Débora Kayembe est une figure polyvalente dont l'influence s'étend bien au-delà des frontières de la République démocratique du Congo. Avocate de formation, elle a enrichi son parcours avec des études en diplomatie et linguistique, maîtrisant cinq langues : le français, l'anglais, le swahili, le lingala et le kikongo. Son engagement humanitaire a débuté à l'âge de 19 ans et s'est perpétué à travers des actions en faveur des droits de l'homme. Aujourd'hui, Débora Kayembe est reconnue mondialement comme une activiste politique influente, alliant son expertise juridique à une passion pour la justice sociale.
Dans une interview à 7SUR7.CD le lundi 5 août 2024 à Lubumbashi, la professeure Débora Kayembe explique que sa campagne lancée sur le "Congo profond" s'étend sur une période de deux ans et couvre les 26 provinces de la RDC. Cette initiative vise, a-t-elle martelé, à établir un contact direct avec les différentes régions du pays. Après avoir commencé dans le Grand Katanga, notamment à Lubumbashi dans le Haut-Katanga et Kolwezi dans le Lualaba, la campagne a récemment achevé une étape à Kamina dans le Haut-Lomami. Elle souligne que les prochaines étapes incluront Kalémie, le Grand Kivu, l'Ituri, Kinshasa, les deux Kasaï, le Bandundu, le Congo central, et enfin l'Équateur.
Pour Débora Kayembe, cette campagne est l'occasion de renouer avec son pays d'origine après une absence de 20 ans. Elle utilise cette opportunité pour partager son expérience et sa vision des concepts de "Justice, dignité et respect" avec les populations locales. La campagne ne se limite pas à un simple dialogue, mais s'inscrit dans une série de masterclass où la professeure Kayembe explore comment ces termes sont perçus et appliqués dans les contextes locaux des participants.
Lors de ses visites, Débora Kayembe a constaté des conditions de vie précaires dans certaines villes comme Kamina, où l'absence de supermarchés et de routes asphaltées est frappante. Ses observations incluent une grande pauvreté et des infrastructures sous-développées, contrastant avec ses souvenirs d'une RDC plus développée. En visitant Kinshasa, elle a noté une insalubrité alarmante, tandis qu'à Lubumbashi, bien qu'il y ait des signes d'amélioration, la mauvaise gestion politique de la jeunesse est préoccupante.
"On ne construit pas un pays sur des fins politiques. On construit un pays sur des faits socioculturels, au vrai sens du mot", a-t-elle rappelé.
Le message que Débora Kayembe souhaite transmettre aux populations de l'Est du pays, particulièrement celles touchées par la guerre du Rwanda, est celui de l'espoir. Elle souligne les graves violations des droits de l'homme et l'impact dévastateur des conflits sur les jeunes générations. Kayembe a rencontré des réfugiés dans des camps qui, n'ayant jamais vu la télévision, sont confrontés à une réalité d'ignorance et de pauvreté que beaucoup trouvent inacceptable au 21ᵉ siècle.
"Il y a toujours un espoir pour ceux qui arrivent dans notre pays. C'est le premier message que je vais apporter. Mais le contexte du grand Kivu est totalement différent du contexte du reste de la RDC. Parce que cette partie de la RDC a été assujettie à des violations des droits humains et la guerre qui continue", a-t-elle ajouté.
Débora Kayembe critique également la gouvernance à Kamina, soulignant le manque de stabilité politique avec sept gouverneurs en cinq ans et l'inefficacité des projets de développement. Elle évoque aussi le manque de soutien pour les initiatives locales, comme en témoignent les difficultés rencontrées par les habitants pour accéder aux services de base.
Son passage à l’Université d’Édimbourg
Enfin, la professeure Débora Kayembe se remémore de son passage à la tête de l’Université d’Édimbourg, qu’elle considère comme bénéfique pour l’institution. Bien que son rôle de rectrice soit désormais terminé, elle reste "une figure influente dans le milieu académique et continue à inspirer par son engagement et ses contributions".
Le parcours de notre invitée à l'Université d'Édimbourg a été marqué par des transformations significatives, tant pour elle-même que pour l'institution. L'adoption d'une nouvelle attitude et l'abandon des anciennes pratiques conservatrices ont permis à l'université de gravir des échelons qu'elle n'aurait pas atteints autrement. Cette réussite a également ouvert des portes pour Débora Kayembe, qui a quitté Édimbourg le 5 avril dernier après avoir été recrutée par l'Université de Harvard.
Une reconnaissance prestigieuse de l'Université de Kinshasa
Avant de rejoindre Harvard, la professeure Débora Kayembe a été honorée par l'Université de Kinshasa avec deux distinctions prestigieuses. Elle a reçu le titre de docteur honoris causa en Droit pour ses contributions aux droits de l'homme et à la progression des droits des femmes, ainsi que pour ses actions en faveur de la paix, en particulier lors du projet de rapatriement des réfugiés britanniques aux Rwanda initié par le Parti conservateur britannique qui, aujourd'hui, a quitté le pouvoir. De plus, elle a été nommée ambassadrice de l'UNIKIN, un rôle influent visant à promouvoir l'institution.
Originaire de Kabalo, dans le Tanganyika, elle reconnaît les défis importants auxquels sont confrontées les universités congolaises. Cependant, elle attribue une grande partie des problèmes à la "politique gouvernementale qui a entravé le développement de l'université".
Sa gestion de la crise durant la campagne Freedom Walk, marquée par des attaques racistes, a attiré l'attention de l'Université d'Édimbourg et, plus tard, de Harvard. Son rôle de catalyseur de paix et de bâtisseur de ponts entre différentes communautés a été reconnu, particulièrement dans le cadre de la crise avec le Rwanda. Cette expérience a conduit à une invitation de Harvard pour présenter une thèse, parmi 3.000 candidats pour seulement 20 postes. Sa thèse sur "les femmes combattant les inégalités et promouvant la justice, pour l'égalité de chances pour tous" a été l'une des 19 sélectionnées.
"Il y avait environ 3.000 candidats sur ces postes de 20 personnes. Alors là thèse, c'étaient les femmes qui combattent l'inégalité et la promotion de la justice ont envie dobyles opportunités pour tout le monde dz s l'éducation. Et c'est ce qui les a séduits", a-t-il poursuivi.
Dans la foulée, Débora Kayembe précise à 7SUR7.CD que sa thèse met un accent particulier sur les conditions des femmes en Afrique et dans le monde. Elle souhaite que son travail profite non seulement à la RDC mais à "toutes les femmes confrontées à des conditions difficiles". Elle appelle à une vision plus globale et inclusive des droits des femmes.
Elle encourage les congolais à faire preuve de patience quant à la campagne Congo Profond, soulignant les limitations financières et logistiques. Elle demande également un temps de réinvention personnelle, se dédiant à ses études et à son développement personnel pour pouvoir mieux contribuer à l'avenir.
Son parcours exemplaire et ses contributions remarquables sont une source d'inspiration pour beaucoup. Son engagement envers les droits de l'homme et l'éducation continue de faire une différence à travers le monde.
Patient Lukusa, à Lubumbashi