Parc des Virunga - Causes des arrestations "irrégulières" des pêcheurs Congolais sur le lac Édouard ? Voici l’avis d’un expert 

Jeudi 9 décembre 2021 - 15:00
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7sur7

Les arrestations des pêcheurs Congolais par la marine Ougandaise sont récurrentes sur le lac Édouard, dont une partie est située dans le parc national des Virunga (PNVi). Ces arrestations les conduisent souvent à de longs et pénibles emprisonnements au Pays de Yoweri Museveni Kaguta.

Pour justifier ces arrestations, les autorités Ougandaise affirment que des pêcheurs Congolais violent la frontière liquide entre la RDC et l’Ouganda. En clair, ils accusent des pêcheurs Congolais de pêcher de leur côté du lac Édouard, que partage RDC et Ouganda.

Pour comprendre cette situation, 7SUR7.CD a interrogé le jeudi 25 novembre 2021, un expert du Parc National des Virunga qui a réalisé une étude d’analyse théorique et cartographique de cette situation qui est à la base des tensions entre Kinshasa et Kampala.

D’après les résultats de l’étude de cet expert dont le rapport a été partagé par les autorités au niveau provincial et national, c’est l’interprétation erronée des frontières par l'Ouganda qui conduit à l’arrestation des marins Congolais. Selon ce rapport, la rivière ISHASHA, qui sépare la RDC de l’Ouganda, a dévié de son lit de près de 7 Km à l’intérieur des terres Congolaises, suivant le ruisseau KIYERA avant de se jeter dans le Lac Édouard. Cette sortie du lit de la rivière Ishasha a été causée par l’activité intense des hippopotames, explique-t-il. Le lit a dévié mais les pêcheurs ont gardé leurs habitudes, leurs repères sur le lac à partir de l’ancien lit. Or les Ougandais ont de manière unilatérale élargi leur souveraineté sur le lac à partir du nouveau li.

"Il y avait eu beaucoup d'activités des hippopotames sur la rivière ISHASHA, la rivière qui constitue la limite d'Etat entre la RDC et l'Ouganda. Cette activité intense des hippopotames a eu lieu juste à quelques kilomètres avant que la rivière Ishasha se jette dans le lac Édouard. Cela a conduit à la déviation du lit de la rivière Ichacha vers la partie congolaise à une distance de près de 7 kilomètres. Cela a eu un impact sur la limite virtuelle entre nos deux Etats. Car, normalement, cette déviation de la rivière ne constitue pas une déviation de la limite de deux Etats parce que les textes qui délimitent les 2 pays ne parlent pas de la rivière comme limite mais plutôt du talwheg de la rivière ISHASHA. Même si l'eau a cessé de couler dans ce Talwheg et qu'elle a pris une autre direction, le thalweg qui constituait le lit de la rivière est encore visible. Donc, c'est celui-là qui doit être considéré comme limite d'Etat. Car les textes ne parlent pas de l'eau mais plutôt du thalweg", affirme-t-il.

Toutefois, en dépit de cette réalité, l'Ouganda a toujours considéré comme limite d'Etat, une partie imaginaire, celle quittant vers la déviation actuelle de la rivière jusqu'au "point X" dans le grand Nord-Kivu à quelques 7 kms de distance.

"Dans cette partie-là qui constitue le décalage entre les 2 lignes qui constitueraient la limite, il y a des arrestations qui se font. Ça fait que les Ougandais, au lieu de prendre la limite légale de référence issue de l'ancienne embouchure de la rivière Ichacha, ils considèrent la ligne virtuelle qui passe par la nouvelle rivière (rivière déviée). Comme des pêcheurs Congolais continuent de considérer la limite lacustre issue de l'ancien lit de la rivière, ils se font parfois arrêter dans cette zone litigieuse entre la "nouvelle limite" et l'ancienne limite", renchérit-il.

Se basant sur ces faits, la nécessité de baliser le lac Édouard à partir de l'ancienne limite légalement reconnue, c'est-à-dire l'ancienne embouchure de la rivière Ichacha. Cela évitera, que les Congolais se fassent régulièrement arrêter sans raison et dissuadera, par contre, l'Ouganda de créer une limite virtuelle qui part d'un mauvais point de repère. 
Le lac est plus profond du côté Congolais que du côté Ougandais, d’après un autre expert. Conséquence le lac est plus poissonneux quand on se dirige vers l’Ouganda. D’où l’importance de bien délimiter la frontière pour que la RDC récupère sa limite.

À signaler qu’en août 2021, la RDC et l'Ouganda avaient tenu une réunion de démarrage de la 2e phase des patrouilles conjointes sur le lac Édouard. Les représentants de ces 2 États s'étaient même accordés de réduire les interpellations parfois brutales qui visent des pêcheurs Congolais.

Même si on note une importante avancée dans ce sens, avec la diminution des arrestations ainsi que la libération d'un grand nombre des pêcheurs Congolais par Kampala, la marine Ougandaise continue d'interpeller des Congolais.

I.M.