En signant le décret accordant la nationalité ivoirienne à l’ancien dictateur burkinabè, Alassane Dramane Ouattara, président de la République ivoirienne, était probablement loin de s’imaginer de l’onde de choc que cette décision allait provoquer tant dans son pays qu’à travers le monde et plus particulièrement en Afrique.
Qu’a-t-il reçu en retour de ce geste qu’il espérait d’ordre humanitaire mais qui renferme une charge émotionnelle d’une portée qui dépasse le cadre de la Côte d’Ivoire ? Les premiers à se sentir offusqués sont manifestement les habitants du Burkina Faso qui,
lors des manifestations et marches de septembre 2014, avaient exprimé tout ce qu’ils portaient dans leurs cœurs durant les 28 ans de règne sans partage de ce dictateur qui n’avait pas bien évalué les signes des temps. On rappelle qu’au lendemain des déclarations du président américain Barack Obama convaincu que le Monde a plus besoin des institutions fortes que des hommes forts, Blaise Compaoré s’était répandu dans les médias pour le contredire sans ménagement en le prenant à contre courant : l’Afrique a plutôt besoin d’hommes forts. Des prises de position qui ont énervé les opinions africaines surtout celles des Etats qui commençaient à aspirer à plus de démocratie et de respect des droits de l’homme.
Crimes contre l’humanité
Déclarés imprescriptibles et inaliénables par la Charte Universelle des droits de l’homme et des peuples, les crimes contre l’humanité qui sont attribués à l’ancien chef de l’Etat burkinabè ne peuvent pas être éteints par le fait de l’acquisition d’une autre nationalité
Car, ils ont été commis, in tempore non suspecto, à l’époque où l‘ancien dictateur exerçait ses fonctions de chef de l’Etat burkinabè. Pour preuve, Fujimori, ancien: président péruvien, qui s’était échappé de la justice de son pays pour se réfugier au Japon, son pays d’origine, avant de récupérer sa nationalité d’origine, a été rattrapé par son passé. En effet, le régime qui lui avait succédé, a fini par obtenir son extradition vers le Pérou pour répondre de ses crimes économico-financiers. La raison d’Etat a prévalu sur le confort d’un individu, fût-il ancien président de la République.
Affaire gênante pour Ouattara
L’un des effets de l’onde de choc doit avoir été très fort tout d’abord en Côte d’ivoire où les stigmates de la longue guerre civile se font encore et toujours ressentir. Or, dans une partie non négligeable de l’opinion: ivoirienne, notamment dans le camp des partisans de Laurent Gbagbo, aujourd’hui incarcéré à la Haye, c’est le gouvernement burkinabè qui avait appuyé militairement, politiquement et diplomatiquement les forces rebelles ivoiriennes dirigées à l’époque par l’actuel président de l’Assemblée Nationale qui, alors agissait sous les ordres de l’actuel chef de l’Etat ivoirien. Pour preuve, Guillaume Sorro est aujourd’hui poursuivi par un mandat d’arrêt international lui lancé par la Justice burkinabè pour son implication dans les tentatives de putsch des partisans de Blaise Compaoré conduits par le Général Gilbert Diéndéré, aujourd’hui incarcéré à Ouagadougou et poursuivi pour crimes contre l’humanité et atteinte à la sécurité de l’Etat.
C’est dire que cette décision va laisser des traces indélébiles dans l’opinion ivoirienne avec des répercussions ineffaçables sur e mandat de l’actuel président ivoirien. Avec comme risque d’affecter le camp des Houphouëtistes qui se préparent à fusionner leur parti le PDCI et le RDR d’Alassane Ouattara.
Cas de conscience pour la communauté internationale
La décision prise par Alassane Ouattara au bénéfice de Blaise Compaoré constituera pour longtemps un cas de conscience pour la communauté, internationale. Tout d’abord du fait du précédent fâcheux qu’il crée pouvant être récupéré par d’autres criminels dans l’espoir de se soustraire de la justice des hommes. En RDC, des cas similaires ont été enregistrés, notamment celui de Laurent Nkundabatware qui, après avoir commis des crimes de guerre et contre l’humanité dans les territoires de Masisi et Rutshuru, s’était réfugié au Rwanda. Le mandat d’arrêt international n’a pas eu gain de cause car, non seulement il n’existe par d’Accord d’extradition entre le Rwanda et la RDC, mais ce qui a le plus énervé les consciences, c’est que ce criminel a fini par exhiber sa carte de citoyen rwandais alors qu’il avait bénéficié du grade de Général de Brigade tout au long des guerres de l’AFDL et du RCD. Plus près de nous, un certain Bosco Ntaganda, poursuivi par un mandat d’arrêt international lancé parla CPI pour des crimes perpétrés dans l’Ituri aux côtés de Thomas Lubanga, s’est enfui au Rwanda après avoir été nommé général de brigade en RDC. , car ayant rejoint les rangs du M23, il finit par brandir sa nationalité rwandaise avant d’être livré à l’ambassade américaine de Kigali qui le transféra ensuite à La Haye où il choisit le kinyarwanda comme langue de travail.
L’absence d’une réaction musclée de la communauté internationale traduit sa gêne et son impuissance à traquer de tels criminels. Un silence qui va pousser d’autres criminels à emboiter, le pas à Blaise Compaore. Demain, l’on verra des dirigeants africains poursuivis pour crimes de guerre et contre l’humanité se réfugier dans des Etats tiers avant de demander et d’obtenir la naturalisation dans l’espoir d’ef1.cer leurs forfaits macabres. Une injure grave à la mémoire des victimes et de leurs familles.
Par Castro