Le dossier judicaire des membres du mouvement « Filimbi » risque de prendre du temps, avant de connaitre son épilogue. En effet, le vendredi 26 juin 2015, le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe, siégeant en chambre foraine à la Prison Centrale de Makala, n’a pu aborder, comme initialement prévu, le fond de l’affaire qui oppose le ministère public et l’Etat congolais aux prévenus Freud Bauma et Yves Makwambala, tous deux membres du mouvement d’éveil de la conscience « Filimbi », accusés d’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Et pour cause ! La défense a introduit, séance tenante, une requête exigeant l’annulation des procès-verbaux établis à l’ANR (Agence Nationale de Renseignements), à l’étape de leur audition extrajudiciaire.
Dans cette requête, le collectif des avocats des prévenus a soulevé deux préalables. Maître Georges Kampiamba et Sylvain Lumu, avocats de la défense, ont contesté les procès-verbaux dressés par des officiers de police judicaire de l’ANR.
Ils ont soutenu que ces procès-verbaux ont été transmis au parquet général en violation des articles 18 et 19 de la Constitution ainsi que de l’article 3 du Code de procédure pénale ordinaire. Ces articles, ont-ils relevé, garantissent aux prévenus le droit de se faire assister par leurs avocats à toutes les étapes de la procédure judiciaire.
Les conseils ont fait savoir que l’ANR avait réservé une fin de non-recevoir à leur demande d’assister les prévenus au moment de leur audition dans ses locaux. Maître Sylvain Lumu a soutenu que les deux activistes du mouvement « Filimbi » avaient fait des aveux sous la torture, une pratique formellement interdite par les conventions internationales ratifiées par la République Démocratique du Congo.
La défense a fait remarquer aussi que les objets présentés au tribunal comme saisis chez les prévenus ont été transmis au parquet sans un procès-verbal de saisie. En résumé, les avocats de la défense ont démontré que ces irrégularités ont sérieusement porté atteinte au droit à la défense garanti à tout citoyen par la loi fondamentale.
Dans leur réplique, les avocats de la République Démocratique du Congo ont fait remarquer que l’assistance d’un avocat est une faculté et non une obligation. « La Constitution stipule que tout citoyen peut être assisté et non doit être assisté », ont-ils souligné, avant de faire noter que les textes des lois qui régissent la RDC ne sont pas formels à ce sujet.
Compte tenu de ce constat, la partie civile a demandé au tribunal de démarrer l’examen du fond de l’affaire au lieu de se laisser piéger par la défense qui, à dessein, soulève des préalables pour tirer le procès en longeur.
De son côté, le ministère public a emboîté le pas à la partie civile, en déclarant la requête introduite par la défense non fondée.
Les avocats de la défense ont repris la parole pour réitérer leur désaccord avec la position de la partie civile et de l’organe de la loi soutenant le rejet de leurs préalables. Maître Kampiamba est revenu à la charge pour évoquer un Arrêt rendu lors du procès contre le colonel Alamba, dans l’affaire de l’assassinat de Stève Nyembo, en indiquant qu’on peut recourir à d’autres sources de droit, notamment la doctrine ou la jurisprudence, dans le cas où la loi est muette au sujet d’une irrégularité
Ledit Arrêt condamne, a-t-il rappelé, la violation du droit de la défense dans la phase des procès-verbaux.
Pour couper la poire en deux, le tribunal a décidé de prendre l’affaire en délibéré pour se prononcer dans la huitaine.
Il sied de rappeler que lors de la première audience, le 12 juin 2015, le même tribunal avait disjoint les poursuites à l’égard de 4 prévenus, à savoir Kiakwama kia Kiziki, Floribert Anzuluni, Ben Kabanga et Horli Ndjoli.
Par conséquent, il n’y a que les prévenus en détention qui comparaissent dans l’actuel procès.
ERIC WEMBA