Alors que le dernier mandat de J. Kabila tire vers la fin; RDC : les violences contre l’Opposition dénoncées

Mercredi 7 octobre 2015 - 10:31

Dans un nouveau rapport accablant, HRW accuse le parti au pouvoir (PPRD) de s’être servi d’une centaine de brigands pour perturber la manifestation organisée par l’Opposition le 15 septembre dernier à N’djili

Human Rights Watch (HRW) vient de publier un nouveau rapport publié le mardi 6 octobre 2015, dans lequel cette ONG internationale accuse les responsables des forces de sécurité et du parti au pouvoir d’avoir recruté des brigands moyennant 65 USD remis à chacun d’eux en vue d’attaquer et perturber la manifestation pacifique organisée par l’opposition le 15 septembre 2015 à la place Ste Thérèse, à Ndjili.

Le rapport indique qu’un groupe de jeunes a violemment attaqué un rassemblement public organisé le 15 septembre par des dirigeants de l’opposition politique pour appeler le président Joseph Kabila à quitter ses fonctions à l’issue de ses deux mandats constitutionnellement autorisés en décembre 2016.

Selon ce document, les assaillants étaient armés de gourdins et de bâtons en bois et ont frappé des manifestants, répandant la peur et le chaos dans la foule de plusieurs milliers de protestataires. Plus d’une dizaine de manifestants ont été ainsi blessés, dont certains ont été piétinés alors qu’ils tentaient de fuir, indique cette source.

» Les citoyens congolais ont le droit de manifester pacifiquement à propos des limites du mandat présidentiel sans se faire attaquer par des voyous recrutés à cet effet « , a déclaré Ida Sawyer, chercheuse senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. «

L’implication apparente de hauts responsables de la sécurité et du parti au pouvoir dans les attaques violentes montre jusqu’où les autorités sont capables d’aller pour stopper les manifestations de l’opposition. « , tance Ida Sawyer.

Human Rights Watch dit avoir observé la manifestation du 15 septembre, et interrogé des victimes, des témoins, des professionnels de santé et plusieurs assaillants.

Parmi ces assaillants figuraient des membres de la Ligue des Jeunes du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) de Kabila, parmi lesquels beaucoup sont connus comme pratiquant des arts martiaux, ainsi que des jeunes ayant des liens avec Vita Club, l’une des principales équipes de football de Kinshasa.

Des agents de l’Agence nationale de renseignements (ANR), de la police et de l’armée, tous en tenue civile, auraient également pris part à l’attaque.

Plusieurs jeunes qui ont reconnu avoir participé à l’attaque auraient affirmé à Human Rights Watch qu’ils se trouvaient parmi plus de 100 jeunes recrutés par de hauts responsables de la sécurité et des responsables du PPRD.

65 USD, prime de violence !
Ces jeunes auraient reçu chacun 65 USD. Ces derniers ont été invités à se rassembler dans un camp militaire à Kinshasa la nuit précédente et auraient » reçu des instructions sur la manière de mener l’attaque « .

L’un d’entre eux a déclaré à HRW : » On nous a dit de commencer à attaquer les manifestants et de semer le désordre dès que l’un des leaders de l’opposition insulterait le président Kabila « . Un moyen de transport a été mis à la disposition des recrus le lendemain matin, pour les conduire jusqu’au quartier où la manifestation de l’opposition se déroulait.

La police déployée pour assurer la sécurité lors de la manifestation n’a pas stoppé les assaillants armés de bâtons lorsqu’ils sont arrivés, mais est restée à proximité et a simplement observé leur arrivée. La police est uniquement intervenue quelque temps plus tard lorsque des manifestants en colère s’en sont pris aux assaillants et ont commencé à les frapper.

Un des assaillants qui a été battu est décédé plus tard de ses blessures. Les agents de police ont rapidement emporté son corps à l’une des morgues de la ville.

Un employé de la morgue a raconté à Human Rights Watch que des officiers de police ont demandé aux employés de la morgue de ne pas toucher le corps et de n’informer personne de sa présence.
Ils ont ordonné aux employés de l’étiqueter comme » corps de l’État « , empêchant ainsi les membres de la famille de le réclamer.

Human Rights Watch dit avoir documenté de précédents cas dans lesquels des responsables de la sécurité ont fait identifier un corps comme » corps de l’État » pour dissimuler des décès politiquement problématiques.

L’apolitisme de la Police remis en cause

Des témoins ont indiqué à Human Rights Watch qu’un haut responsable de la police de la ville de Kinshasa figurait au moins parmi les trois hauts responsables ayant participé au rassemblement de recrutement la nuit précédant la manifestation.

Et ces derniers auraient donné des instructions sur la façon de mener l’attaque. HRW rappelle que le général Kanyama a précédemment été impliqué dans de graves atteintes aux droits humains, y compris pour son rôle de commandement pendant la répression de janvier contre des manifestants qui a fait au moins 38 morts.

La police devrait rester apolitique, impartiale et respecter le droit de rassemblement pacifique de tous les citoyens congolais, fait remarquer Human Rights Watch.

L’ONG internationale exhorte la MONUSCO à contribuer à prévenir de nouvelles attaques en déployant la police de l’ONU lors des manifestations politiques. Le mandat de la MONUSCO en vertu de la résolution 2147 du Conseil de sécurité prévoit d’assurer, dans ses zones d’opérations, une protection efficace des civils se trouvant sous la menace de violences physiques « .

Pour HRW, l’attaque du 15 septembre n’était qu’un incident parmi les plus récents dans un contexte de répression croissante à l’encontre des personnes qui s’opposent à un troisième mandat de Kabila ou à tout report des élections nationales prévues en novembre 2016. Alors que les préparatifs des élections ont déjà pris du retard, certains s’inquiètent du fait que Kabila et ses partisans pourraient favoriser un report des élections, permettant ainsi un » glissement » de la date du scrutin vers une prolongation du mandat de Kabila.

» L’historique des violations graves des droits humains en RD Congo devrait servir d’alerte aux gouvernements concernés au sujet de la violence et la répression politiques avant qu’elles ne s’intensifient « , a conclu Ida Sawyer. «

Ces gouvernements devraient faire pression sur le gouvernement congolais pour exiger la libération des personnes détenues à tort et pour mener des enquêtes sur les responsables des attaques contre des manifestants pacifiques. Prévenir des abus est bien moins coûteux que d’essayer de ramasser les pots cassés après coup. « , martelé Ida Swayer.

Réagissant sur les antennes de BBC Afrique, Lambert Mende Omalanga, ministre congolais de la Communication et des Médias parle d’un rapport politiquement motivé et pas crédible.

Par Godé Kalonji M.

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