A quoi sert l’assemblée provinciale de Kinshasa ? [Enquête, Volet 1]

Lundi 15 août 2022 - 07:51
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Le 10 mars 2021, le président Félix Tshisekedi avait personnellement levé les blocages qui retardaient la réhabilitation du marché central de Kinshasa. A l’issue d’une séance tenue à l’Hôtel de ville avec les différentes parties concernées par ce chantier, le chef de l’État avait pris trois décisions reprises dans un article du site www.adiac-congo.com sous la plume de Lucien Dianzenza : le lancement illico presto du chantier de construction, la résiliation du contrat de ce chantier attribué précédemment à un entrepreneur libanais et, dernier point, la mise en place d’une commission pour vérifier la légalité du marché passé auparavant. Par ces décisions, le président de la république ne s’était-il pas arrogé les prérogatives naturelles de l’assemblée provinciale de Kinshasa ? À ce sujet, combien de Congolais connaissent les rôles dévolus à cette institution ? Très peu, trop peu. Qu’y a-t-il au-delà de ses querelles politiciennes qui finissent parfois devant les tribunaux ? Personnage fantasque à la chaire de son église évangélique, Gode Mpoy est-il l’homme de la situation au sommet d’une ville où tous les maux du pays sont exacerbés ? Enquête à quatre volets de la rédaction de 7sur7.cd avec notamment un décryptage du budget et une interview sans fard du président de l’assemblée provinciale.

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L’assemblée provinciale est à la ville de Kinshasa ce que l’assemblée nationale est à la RDC. À cette différence que l’exécutif, c’est-à-dire le gouvernement provincial, est composé d’une partie de 44 députés provinciaux élus plus 4 autres qui ont été cooptés par les chefs coutumiers. La gestion quotidienne de la ville est ainsi dévolue à un gouverneur qui « avant d’entrer en fonction,  présente à l’assemblée provinciale le programme de son gouvernement » selon l’article 23 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces. Une fois le gouvernement investi, l’article 40 de cette loi précise que « l’assemblée provinciale est habilitée à exercer un contrôle à priori et à posteriori sur certains actes déterminés du gouvernement provincial ».

Droits tiers

Les résolutions prises par les députés provinciaux sont appelées « édits » et concernent les matières suivantes (article 35 de la loi précitée) :

1. le plan d’aménagement
2. la fonction publique provinciale et locale
3. la dette publique provinciale
4. les finances publiques provinciales
5. les emprunts intérieurs
6. les travaux et marchés publics d’intérêt provincial et local
7. l’enseignement maternel, primaire, secondaire et professionnel
8. l’établissement des peines d’amende ou de prison pour assurer le respect des édits en conformité avec la législation nationale
9. les taxes et les droits
10. la production de l’eau pour les besoins de la population
11. la planification provinciale

Cette énumération des matières confiées à la ville province de Kinshasa mériterait toutefois des éclaircissements pour ne pas charger à tort cette entité territoriale. C’est le cas notamment de l’enseignement maternel, primaire, secondaire et professionnel dont l’intervention de Kinshasa devrait se limiter à la construction, la réhabilitation des écoles, la fourniture des bancs, la sécurité, l’hygiène, les soins de santé primaire au sein des établissements. Il va de soi que l’élaboration des programmes tout comme le recrutement et la rémunération du personnel administratif et enseignant relèvent de la responsabilité du gouvernement central.

En consultant, les édits pris par cette assemblée provinciale, une matière est totalement absente : la production et la fourniture de l’eau potable. Toutes les récriminations qui sont formulées à ce sujet visent l’entreprise publique Régideso alors que le législateur a confié également à l’assemblée provinciale la charge de l’accès à l’eau potable. Il ne s’agit certainement pas de créer une entreprise parallèle à la Régideso mais de veiller, par une politique conséquente et forcément en collaboration avec cette entreprise publique, à ce que l’accès à l’eau potable soit effectif et d’une manière permanente. Le sujet n’a pas, une seule fois, paru dans les questions abordées par Godé Mpoy, Gentiny Ngobila et leurs 46 collègues élus et cooptés.

Le budget seul en cause ou également un problème des mentalités ?

On peut douter des compétences du gouverneur Gentiny Ngobila mais pas de son sens de la formule : « Kin Bopeto » et « Kinshasa zéro trou » annonçaient deux programmes ambitieux censés rendre à Kinshasa sa splendeur et éliminer les nids de poule de toute la voirie de la capitale. Le président de l’assemblée provinciale Gode Mpoy, dans l’interview accordée à notre site, soutient que toutes les montagnes des immondices ont disparu, ce qui correspondrait à cacher la poussière sous le tapis. Et si on faisait témoigner les amortisseurs des véhicules, sûr qu’ils diront que « Kinshasa zéro trou » n’a été qu’un slogan, un de plus.

La compétence se juge principalement sur la capacité à tirer le maximum et le meilleur des moyens dont on dispose, qu’ils soient exceptionnels ou infimes. Quand on fait le monitoring des débats à l’assemblée provinciale, la chasse aux sorcières avec recours aux tribunaux et aux motions dites alimentaires sont les éléments caractéristiques de la « vitalité démocratique » de cette assemblée.

Au delà de ce qui paraît d’emblée, la rédaction de 7sur7.cd s’est penchée sur le fonctionnement de l’assemblée provinciale de Kinshasa avec cette interrogation : à quoi sert-elle ? Le budget a été décrypté, la vie parlementaire analysée et la parole a été donnée à Gode Mpoy qui a livré une analyse sans concession dans un style qui épouse bien les contours des controverses et des questionnements que sa personalité suscite.

Une enquête réalisée par : Christelle Insiwe, Gloria Mbuya Mutala, Botowamungu Kalome, Merveil Molo et Moïse Dianyishayi