Le chaos du projet minier de lithium-étain de Manono s'éternise, avec la société minière junior australienne AVZ Minerals, principal provocateur des troubles, montrant des signes d'épuisement et au seuil de la faillite, payant un lourd tribut pour ses actes illégaux et frauduleux au Congo. Ce fiasco pourrait bien servir de leçon dans les amphithéâtres des écoles de commerce, rappelant aux aspirants aventuriers que la prudence est la clé de la pérennité.
Les personnes même légèrement informées sur le projet de lithium-étain de Manono savent que la société AVZ est empêtrée dans des litiges juridiques avec tous les actionnaires de la JV Dathcom, le gouvernement congolais, et l'entreprise d'État Cominière, englobant des affaires tant nationales qu'internationales, commerciales que pénales. Ce marasme a même conduit à la condamnation de Monsieur Graeme, envoyé par AVZ pour servir de directeur général chez Dathcom, à une peine de prison ferme de trois ans, le forçant à fuir vers l'Australie, évitant soigneusement tout retour sur le sol congolais.
Néanmoins, AVZ a récemment proclamé avec grand bruit sur l'ASX une " victoire majeure" obtenue lors d'un arbitrage auprès de Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements(CIRDI), affirmant la “récupération” du droit minier pour continuer les travaux d'exploration qui durent depuis sept ans, et exigé du gouvernement congolais l'octroi immédiat d'un Permis d'Exploitation, laissant présager un redémarrage imminent de la cotation de ses actions.
Dans la foulée, AVZ a dévoilé des données d'exploration précieusement gardées dans son coffre-fort, annonçant un doublement des ressources du gisement Roche Dure dans la partie sud du projet de Manono, prévoyant ainsi une valorisation en forte hausse pour l'entreprise.
Cette suite de bonnes nouvelles semblait montrer une société AVZ puissante et en bonne santé, sortant définitivement du bourbier des litiges sur les actions, pour s'élancer vers de nouveaux sommets.
Cependant, la réalité s'est chargée de refroidir l'ardeur des investisseurs.
Tout d'abord, le Tribunal d'arbitrage de CIRDI a recommandé au gouvernement congolais de rétablir à Dathcom le Permis de Recherches du projet de Manono. Mettant de côté le caractère provisoire de cette mesure et l'incertitude quant à son acceptation par les autorités congolaises, les conditions associées sont de nature à décourager les investisseurs. En effet, si la décision arbitrale finale valide l'annulation du Permis deRecherches de Dathcom par le gouvernement congolais, alors AVZ s'engage à renoncer à tous les investissements précédemment réalisés et à indemniser le gouvernement congolais pour tout dommage économique supplémentaire que ce dernier pourrait réclamer et que le tribunal pourrait ordonner.
Ensuite, dans l'annonce faite par AVZ le 31 janvier, un détail révélateur était dissimulé dans un coin du document : à la date du 31 décembre 2023, la trésorerie d'AVZ s'élevait à seulement 6,4 millions de dollars australiens (environ 4,2 millions de dollars américains). De surcroît, AVZ doit encore 1,3 millions de dollars américains de frais juridiques à un cabinet au Congo, et en raison du non-paiement de ces frais, les comptes bancaires de Dathcom ont été saisis, et les parts détenues par AVZ dans Dathcom ont été saisies et pourraient être vendues aux enchères.
Une autre nouvelle qui pourrait échapper à l'attention des Congolais est le report par l'éminente institution d'investissement Actuity Capital de l'accord de souscription d'actions d'AVZ, initialement prévu pour mars 2024, désormais repoussé à janvier 2027. Le capital est naturellement attiré par les profits et repoussé par les risques, et la décision de cette institution reflète leur évaluation discrète mais sans équivoque : les actions d'AVZ présentent un niveau de risque élevé.
La révélation de la vérité permet de comprendre pourquoi AVZ a choisi ce moment pour divulguer ses données d'exploration précieusement gardées : l'intention est de redynamiser la confiance des investisseurs et de renforcer sa position dans les arbitrages et négociations. Cependant, cette démarche a involontairement mis en lumière de nombreux problèmes chez AVZ :
La dissimulation malveillante du volume des ressources pour minimiser le pas de porte, les redevances et les royalties, constitue une fraude envers le gouvernement congolais et l'entreprise d'État Cominiere ;
La gestion monopolistique de la joint-venture par AVZ, masquant sciemment la quantité des ressources aux actionnaires et au public, avec une absence criante de transparence dans la divulgation des informations, transgresse sévèrement l'accord de joint-venture ainsi que les exigences de divulgation de l'ASX ;
Le dossier de faisabilité présenté au Ministère des Mines en 2020 s'avère être un document frauduleux, et les prétentions d'AVZ selon lesquelles le gouvernement congolais doit lui délivrer un Permis d'Exploitation, s'apparentent à une tromperie envers les actionnaires, les investisseurs et le tribunal d'arbitrage de CIRDI.
L'architecte des stratégies d'AVZ et de Dathcom, Monsieur Nigel Ferguson, est pleinement conscient du caractère périlleux de cette démarche, mais se trouve dans l'obligation de l'entreprendre. Outre ces informations divulguées publiquement, une source fiable a révélé que Nigel Ferguson a envoyé une lettre à l'entreprise publique Cominière, adoptant un ton humble pour faire état de la situation, tout en invitant Cominiere à se joindre à lui dans la "défense des actifs miniers de Dathcom". Un détail risible trahit toutefois l'arrogance dissimulée derrière cette humilité affichée : dans sa correspondance, il désigne le directeur général de Cominiere, en poste depuis juin 2023, comme un "Directeur Général ai".
Tout en proclamant avec véhémence sa soi-disant victoire en arbitrage, AVZ tend une branche d'olivier, dans une posture de soumission, à l'entreprise publique du Congo. Cette attitude à double facette dissimule la réalité précaire dans laquelle se trouve AVZ.
Christian Kakule