Les historiens se souviendront qu’en 1997, au moment où l’AFDL est entrée à BUKAVU et que feu Président KABILA a surpris le monde entier en se présentant comme son porte-parole, il avait lancé au pouvoir de Kinshasa une invitation à aller le rencontrer à Goma pour « négocier ».
Le pouvoir de Kinshasa, fort et sûr de sa légitimité intérieure et internationale encore apparente, rejeta avec dédain cette invitation qui lui fut d’ailleurs lancée trois fois de suite, jusqu’à là prise de Kisangani, étape où le changement de régime devint irréversible aux yeux de l’opinion nationale et internationale.
Renseigné sur les contours de cette guerre, J’avais tenté vainement de faire partager aux collègues le l’entourage, la conviction que cette guerre était une sorte de coalition dirigée contre le système autoritaire du Maréchal MOBUTU. J’avais confiance à l’entêtement de la vérité. Car à mon humble entendement, c’était le sort du régime qui se jouait. Je pris donc l’histoire à témoin en publiant courageusement un article qui fit certes sensation, mais m’attira l’animosité publique de certains collègues qui avaient pris l’article « ALLONS NEGOCIER», Soft de Finance n° 618 du lundi 3 mars 1997, comme un acte de traitrise.
Deux mois plus tard, l’évolution rapide des évènements me donna raison. Pour la petite histoire, lorsqu’il me sera donné l’honneur d’être reçu par. feu Président Laurent Désiré KABILA à Kinshasa, fin mai 1997, il me dira en blaguant et je le cite: « Heureusement que les tiens ne t’ont pas écouté, sinon nous ne serions pas arrivés à Kinshasa, en tout cas pas aussi vite ».
En revanche, depuis puis le début de la 3ème République, nombreuses personnalités de la 2ème République n’avaient cessé de me répéter leur regret de ne pas avoir écouté mon intuition! Il ne s’agissait pas d’une intuition, II s’agissait d’une conviction tirée de l’analyse du contexte national et international de l’époque, comme je l’avais résumé dans l’article «ALLONS NEGOCIER ».
Aujourd’hui, comme si l’histoire se répétait dans l’autre sens, le Président Joseph KABILA invite son opposition ainsi que la société civile à un dialogue.
Levée de boucliers ! Car pour les uns, peut-être les plus de nombreux : « Joseph KABILA cherche à prolonger son mandat». Péjorativement, ils appellent cela « glissement ».
Pour les autres : « le Président veut partager la responsabilité des erreurs de sa gestion en cherchant à mouiller l’opposition ».
Pour les autres encore, la majorité présidentielle tente une nouvelle manœuvre d’affaiblissement de l’opposition en la divisant ». etc. Soit ! Mais toutes ces attitudes de la classe politique procèdent uniquement des stratégies de conquête du pouvoir à court, moyen, ou long terme. Mais le ‘pouvoir, qu’il soit demain reconquis, conquis et/ou contrôlé par la majorité actuelle ou par l’opposition actuelle, s’exercera dans quel morceau du pays, si la R.D Congo implosait?
Est-ce que nous nous rendons seulement compte que nous avons nous-mêmes, par tant d’incohérences et de contradictions cumulées, piégé notre propre pays et planté le décor de sn implosion?
N’ayant aucune ambition de donner de leçon à la classe politique, je pense qu’il est urgent de renoncer momentanément à l’esprit de conquête du pouvoir et aux stratégies qui la caractérisent. Allons une fois encore négocier pour d’abord sauver non pas un quelconque pouvoir, mais « la réalité existentielle de l’entièreté du Congo». Toutes les questions, je suppose, pour- raient y être évoquées sans tabou.
La guerre froide est loin derrière nous. Une fois éclaté et désintégré, aucune grande puissance ne viendra du dehors réunifier le Congo. Sa tendre chair sera livrée aux vautours. De leurs nouveaux repaires d’exil, les Congolais n’auront que leurs yeux pour pleurer. Il sera trop tard ! Voilà pourquoi nous devons prendre conscience maintenant, avant d’entrer dans le cycle infernal dans lequel la Lybie, l’Irak et la Somalie se trouvent aujourd’hui plongés.
Que Dieu du Ciel, protège la RDC !
Ambassadeur Roger NKEMA LILOO