À quelques jours de la COP30, la République démocratique du Congo veut se présenter comme la voix des pays forestiers, déterminée à réclamer une juste compensation pour ses efforts de préservation. Mais sur le terrain, les critiques d’organisations internationales comme Rainforest Foundation relancent un vieux débat sur la crédibilité des projets carbone.
« Cela fait 30 ans que nous participons à ces négociations sans obtenir gain de cause », a regretté le professeur Jean Robert Bwangoy, coordonnateur du projet REDD+ Maï-Ndombe et directeur général d’ERA Congo.
Face aux accusations d’irrégularités formulées par Rainforest Foundation, le scientifique est monté au créneau.
« Rainforest Foundation agit comme un représentant autoproclamé des communautés, sans mandat. Ils reçoivent de l’argent au nom des communautés, mais sur le terrain, il n’y a aucun impact », a-t-il dénoncé dans une interview accordée à 7SUR7.CD.
Selon lui, les méthodes de cette ONG manquent de rigueur.
« Ils font ce qu’on appelle de la télévision. Ils arrivent à Kinshasa, posent quelques questions, donnent quelques miettes à des ONG locales et repartent avec des rapports fabriqués », accuse-t-il.
Le chercheur remet également en cause la fiabilité du dernier rapport publié par Rainforest.
« Ils ont critiqué nos forages, mais nos forages fonctionnent. Le leur, payé avec des millions, a fonctionné deux semaines. Je défie Rainforest : qu’on aille ensemble sur le terrain voir ce qu’ils ont réellement fait », a-t-il ajouté.
Concernant les accusations liées à la gestion des concessions forestières, le professeur Bwangoy parle d’« affirmations infondées » et d’une « méthodologie malhonnête ».
« Depuis 2011, ils affirment qu’ERA Congo n’a jamais obtenu le consentement libre et éclairé des communautés locales. C’est faux », tranche-t-il.
Pour appuyer ses propos, il rappelle qu’une mission conjointe avec l’organisation Forest Peoples Programme (FPP) a eu lieu sur le terrain.
« Nous avons montré à FPP comment le prix [de l'accès au territoire] avait été payé, et ils ont confirmé que les comités locaux de développement (CLD) avaient été mis en place de manière indépendante », souligne-t-il.
Sur la question du suivi communautaire, le responsable du projet signale que « chaque année, les communautés renouvellent leur consentement. Nous avons des documents signés, y compris ceux de janvier 2023 ».
Il accuse par ailleurs Rainforest d’avoir manipulé ses propos.
« Ils reprennent mes réponses, les mettent en annexe, mais dans le corps du rapport, ils conservent leurs mensonges. C’est intellectuellement malhonnête. »
Réagissant à la polémique sur la limite de superficie fixée par l’article 92 du Code forestier, il dénonce un amalgame.
« Ils mélangent tout. Par exemple, un projet d’une entreprise indienne a fait signer des communautés pour 72 millions d’hectares. Et on amalgame cela avec notre cas. »
Sur les critiques d’opacité, le professeur se défend : « Dire que c’est opaque, c’est malhonnête. Tous les documents sont publics : description du projet sur le site de VERRA, rapports de vérification accessibles avec appel à commentaires. Rainforest refuse d’y participer, puis accuse d’opacité. »
Le coordonnateur du projet REDD+ Maï-Ndombe cite plusieurs réalisations visibles.
« Il n’y a que trois projets qui ont vendu des crédits carbone, dont le nôtre. Et les bénéfices sont concrets : des écoles dans presque tous les villages, des centres de santé, des soins pris en charge, y compris des enterrements à Kinshasa. Nous payons aussi les enseignants non mécanisés dans les villages. Aucune société minière ne le fait », insiste-t-il.
Et il ajoute : « même dans leurs critiques, ils reconnaissent que nous avons construit des écoles. Leur reproche ? Il manque des plafonds ou des latrines. Mais ils admettent que les écoles existent. C’est la preuve que les bénéfices sont réels. »
Le projet REDD+ ERA-CONGO, également connu sous le nom de projet REDD+ de Maï-Ndombe, est une initiative de conservation forestière en RDC visant à lutter contre le changement climatique par la préservation des forêts et la génération de crédits carbone. L'entreprise ERA Congo, désormais opérée par Wildlife Works, conserve une forêt d'environ 300 000 hectares dans la province de Maï-Ndombe, et utilise les revenus issus de la vente de crédits carbone pour financer des projets de développement local.
Ces projets incluent la construction d'infrastructures (écoles, centres de santé), le soutien aux communautés locales, et le développement d'activités économiques alternatives comme la pisciculture et l'apiculture.
MD