A l’approche de la tenue des élections en République démocratique du Congo, les praticiens du droit ont été interpellés sur la nécessité de respecter et de faire respecter le droit de la défense pour une meilleure redistribution de la justice. C’est autour de ce sujet que le premier Président de la Cour suprême de Justice, Jérôme Kitoko Kimpele, a focalisé l’essentiel de son exposé, lors de la rentrée judiciaire, hier jeudi 15 octobre à Kinshasa.
Jérôme Kitoko Kimpele pense qu’au regard du rôle que doit jouer le juge en cette période d’extrême expression démocratique, il est utile de rappeler à ce dernier, la portée exacte des droits de la défense, tant clamés devant la barre afin de veiller en âme et conscience sur la sauvegarde de ceux-ci. Une façon pour lui de conscientiser ses pairs à la bonne pratique de la justice. C’est ainsi que, lors de ces communications antérieures, il a aborder des thèmes importants plaçant le juge au centre des préoccupations. Car, selon lui, " la personne du magistrat est la clé du bon fonctionnement de la justice en République démocratique du Congo, comme partout ailleurs. "
Tour à tour, Jérôme Kitoko Kimpele s’est entretenu avec les magistrats, notamment sur " la déontologie du juge ", sur " le serment du magistrat ", sur " l’erreur matérielle " et sur " la prise à partie ", afin de dégager la spécificité de cet acteur majeur dans la distribution de la justice.
Le premier Président de la CSJ a, devant l’assistance, souligné que son sujet du jour - " De l’application des droits de la défense aux procédures devant la Cour suprême de Justice faisant fonction de la Cour de cassation " - est motivé par une longue expérience de juge.
Ce thème tire ses sources des instruments juridiques, tant internationaux que nationaux. " Il me parait d’un grand intérêt à suivre les divers scénarios de la réclamation du respect de ces droits par le juge pour comprendre combien il est impérieux aujourd’hui d’en disséquer le sens exact ", fait-il remarquer.
Dans sa problématique, Jérôme Kitoko se demande si le juge qui se trouve comme arbitre dans les conflits qu’il est appelé à trancher dans le strict respect de la loi, doit lui-même aussi respecter ces droits de la défense ou seulement les faire respecter.
Dans sa compréhension du sujet, l’auteur énonce que les droits de la défense reposent, en matière pénale, sur la notion des garanties de jouissance des prérogatives, donc des droits à faire valoir ou à exercer et, en matière civile, certes commerciale et sociale, sur la notion des garanties fondamentales dont devront jouir les justiciables ou toute personne lésée dans ses droits.
" En tant que prérogatives, a-t-il déclaré, il découle de la notion des droits de la défense la nécessité du juge indépendant et impartial ainsi que du délai raisonnable pour être jugé. Il en découle aussi la nécessité, pour toute personne accusée, de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense en justice, soit personnellement, soit assistée par un avocat ou par un défenseur judiciaire. "
LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE
La mise en œuvre du principe du droit de la défense, indique l’orateur, implique le juge, les parties et les avocats. " Le juge, parce qu’il a le pouvoir d’impartir le délai et d’ordonner les mesures nécessaires au bon avancement de la procédure, afin d’éviter que les parties ne mènent le procès à leur guise, que les conseils des parties, surchargés d’affaires, ne fassent ou ne laissent traîner le procès en longueur, encombrant inutilement le rôle du tribunal au détriment des autres justiciables ", a-t-il expliqué.
Jérôme Kitoko a fait remarquer que le respect des droits de la défense par le juge passe donc par une somme d’observances et d’exigences devant réunir toutes les conditions d’un procès équitable, dont la motivation des décisions. Le juge devra, en outre, veiller sur les garanties qui s’offrent pour que les parties se défendent sans faille ni reproche.
La mission du juge, poursuit-il, ne peut aucunement enlever aux parties leur rôle actif dans un procès. Il leur appartient d’accomplir les actes de procédure dans les forme et délai requis. " A l’égard des parties, le respect du principe des droits de la défense se manifeste, d’abord, au moment de la présentation des demandes. Il commande que le défendeur ait connaissance des demandes qui sont formulées contre lui pour être à même de participer aux débats. Il se manifeste encore pendant tout le cours du procès par l’exigence d’un débat pleinement contradictoire auquel le défendeur informé a été appelé. "
Lors de la communication et de la production des conclusions et des pièces par les avocats, le juge, à cette phase de la procédure, doit respecter et faire respecter le principe sacré du contradictoire et de la loyauté lors de la " mise en état " du dossier.
APPLICATION DU PRINCIPE PAR LA COUR
L’exposant rappelle que la Constitution, en son article 153, reconnait à la Cour de cassation, la compétence personnelle sur des personnalités politiques et gouvernementales centrales et provinciales.
Il y a donc lieu de retenir que sont jugés en premier et dernier ressort par la Cour de cassation, les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, les membres du Gouvernement autres que le Premier ministre, les Gouverneurs de provinces, les vice-gouverneurs de provinces et les ministres provinciaux ainsi que les Présidents des Assemblées provinciales.
Autres personnalités visées par cet article, sont des membres de la Cour constitutionnelle et ceux du Parquet près cette Cour ; les membres du Conseil d’Etat et ceux du Parquet près ce Conseil ; les membres de la Cour des comptes et ceux du Parquet près cette Cour, ainsi que les Premiers présidents des cours administratives d’appel et les procureurs généraux près ces cours.
Les magistrats de la Cour de cassation ainsi que ceux du Parquet général près cette cour et les premiers présidents des cours d’appel ainsi que les procureurs généraux près ces cours sont jugés en premier et dernier ressort par la Cour de cassation.
Il faut également ajouter à cette liste, les membres de la Commission électorale nationale indépendante et ceux de la Commission nationale des droits de l’homme.
Des poursuites contre ces personnes visées à l’article 153, alinéas 3 de la Constitution, obéissent à une procédure particulière.
LE RESPECT DES DROITS DE LA DEFENSE, UNE EXIGENCE A UN PROCES EQUITABLE
Loin d’être une pure imagination des activistes engagés, Jérôme Kitoko Kimpele souligne que le respect des droits de la défense est une exigence du droit moderne à un procès équitable, dont seul le juge reste le garant. Déjà au stade de la détention prévention, martèle-t-il, le juge de la Cour de cassation est appelé à contrôler le respect des droits de la défense en cette pré-juridictionnelle, en confirmant la détention ou en ordonnant la mise en liberté provisoire de l’inculpé ou sa mise en résidence surveillée.
Dans la procédure au fond de la cause, le juge de la Cour de cassation doit s’assurer que toutes les garanties d’un procès sans reproche ont été réunies, garanties prévues par la loi et non celles voulues par le justiciable. " C’est l’homme, le juge, lui-même qui est au centre du respect des droits de la défense, car de son attitude attendue proviendrait la conviction et la confiance des justiciables comme garantie d’un procès équitable ", a-t-il conclu. MOLINA