
Des chercheurs issus de différents horizons disciplinaires, biologistes, neurologues, agronomes de l'Université de Kinshasa (UNIKIN) ont démontré que, contrairement à ce que soutient une thèse devenue virale sur la toile, le manioc est un aliment important qui peut assurer la sécurité alimentaire aux Africains.
Pour cette institution d'enseignement et de recherche, il suffit pour les consommateurs de bien traiter le manioc, de mieux le détoxifier pour enlever le cyanure qui peut causer du tort à la santé mentale et physique.
Ces chercheurs ont démantelé cette rumeur au cours d'une conférence débat organisée, ce mardi 29 avril 2025, sur le thème : « Le manioc : source de nutriments ou mythe de la bêtise ? ».
Principale conférencière du jour, la professeure Marie-claire Yandzu Dembo, secrétaire générale à la Recherche à l'UNIKIN, a axé son intervention sur « les avancées scientifiques sur l'amélioration des techniques de detoxification du manioc ».
Apprendre les techniques de détoxification
Elle a expliqué les techniques de détoxification en ce qui concerne le manioc non fermenté (farine panifiable) et le manioc fermenté. Il s'agit notamment des techniques liées au séchage, à la cuisson et au nettoyage du manioc avec de l'eau propre (à PH > à 5,5) jusqu'à réduire les niveaux de cyanure à 10 ppm, soit 2 à 3 mg de HCN/100 g, tel que le recommande l'OMS.
En conclusion, la professeure Marie-Claire Yandju a souligné que le manioc non ou mal détoxifié peut rendre malade, car le manioc contient des cyanures dans toutes ses parties, qu'il soit doux ou amer.
Elle a, cependant, indiqué que la détoxification peut être obtenue totalement lorsqu'on respecte les conditions physico-chimiques de traitement qui favorisent la libération de l'ion cyanure, la formation de l'acide cyanhydrique dans l'eau (rouissage) et l'évaporation de l'acide cyanhydrique par le séchage ou par cuisson.
Création des machines de détoxification, une nécessité
Dans les perspectives, la professeure Marie-Claire Yandju a souligné que, contrairement à ce qui raconte, le manioc est une opportunité pour la création des industries diverses en République démocratique du Congo et en Afrique en général.
Elle a recommandé, notamment la transformation du manioc par fermentation contrôlée avec l'utilisation du micro ferment (MCY), capable de transformer le manioc frais en moins de 24 heures, éliminer à 100 % les cyanures et enrichir le manioc fermenté en protéines et autres éléments nutritifs.
« La conférence d'aujourd'hui, c'était pour réagir à ce qui se dit à travers le monde. C'était le bal des influenceurs qui a créé cela, qui a eu lieu le premier avril à Paris. L'objectif était de démontrer et de vulgariser pour tous les congolais qui sont dans la production et transformation du manioc pour qu'ils sachent que le manioc est un aliment de l'avenir. C'est la matière première pour le développement industriel de la RDC. C'est la seule nourriture qui peut nous aider contre l'insécurité alimentaire dans toutes ses formes. Il faut qu'on sache qu'en RDC, on a maitrisé toutes les techniques de détoxification du manioc et nous n'avons qu'à les appliquer », a conclu la professeur Marie-Claire Yandju.
Intervenant à cette conférence, le médecin directeur du CNPP, le professeur Daniel Okitundu, a démontré que les feuilles de manioc sont un produit antioxydant, donc bon pour le cerveau. Pour lui, le CNPP a conseillé d'ailleurs aux personnes de troisième âge de consommer les feuilles de manioc tous les jours.
Les bienfaits du manioc à la santé mentale
Tout en reconnaissant que le manioc mal traité et détoxifié peut causer plusieur pathologies psychiques, le médecin directeur du CNPP a tenu à attirer l'attention de la population sur les enjeux géostratégiques du discours de haine contre le manioc. Il a souligné que derrière cela, il y a aussi une intention économique de remplacer le manioc par un autre produit à vendre aux Africains.
Abondant dans le même sens, le professeur Bruno Bindanda a présenté les valeurs nutritives du manioc et ses bienfaits pour la santé. Il s'est inscrit en faux contre la thèse selon laquelle le manioc rend bête.
Cette conférence débat a connu la participation du directeur du Programme National de la Nutrition. Elle a été lancée par le professeur Bruno Lapika, représentant personnel du recteur, Jean-Marie Kayembe empêché, et modérée par le professeur Jean-Paul Mbuya Kutumisa, l'AP du recteur.
ODN