brice Umba a aussi relevé le fait qu’il est impérieux de relancer la Compagnie Des Voies Martimes (CVM), entreprise vitale pour sa ville de Boma.

(Ci-dessous, l'intégralité de cette interview)

7SUR7: Vous êtes expert en solutions logistique Import/Export, pensez-vous que les ports secs, à l’instar de celui de Kasumbalesa dans le Haut-Katanga, sont-ils vraiment indispensables au développement de la RDC ?

B. Umba:  Oui, ils sont un accélérateur de développement pour les provinces enclavées et donc pour la RDC car composée des provinces. Les ports secs jouent les rôles que joueraient les ports connectés aux cours d'eau. Ils sont des infrastructures d'appui aux chargeurs et d'intégration sous-régionale. À la seule différence, les ports secs sont connectés par les routes ou les chemins de fer. L'importance de ces ports c'est de favoriser la présence des plateformes logistiques pour faciliter leur dédouanement et le groupage de tous les services qui participent au commerce extérieur et avec possibilité d'une mise en place du guichet unique.

7SUR7: Pour ou contre la construction du pont route-rail Kin-Brazza ?

B. Umba: Le pont route-rail est à la fois une menace et une opportunité pour la RDC en général et la province du Kongo Central en particulier. Les menaces sont notamment la perte de la souveraineté du pays car certaines cargaisons stratégiques pourront descendre dans les ports voisins, avec tout ce que cela comporte comme risque. L’autre menace est d’ordre économique parce que si ce pont est construit avant le port en eau profonde de Bananga, il faut redouter la baisse des recettes publiques: le péage notamment va connaître une baisse. Conséquence : les ports de la RDC Matadi et Boma vont connaître aussi une baisse d'activités. Ce qui va impacter d’autres secteurs économiques comme l'hôtellerie. Cette baisse de l’activité entraînera l’exode rural. Des villageois, riverains de la national numéro 1, vont éprouver des difficultés économiques qui les pousseront vers Kinshasa. Les villes de Boma, Matadi risquent de se transformer en grands villages. Par contre, si le port en eau profonde est construit avant le pont route-rail, il y aura plusieurs opportunités. Je pense notamment à la réduction des coûts de passage des marchandises dans les ports en eau profonde des pays voisins. L’autre avantage, c’est la réduction du fret maritime par suppression de rupture de charge pour les conteneurs. Tenant compte de la démographie, les cargaisons des pays voisins peuvent être déchargées à Banana et pour le cas de Brazzaville, elles pourront être transférées soit par la route nationale 1 en passant par « le pont-route-rail » alors ce pont sera une opportunité. Donc, il faut d'abord construire le port en eau profonde avant le pont Kin-Brazza.

7SUR7: Le projet du port en eau profonde de Banana verra-t-il vraiment voir le jour? Est-il indispensable pour le Kongo Central et la RDC ? 

B. Umba: Cette question a une partie de sa réponse dans la question précédente. Ce port est très important pour l'hégémonie de la RDC car ce port peut devenir un hub pour l'Afrique Centrale. Ce port pourra voir le jour. Il faudrait de la bonne volonté politique, et je pense que le président de la République Félix Tshisekedi fait montre d’un leadership efficace sur ce dossier en privilégiant les intérêts provinciaux et nationaux. Et ses orientations doivent servir de ligne directrice lors des négociations. Il est question de mettre en place l'autorité portuaire pour bien défendre les intérêts de l’Etat congolais. Ce port est indispensable non seulement pour le Kongo Central mais aussi pour la RDC. Ce projet verra le jour, il faut seulement bien négocier le contrat de concession.

7SUR7: Quelle stratégie faut-il mettre en place pour lutter contre les ports maritimes privés qui feraient une concurrence déloyale aux ports publics ?

B. Umba: La meilleure approche ne serait pas de lutter contre les ports privés. Il faut seulement accélérer la mise en place d’une autorité de régulation des activités portuaires en RDC. Cette autorité va faire asseoir l'activité, l'assurance de la sécurité et la sûreté des installations portuaires, évitant aussi toute concurrence déloyale.

7SUR7: Comment relancer la Compagnie des voies maritimes (CVM) ? 

B. Umba: Les activités de la CVM sont utiles pour la province du Kongo Central en général et la ville de Boma en particulier. J’attache donc une importance particulière à la relance de la CVM car de sa vigueur dépendra le sort de ma ville de Boma, une agglomération portuaire.
S’il faudrait suggérer quelques points pour relancer la CVM, il s’agit notamment de :
- l’annulation du contrat de dragage en cours entre Dredging International et la CVM du fait de l’achat de la drague « Felix » de meilleure capacité que celle utilisée pour le dit contrat; 
- Rajeunissement et  formation du personnel (la relève) en ce qui concerne l’utilisation des nouvelles acquisitions y compris la nouvelle drague; 
- Structurer un programme de paiement des décomptes finaux des retraités afin d’éviter des effectifs pléthoriques que l’on paie tout les mois sans pour autant travailler parce que cela cause un impact négatif sur la masse laborieuse.

7SUR7: On en est où avec le processus de renouvellement des équipements de la CVM devenus vétustes ?

B. Umba: L’acquisition de la drague Felix par le gouvernement pour la CVM a pu la relancer avec des nouveaux revenus qui varient mensuellement entre 1,8 et 2 millions de $ dû aussi au fait que la nouvelle redevance additionnelle et conventionnelle d’appui au dragage, dénommée “RACAD” constituée de la quote-part supplémentaire de recettes additionnelles mises à la disposition de la CVM. Ce qui facilitera l’acquisition d’une drague toute neuve, ainsi que ses équipements connexes.