Bancarisation de la paie des militaires : FARDC – des cartes biométriques falsifiées par une maffia

Mercredi 1 juin 2016 - 09:51
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La bancarisation de la paie des militaires lancée depuis trois ans, tambours battants, sur l’ensemble du territoire national, poursuit son bonhomme de chemin, à la satisfaction de ses initiateurs. Car, si d’un côté, elle a permis aux responsables de notre armée, de maîtriser les effectifs et de ne payer que les éléments actifs, de l’autre côté, elle a créé la misère de tous ceux qui s’enrichissaient sur le dos des fictifs pléthoriques. Triste réalité ! Aujourd’hui, certains agents payeurs réduits à la consommation de leur seul salaire, broyent du noir, sans parvenir à renouer avec le train de vie dispendieux de l’époque de la paie manuelle. Car, tous les reliquats récupérés après avoir élagué les fantômes qui gonflaient les listes de la paie manuelle, sont reversés au compte du trésor public, afin de faire face à d’autres dépenses publiques.

 

Et depuis que ce nouveau système de bancarisation de la paie des militaires est mis en œuvre, on a oublié des prélèvements indus sur les soldes opérés par des agents payeurs, des liasses incomplètes ou quelques fois, des billets communément surnommés « blessés de guerre », et des coupures artificielles comportant deux billets de même format, mais de valeurs différentes. Fini le règne des détournements monstres à la fin de chaque mois!

 

Alors que la bancarisation, comme on le voit, a permis de débarrasser les fictifs pléthoriques des effectifs de notre outil de défense et de favoriser la transparence de la paie, force est de constater que des réseaux maffieux ont entrepris de torpiller cette entreprise en infiltrant la chaîne de la paie avec des personnes inconnues de la Direction des ressources humaines du ministère de la Défense.

 

Vendredi 20 mai dernier, les banques commerciales se sont lancées dans l’opération de la paie du mois de mai. Les guichets aménagés à cet effet, ne désemplissent pas. Les éléments des Fardc se succèdent auprès des préposés pour remplir les dernières formalités. Les guichets très sollicités travaillent à plein régime. C’est dans cette ambiance de tohu-bohu et de bousculade qu’un homme âgé de 36 ans, en tenue civile, aux lunettes noires et képi baisés sur les cils, a fait irruption dans le hall d’Access Bank, situé sur avenue des Huileries, commune de la Combe. Un coup d’œil rapide autour de lui, personne ne fait attention à sa présence. Il observe alors les mouvements et s’informe auprès des autres militaires, quelle est la caisse prévue pour les sous-officiers.

 

Et d’un pas lent, il se glisse vers le guichet lui indiqué et présente sa carte biométrique en réclamant sa paie qui traîne. Après un contrôle documentaire, le caissier décèle quelques anomalies qu’il va communiquer discrètement à ses supérieurs hiérarchiques. «C’est un cas suspect, ne le laissez pas partir. Promettez-lui que tout marchera comme ce fut le cas pour le mois d’avril».

 

Mis en confiance, le suspect attend, manifestant une impatience qui a fini par intriguer les agents-et les autres clients de la banque. Appelé dans un bureau, il entre et s’installe devant un travailleur d’Access Bank qui n’est autre qu’un OPJ chargé de l’entendre sur procès-verbal. L’homme qui transpire à grosses gouttes, tente de s’éclipser pour aller se soulager, mais il est maîtrisé .par des policiers chargés de l’encadrer.

 

Le réseau délivrait aux civils de fausses cartes biométriques pour militaires

 

A l’issue de l’interrogatoire sommaire, Access Bank décide de transmettre le dossier au Commissariat provincial de la police, afin de lancer une grande enquête sur cette affaire.

 

Au Groupement de recherche et investigations, le suspect tenu à l’œil, est identifié. Natif de Likasi, de son vrai nom, il s’appelle Blaise Ingoma et habite sur avenue Kaluila n° 6, quartier Ngomba Kinkusa, commune de Ngaliema. Malheureusement pour lui, la carte biométrique des Fardc avec sa photo qu’il a présentée au guichet d’Access Bank, porte plutôt le nom de Simba wa Sangwa Elie, soldat de 2ème classe. Ce document porte également pour matricule, le n° 17196950390. Tout finira par devenir clair. Les investigations entreprises par le Groupement de recherche et investigations vont établir toute la fausseté de la carte biométrique. D’abord, le soldat de 2ème classe Simba wa Sangwa Elie est réputé décédé, tandis que le numéro matricule est celui du militaire Moyogo Mutuadi. Ingoma Biaise, civil de son état, acculé par l’OPJ, le commissaire principal Sarat, a reconnu avoir reçu ce document falsifié auprès de son ami, l’ingénieur Mayalos Maya, son ancien condisciple de l’ISTA. Les enquêteurs du GRI, très vigilants, ont trouvé sur lui trois fausses cartes militaires. Ce qui laisse entrevoir que le réseau s’est spécialisé dans la fabrication des cartes biométriques. Et pour connaître les noms de personnes décédées à remplacer à la bancarisation, la pieuvre recourt aux informations livrées par des complices travaillant probablement dans les services S1.

 

Afin de démanteler tout ce réseau, le dossier a été transféré au Parquet de grande instance de la Gombe, qui est appelé à approfondir cette enquête, en recherchant les autres membres du réseau et leurs complices, et en localisant les bureaux clandestins de cette pieuvre. De la suite des investigations, on attend aussi que soit établi le nombre exact des bénéficiaires de ces fausses cartes biométriques, avant d’évaluer les préjudices causés aux Fardc.

Affaire à suivre !

 

Par J.R.T.