Les avocats de Stanis Bujakera pensaient avoir remporté une victoire lorsqu'ils ont obtenu du tribunal l'autorisation de faire intervenir une contre-expertise pour vérifier les éléments avancés par le ministère public, présentés comme des indices de culpabilité à l'encontre de leur client.
Toutefois, la surprise fut grande lorsqu'il a été révélé que les deux experts proposés ont été écartés, le tribunal préférant désigner un autre expert, en l'occurrence Kabambula Mulowayi Yansen. Ce dernier, se présentant comme un expert en outils informatiques agréé et assermenté près le tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe, n'a pourtant laissé aucune trace de son expertise sur les moteurs de recherche tels que Google.
Ce « spécialiste » est chargé par le tribunal d'examiner l'adresse IP attribuée par le ministère public au téléphone de Stanis Bujakera, soupçonnée d'avoir servi à la diffusion d'un prétendu "faux rapport" de l'Agence nationale des renseignements (ANR). Ses missions incluent l'identification de l'auteur et de ses complices présumés, l'analyse des téléphones et des données numériques, la comparaison des signatures et des cachets sur ledit rapport pour déterminer son authenticité, ainsi que le déchiffrement des images, sons et vidéos depuis leur création jusqu'à leur transmission, en fournissant un rapport à cet effet.
Le tribunal avait également ordonné à l'Agence Nationale de Renseignement (ANR) de produire le spécimen du vrai sceau de l'Agence et de la signature du responsable du Département de la Sécurité intérieure.
Lors de l'audience de ce vendredi, le tribunal a constaté que l'ANR n'avait pas répondu à son instruction. Aussi, il a informé les avocats que l'expert désigné avait déjà entamé son travail et a proposé un délai supplémentaire d'une semaine. Les avocats de Stanis Bujakera ont exprimé leur étonnement face au fait que la mission de contre-expertise ait été confiée à un expert qui est également greffier assermenté devant le même tribunal, remettant en question son indépendance. De plus, Kabambula Mulowayi Yansen n'a pas été présenté lors d'une audience publique.
"Personne ne peut attester de ses compétences pour la mission qui lui a été assignée jusqu'à présent", a déclaré Charles Mushizi, avocat du journaliste. Citant les missions confiées par le tribunal, les avocats ont souligné que cet expert devait démontrer des compétences en réseaux informatiques, télécommunications, analyse des données numériques et audiovisuelles pour répondre efficacement aux tâches qui lui ont été confiées. Le ministère public a également estimé que la personne désignée manquait de compétence et d'outils appropriés. Il a également prétendu que l'outil nécessaire pour les analyses coûterait 20 000 USD, alors qu'il avait déclaré précédemment qu'il valait 14 000 USD. "Nous ne donnerons pas le nom de l'outil ici car il y a des espions", a-t-il soutenu, promettant de présenter devant le tribunal, lors de la prochaine audience, des experts qui ont établi les faits incriminant le journaliste.
Le ministère public a également accusé le journaliste de retarder la procédure. « Vous n’y échapperez pas », lui a-t-il lancé. Il a également critiqué l'enquête menée par le consortium Congo-holdup, dénonçant ce qu’il appelle incohérences et des mensonges: « Le journaliste a boutiqué une enquête avec ses amis de RSF. Nous avons lu des incongruité et des mensonges. Nous attendons le plaidoyer et nous allons tout démonter », a t-il dit.
Les révélations faites par les médias membres de Congo-holdup ont été mal accueillies : "Le journaliste cherche à distraire l'opinion avec ces enquêtes. Nous avons dépassé le stade des indices, nous avons les preuves de sa culpabilité. Ses enquêtes dans les médias entravent le travail du tribunal et visent à désorienter le public et le juge".
Concernant les réponses de Meta et de Telegram affirmant l'impossibilité de tracer un message via leurs plateformes à travers les métadonnées et les adresses IP, le ministère public a critiqué avec véhémence les porte-parole de ces sociétés, les qualifiant de "boulangers se présentant comme experts", allant jusqu'à les accuser de « frôler la démence ». Le tribunal a annoncé que la prochaine séance est fixée au 22 décembre. Il a aussi annoncé qu’il se prononcera dans 48 heures concernant la nouvelle demande de liberté provisoire.
Tiré d’Actualité.CD