La République démocratique du Congo vibre au rythme de la campagne électorale pour les scrutins du 20 décembre 2023 lancée il y a deux semaines. A mesure que les jours passent, Moïse Katumbi est perçu, y compris par le camp au pouvoir, comme le principal, sinon un des principaux challengers du président sortant, candidat à sa propre succession.
Parmi tant des faits observables de cette campagne, il y a, entre autres, les postures discursives des candidats, notamment celles de Moïse Katumbi. Aux allures d’un maestro face à sa chorale, micro à la main, il entonne « VAR », et ses fanatiques répondent en chœur « vidéo ». Ce, avant de leur poser des questions essentiellement fermées sur des sujets sociaux (y a-t-il des routes construites ici, fourniture d’eau et du courant électrique, emploi des jeunes, etc. ?). Sans appel, les réponses faisant chorus sont négatives.
Ce procédé rhétorique de Katumbi constituerait une technique de manipulation ou de persuasion, c’est selon, visant à déconstruire et à susciter la non-adhésion ou, carrément, le rejet par les électeurs du slogan de campagne du président sortant, axé sur la « consolidation des acquis ». Rappelons que « la métaphore est une figure de style, dont le principe est d’associer un terme à un autre appartenant à un champ lexical différent, afin non seulement de décrire une chose, mais aussi de lui donner une valeur de compréhension ou d’expérience plus forte et riche que si l’on s’en tenait à une description sommaire ou si l’on procédait par simple comparaison » (Antoine Bioy et alii, 2016. Au travers du VAR(vidéo), le candidat Katumbi, président d’un club omniports en RDC, s’emploie à susciter des interactions avec des foules qu’il dispose à s’ériger en une instance d’attestation de la « vérité » du vécu social au sein de leurs entités, dont la réalité est partiellement peinte, dans un jeu questions réponses.
De la sphère footballistique, l’assistance à l’arbitrage vidéo (VAR/ Video Assistant Referee) est un dispositif visant à aider les arbitres à prendre les décisions adéquates sur les terrains. Cet outil, autorisé en 2018, vise à favoriser plus de précision aux décisions de l'arbitre qui y recourt pour s’en convaincre. Dans le contexte électoral congolais, ce dernier désigne les électeurs dont le recours au VAR permettrait de revoir au mieux les dynamiques sociales à la pluralité évidente depuis 2019 pour voter sans s’induire en erreur. Cette métaphore dans un pays de football à l’instar de la RDC ne laisse point de marbre les publics de Katumbi, lui qui s’inscrit dans une implicature conversationnelle pour une remise en cause de l’existence des acquis à impact visible et palpable des cinq ans de présidence de Félix Tshisekedi.
Dès lors, sans efforts particuliers d’explications détaillées dans une rationalisation laissant jaillir la verve oratoire, Moïse Katumbi ose construire un ethos de rapprochement avec ses publics, particulièrement ceux des provinces autres que son fief ( ?) du grand-Katanga. A cet effet, se fondant sur son image musicalement construite de « l’homme qui aime les gens », il insiste sur son expérience d’homme d’affaires et d’ex-gouverneur pour rassurer quant à sa capacité de donner satisfaction aux besoins sociaux persistants des populations en dépit du Programme de développement local des 145 territoires dont le niveau d’exécution serait, non sans raisonspeut-être, disproportionné à travers le pays.
Plutôt que de s’inscrire dans une insistance intrigante, dans certains milieux, à propos de la nationalité de Moïse Katumbi, pourtant détenteur d’un passeport congolais, et dont la candidature a été validée par la cour constitutionnelle, les communicants de Félix Tshisekedi n’auraient pas tort de considérer à sa juste valeur la métaphore sportive du VAR à reprendre à leur propre compte pour présenter rigoureusement, au-delà des mots, les réalisations du Président de la République ainsi que leurs incidences sur le vécu des populations évaluées à plus de cent millions d’habitants.
Somme toute, il y a lieu d’affirmer à la suite de Harith Kadhim HASAN (2020) que « la métaphore (est) une arme majeure dans le discours politique et un outil important dans le langage politique ». Le VAR (vidéo) de Moïse Katumbi, visant à contester et à faire contester les « acquis » pour la consolidation desquels Félix Tshisekedi veut un second mandat, mérite attention et analyse à des fins tant scientifiques que politiques.
Lembis Tini (PhD)